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01/03/2013 | FRANCE | N°357686

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 01 mars 2013, 357686


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars et 3 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Essentiel Formation Entreprises, dont le siège est 46, rue de la Télématique à Saint-Etienne (42000) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200537 du 1er mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécut

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mars et 3 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Essentiel Formation Entreprises, dont le siège est 46, rue de la Télématique à Saint-Etienne (42000) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1200537 du 1er mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution de la décision du 13 janvier 2012 par laquelle le préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône a prononcé le rejet de la somme de 510 689 euros de dépenses au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010 et en a demandé le reversement au Trésor public ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande de suspension ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu le code du travail ;

Vu la décision n° 2012-273 QPC du 21 septembre 2012 du Conseil Constitutionnel;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier-Roland Tabuteau, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la société Essentiel Formation Entreprises,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, avocat de la société Essentiel Formation Entreprises ;

1. Considérant qu'à la suite du contrôle administratif et financier de la société Essentiel Formation Entreprises réalisé par les services de l'Etat au titre du contrôle des activités de formation professionnelle continue, le préfet de la région Rhône-Alpes a prononcé, par décision du 13 janvier 2012, le rejet de la somme de 510 689 euros de dépenses au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2010 et en a ordonné le reversement au Trésor public ; que la société Essentiel Formation Entreprises se pourvoit en cassation contre l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de cette décision, au motif qu'en l'état de l'instruction, aucun des moyens développés devant lui ne paraissait propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ces effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 742-2 du même code : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application " ;

3. Considérant qu'il appartient au juge des référés qui rejette une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative au motif qu'il n'est pas fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision, d'analyser soit dans les visas de son ordonnance, soit dans les motifs de celle-ci, les moyens développés au soutien de la demande de suspension, afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle ;

4. Considérant que, dans l'analyse de l'argumentation présentée par la société Essentiel Formation Entreprises au soutien de ses conclusions tendant à ce que soit suspendue l'exécution de la décision préfectorale du 13 janvier 2012, l'ordonnance attaquée n'a pas analysé le moyen, soulevé dans son mémoire en réplique par la société requérante, selon lequel certaines dépenses de formation prises en compte par la décision préfectorale n'avaient pas été financées au titre de l'obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue et ne pouvaient, par conséquent, faire l'objet d'un contrôle de l'administration ni être incluses dans le montant des sommes soumises à reversement au Trésor public ; qu'elle n'a pas davantage énoncé ce moyen, qui n'était pas inopérant, dans ses motifs ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Essentiel Formation Entreprises est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'un défaut de motivation et doit, par suite, être annulée ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par cette société, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'en vertu de l'article L. 6361-1 du code du travail, l'Etat exerce un contrôle administratif et financier sur les dépenses de formation exposées par les employeurs au titre de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue et sur les actions entrant dans le champ de la formation professionnelle continue ou du droit à l'information, à l'orientation et à la qualification professionnelles qu'ils conduisent et qui sont financées par certains organismes ou administrations ; qu'en vertu de l'article L. 6361-2 du même code, l'Etat exerce un tel contrôle également sur les activités en matière de formation professionnelle continue conduites par, notamment, les organismes de formation ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 6361-3 du même code, ce contrôle " porte sur l'ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l'exclusion des qualités pédagogiques, mis en oeuvre pour la formation professionnelle continue " ; qu'en vertu des articles L. 6362-5 et L. 6362-7 de ce code, les organismes de formation sont tenus " de justifier le rattachement et le bien-fondé " des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue et, à défaut, font l'objet d'une décision de rejet des dépenses considérées et versent au Trésor public une somme égale au montant des dépenses ainsi rejetées ;

7. Considérant que, par sa décision du 13 janvier 2012, le préfet de la région Rhône-Alpes a confirmé le rejet des dépenses de la société requérante correspondant au coût de la remise d'un ordinateur portable à chaque stagiaire en fin de stage de formation à la bureautique et à internet ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'au regard notamment des dispositions des articles L. 6361-3 et L. 6362-5 du code du travail et compte tenu de l'absence de véritable programme de formation à distance à l'issue de la formation sur place, les moyens tirés de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit et inexactement apprécié la nature des dépenses exposées en estimant que les dépenses liées à la remise d'un ordinateur en fin de stage ne pouvaient être retenues dans les dépenses de formation continue ne sont pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision préfectorale du 13 janvier 2012 ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que le Conseil constitutionnel a jugé, par sa décision n° 2012-273 QPC du 21 septembre 2012 déclarant l'article L. 6362-5 du code du travail conforme à la Constitution, que le contrôle prévu par cet article est destiné à vérifier que les sommes versées par les personnes publiques en faveur de la formation professionnelle ou par les employeurs au titre de leur obligation de contribuer au financement de la formation professionnelle continue sont affectées à cette seule fin ; que, par suite, l'administration ne pourrait légalement imposer à un organisme de formation le versement au Trésor public de sommes correspondant à des dépenses qui n'auraient pas été financées par des personnes publiques ou des employeurs à ce titre ; que, toutefois, compte tenu du caractère limité et imprécis des deux témoignages produits par la société requérante à l'appui de ses affirmations, le moyen tiré de ce que certaines des dépenses rejetées par la décision préfectorale auraient été financées par des entreprises sans relever de leur obligation de participation au développement de la formation professionnelle continue n'est pas de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ;

10. Considérant, en dernier lieu, que, pour demander la suspension de l'exécution de la décision préfectorale du 13 janvier 2012, la société Essentiel Formation Entreprises soutient également que cette décision est entachée d'erreurs de fait relatives aux mentions figurant dans les conventions qu'elle avait conclues avec les entreprises ayant recours à ses services et aux éléments qu'elle avaient produits au cours de la procédure contradictoire et que la méthode de calcul du montant des dépenses rejetées n'a pas de fondement légal et repose sur des conditions d'amortissement des ordinateurs et une appréciation de la nature de la dépense erronées ; qu'aucun de ces moyens n'est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision préfectorale du 13 janvier 2012 ;

11. Considérant qu'il y a lieu, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la condition d'urgence, de rejeter la demande de la société Essentiel Formation Entreprises tendant à la suspension de l'exécution de cette décision ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ;

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 1er mars 2012 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par la société Essentiel Formation Entreprises devant le juge des référés du tribunal administratif de Lyon ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Essentiel Formation Entreprises et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357686
Date de la décision : 01/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 2013, n° 357686
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier-Roland Tabuteau
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:357686.20130301
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