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01/03/2013 | FRANCE | N°347126

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01 mars 2013, 347126


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 16 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société L'Immobilière du Saule Balance, dont le siège est 194, avenue Charles Floquet au Blanc-Mesnil (93150) représentée par ses gérants ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE02663 du 30 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement du 12 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tenda

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 16 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société L'Immobilière du Saule Balance, dont le siège est 194, avenue Charles Floquet au Blanc-Mesnil (93150) représentée par ses gérants ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE02663 du 30 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement du 12 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de son préjudice résultant de deux arrêtés des 13 mars et 12 avril 2001 ordonnant, respectivement, le dépôt d'une demande d'autorisation au titre des installations classées pour la protection de l'environnement et la suspension des activités dans le hangar situé 196-198 avenue Charles Floquet au Blanc-Mesnil, et l'apposition des scellés sur les portes de l'ensemble des locaux du site ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de la société L'Immobilière du Saule Balance ;

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société L'Immobilière du Saule Balance ;

1. Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, par un arrêté du 13 mars 2001, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 514-2 du code de l'environnement, ordonné à la société L'Immobilière du Saule Balance de suspendre les activités de réparation et de récupération automobile irrégulièrement exercées dans un immeuble situé au Blanc Mesnil dont elle était propriétaire, et l'a invitée à solliciter les autorisations nécessaires au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ; que, par un second arrêté du 12 avril 2001, le préfet a ordonné l'apposition de scellés sur la porte des locaux pour empêcher la poursuite des activités litigieuses ; que par un arrêt du 22 décembre 2005, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ces deux arrêtés au motif que les dispositions de l'article L. 514-2 s'appliquaient aux seuls exploitants des installations en cause et non au propriétaire des locaux ; que, par l'arrêt attaqué du 30 décembre 2010, la cour administrative d'appel de Versailles a confirmé le jugement du 12 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de cette société tendant à être indemnisée des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de ces arrêtés illégaux ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il concerne les frais de dépollution :

2. Considérant que la cour a souverainement relevé que les conclusions de la société tendant à être indemnisée du préjudice résultant de frais de dépollution qu'elle aurait exposés, qui étaient présentées pour la première fois devant elle, excédaient le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance et ne correspondaient pas à des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement du tribunal administratif ; que c'est sans entacher sur ce point son arrêt d'une erreur de droit que la cour en a déduit que ces conclusions étaient nouvelles en appel et dès lors irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il concerne les pertes de loyers :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 514-2 du code de l'environnement : " Lorsqu'une installation classée est exploitée sans avoir fait l'objet de la déclaration, de l'enregistrement ou de l'autorisation requis par le présent titre, le préfet met l'exploitant en demeure de régulariser sa situation dans un délai déterminé en déposant, suivant le cas, une déclaration, une demande d'enregistrement ou une demande d'autorisation. Il peut, par arrêté motivé, suspendre l'exploitation de l'installation jusqu'au dépôt de la déclaration ou jusqu'à la décision relative à la demande d'enregistrement ou d'autorisation. / (...) Le préfet peut faire procéder par un agent de la force publique à l'apposition des scellés sur une installation qui est maintenue en fonctionnement soit en infraction à une mesure de suppression, de fermeture ou de suspension prise en application de l'article L. 514-1, de l'article L. 514-7, ou des deux premiers alinéas du présent article, soit en dépit d'un arrêté de refus d'autorisation ou d'enregistrement " ;

4. Considérant que la responsabilité fautive de l'Etat peut être recherchée à raison des illégalités entachant les mesures prises sur le fondement de ces dispositions tant par les propriétaires des locaux où s'exercent les activités relevant de la législation des installations classées que par leurs exploitants, à la condition qu'il existe un lien direct et certain entre ces illégalités et le préjudice allégué ; qu'en rendant à tort destinataire des mesures mentionnées ci-dessus non les exploitants mais le propriétaire des locaux, le préfet a privé celui-ci de la possibilité que les exploitants régularisent leur activité et continuent de lui verser des loyers ; que, par suite, en jugeant que cette autorité pouvait à tout moment prendre des mesures de même nature à l'encontre des exploitants, qui auraient produit des effets identiques à l'égard de la société, pour en déduire que l'illégalité entachant les arrêtés litigieux n'était pas à l'origine du préjudice invoqué par la société requérante en qualité de propriétaire au titre des pertes de loyers, la cour a commis une erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société L'Immobilière du Saule Balance est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à être indemnisée de ce chef ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la société requérante a fourni une liste des baux en cours à la date de l'apposition des scellés mentionnant vingt-huit preneurs, dont un grand nombre à titre précaire, elle ne produit que six baux ; que ceux-ci ne sont pas, à une exception près, revêtus de la signature des deux parties ; que deux d'entre eux concernent une adresse distincte de celle du local visé par les arrêtés illégaux ; qu'aucune copie des quittances délivrées aux locataires avant la mesure de suspension prononcée par l'arrêté du 13 mars 2001 ne figure au dossier, non plus qu'aucun élément établissant que ces baux ont été résiliés après les arrêtés litigieux ; qu'ainsi, le caractère certain du préjudice invoqué par la société requérante ne peut être regardé comme établi ; qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société L'Immobilière du Saule Balance au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 30 décembre 2010 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 567 968,16 euros au titre des pertes de loyers.

Article 2 : La requête de la société L'Immobilière du Saule Balance devant la cour administrative d'appel de Versailles et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société L'Immobilière du Saule Balance et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 347126
Date de la décision : 01/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 mar. 2013, n° 347126
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Samuel Gillis
Rapporteur public ?: M. Xavier De Lesquen
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:347126.20130301
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