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22/03/2013 | FRANCE | N°346703

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 22 mars 2013, 346703


Vu le pourvoi, enregistré le 15 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme B...A..., demeurant..., ; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900407 du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des arrêtés des 20 janvier et 3 mars 2009 par lesquels le maire de Goyave a procédé à la retenue, pour absence de service fait depuis le 17 décembre 2008, de la somme totale de 1 148, 74 euros sur sa rémunération des mois de janvier et févr

ier 2009 et, d'autre part, au remboursement des sommes retenues ;

2°) ...

Vu le pourvoi, enregistré le 15 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme B...A..., demeurant..., ; Mme A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0900407 du 10 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des arrêtés des 20 janvier et 3 mars 2009 par lesquels le maire de Goyave a procédé à la retenue, pour absence de service fait depuis le 17 décembre 2008, de la somme totale de 1 148, 74 euros sur sa rémunération des mois de janvier et février 2009 et, d'autre part, au remboursement des sommes retenues ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande de première instance ou, à titre subsidiaire, de condamner la commune de Goyave à lui restituer la somme totale de 627,76 euros correspondant aux rémunérations retenues qui excèdent la fraction saisissable ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de MmeA..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu la loi du 24 août 1930 relative à la saisie-arrêt et à la cession des appointements, traitements et soldes des fonctionnaires civils et militaires ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A...et de la SCP Lesourd, avocat de la commune de Goyave,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme A...et à la SCP Lesourd, avocat de la commune de Goyave ;

1. Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984, les fonctionnaires territoriaux ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 ; que cet article prévoit que cette rémunération comprend notamment un traitement auquel est attribuée, selon l'article 3 du décret du 24 octobre 1985, une valeur annuelle ; que l'absence de service fait par un fonctionnaire territorial, due en particulier à sa participation à une grève, donne lieu à une retenue sur son traitement ; qu'à défaut de dispositions législatives applicables à ces agents précisant le régime de cette retenue, son montant doit être proportionné à la durée de la grève ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 24 août 1930, en vigueur à la date du litige : " Les dispositions des articles 61 à 68 inclus et 70 à 73 inclus du livre premier du code du travail, relatives à la saisie-arrêt et à la cession des salaires et appointements, sont applicables aux salaires et traitements des fonctionnaires civils (...) " ; que ces dernières dispositions, aujourd'hui reprises aux articles L. 3252-1 et suivants du code du travail, s'appliquent à l'ensemble des fonctionnaires civils des administrations de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 ; que selon le premier alinéa de l'article L. 3252-2 de ce code : " Sous réserve des dispositions relatives aux pensions alimentaires prévues à l'article L. 3252-5, les sommes dues à titre de rémunération ne sont saisissables ou cessibles que dans des proportions et selon des seuils de rémunération affectés d'un correctif pour toute personne à charge, déterminés par décret en Conseil d'Etat. " ; que l'article R. 3252-2 du même code, pris pour l'application de cette disposition, prévoyait, dans sa version applicable au litige : " La proportion dans laquelle les sommes dues à titre de rémunération sont saisissables ou cessibles, en application de l'article L. 3252-2, est fixée comme suit : / 1° Le vingtième, sur la tranche inférieure ou égale à 3 460 euros ; / 2° Le dixième, sur la tranche supérieure à 3 460 euros et inférieure ou égale à 6 790 euros ; / 3° Le cinquième, sur la tranche supérieure à 6 790 euros et inférieure ou égale à 10 160 euros ; / 4° Le quart, sur la tranche supérieure à 10 160 euros et inférieure ou égale à 13 490 euros ; / 5° Le tiers, sur la tranche supérieure à 13 490 euros et inférieure ou égale à 16 830 euros ; / 6° Les deux tiers, sur la tranche supérieure à 16 830 euros et inférieure ou égale à 20 220 euros ; / 7° La totalité, sur la tranche supérieure à 20 220 euros " ; que, selon l'article R. 3252-3 : " Les seuils déterminés à l'article R. 3252-2 sont augmentés d'un montant de 1 310 euros par personne à la charge du débiteur saisi ou du cédant, sur justification présentée par l'intéressé. / Pour l'application du premier alinéa, sont considérés comme personnes à charge : / 1° Le conjoint, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin du débiteur, dont les ressources personnelles sont inférieures au montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, fixé pour un foyer composé d'une seule personne tel qu'il est fixé chaque année par décret ; / 2° L'enfant ouvrant droit aux prestations familiales en application des articles L. 512-3 et L. 512-4 du code de la sécurité sociale et se trouvant à la charge effective et permanente du débiteur au sens de l'article L. 513-1 du même code. Est également considéré comme étant à charge l'enfant à qui ou pour l'entretien duquel le débiteur verse une pension alimentaire ; / 3° L'ascendant dont les ressources personnelles sont inférieures au montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, fixé pour un foyer composé d'une seule personne et qui habite avec le débiteur ou auquel le débiteur verse une pension alimentaire. " ; qu'enfin, l'article L. 3252-3 disposait : " Pour la détermination de la fraction insaisissable, il est tenu compte du montant de la rémunération, de ses accessoires ainsi que de la valeur des avantages en nature, après déduction des cotisations et contributions sociales obligatoires. / Il est en outre tenu compte d'une fraction insaisissable, égale au montant de ressources dont disposerait le salarié s'il ne percevait que le revenu minimum d'insertion. / Il n'est pas tenu compte des indemnités insaisissables, des sommes allouées à titre de remboursement de frais exposés par le travailleur et des allocations ou indemnités pour charges de famille. " ;

3. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté la demande de Mme A...tendant, d'une part, à l'annulation des arrêtés des 20 janvier et 3 mars 2009 par lesquels le maire de Goyave a décidé de procéder à la retenue d'une somme totale de 1 148,74 euros sur sa rémunération des mois de janvier et février 2009, pour absence de service fait à l'occasion d'un mouvement de grève auquel elle avait participé et, d'autre part, au remboursement de cette somme ;

4. Considérant qu'il ressort des termes de ce jugement que le tribunal administratif s'est exclusivement fondé, pour écarter le moyen tiré de ce que les arrêtés litigieux, en fixant à 13 jours au titre du mois de janvier et à 13 jours au titre du mois de février le montant des retenues appliquées au traitement de la requérante, méconnaissaient les règles applicables à la fraction insaisissable des rémunérations, sur le montant de ressources dont Mme A...aurait disposé si elle n'avait perçu que le revenu minimum d'insertion, sans faire application des seuils et du correctif pour toute personne à charge prévus par les dispositions des articles L. 3252-2, R. 3252-2 et R. 3252-3 cités plus haut du code du travail ; qu'il suit de là qu'il y a lieu, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, d'annuler le jugement attaqué, qui est entaché d'une erreur de droit ;

5. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement n° 0900407 du 10 juin 2010 du tribunal administratif de Basse-Terre est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Basse-Terre.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de MmeA..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la commune de Goyave.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 346703
Date de la décision : 22/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 mar. 2013, n° 346703
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Odinet
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:346703.20130322
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