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20/02/2013 | FRANCE | N°338675

France | France, Conseil d'État, 9ème sous-section jugeant seule, 20 février 2013, 338675


Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril 2010, 13 juillet 2010 et 8 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant..., ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY02520 du 1er février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0602783-0708652 du 28 juillet 2009 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande tendant à la restitution de droits de tax

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Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 15 avril 2010, 13 juillet 2010 et 8 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant..., ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY02520 du 1er février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0602783-0708652 du 28 juillet 2009 du tribunal administratif de Lyon ayant rejeté sa demande tendant à la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre des périodes allant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2002 et du 1er janvier 2003 au 30 novembre 2005, d'autre part, à ce que soit prononcée la restitution demandée, et enfin, à ce que soit ordonnée une expertise destinée à apprécier si sa qualification en ostéopathie au moment où les prestations ont été effectuées était équivalente à celle d'un médecin ou d'un masseur-kinésithérapeute pratiquant l'ostéopathie ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 ;

Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B...,

-

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. B... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui exerce l'activité d'ostéopathe et est par ailleurs titulaire d'un diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute, a réclamé, le 12 décembre 2005, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 2003 au 30 novembre 2005, puis, par une nouvelle réclamation du 26 septembre 2007, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittée au titre de la période allant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2002, en estimant pouvoir bénéficier, dans les deux cas, des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; qu'il a relevé appel du jugement du 28 juillet 2009 du tribunal administratif de Lyon rejetant ces demandes de restitution ; qu'il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête, la jugeant irrecevable en tant qu'elle portait sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2002 et infondée en tant qu'elle portait sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 2003 au 30 novembre 2005 ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-8 du code de justice administrative : " Lorsqu'il apparaît au vu de la requête que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine, le président du tribunal administratif ou le président de la formation de jugement ou, à la cour administrative d'appel, le président de la chambre ou, au Conseil d'Etat, le président de la sous-section peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction " ; qu'eu égard à la nature du débat d'appel et à l'argumentation de l'appel présenté par M. B..., la présidente de la deuxième chambre de la cour administrative d'appel de Lyon qui a effectivement signé la décision de dispense d'instruction n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article R. 611-8 du code de justice administrative en décidant qu'il n'y avait pas lieu de communiquer la requête à l'administration fiscale et en transmettant directement le dossier au rapporteur public pour qu'il fût inscrit au rôle d'une formation collégiale de jugement ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. (...) " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions et des amendes " ;

5. Considérant qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens des stipulations précitées du premier alinéa de cet article ; que, toutefois, l'instauration d'un délai de réclamation d'au moins deux ans à compter de la date de la mise en recouvrement, ou à défaut, du versement de l'imposition est suffisante pour permettre aux contribuables de faire valoir utilement leurs droits ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article R. 196-1 précitées du livre des procédures fiscales ne méconnaissaient pas les exigences qui s'attachent à la protection d'un droit patrimonial telles qu'elles découlent des stipulations précitées du premier protocole additionnel ; que son arrêt est suffisamment motivé au regard de l'argumentation exposée devant elle ;

6. Considérant que M. B... ne soutenait pas devant la cour entrer dans les prévisions du quatrième alinéa (c) de l'article R. 196-1 précité du livre des procédures fiscales ; que, par suite, il ne peut utilement soutenir que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt et commis une erreur de droit en s'abstenant de rechercher si l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04 ou la décision rendue le 16 avril 2010 par le Conseil d'Etat statuant au contentieux sous le n° 318941 devaient être regardés comme un événement au sens du c) précité, de nature à rouvrir le délai de réclamation s'agissant des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période allant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 2002 ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;

9. Considérant toutefois que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;

11. Considérant que le décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie et le décret du même jour relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, pris pour l'application de cet article, n'ont été publiés que le 27 mars 2007 ; que, durant la période allant du 1er janvier 2003 au 30 novembre 2005, M. B... était habilité à accomplir, en vertu de la réglementation de sa profession, notamment des dispositions codifiées aux articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique habilitant les masseurs-kinésithérapeutes à pratiquer, sur prescription médicale, des actes de " mobilisation manuelle de toutes les articulations, à l'exclusion des manoeuvres de force ", certains actes d'ostéopathie seulement, tandis que les autres actes ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour statuer sur la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par M. B... sur ses prestations d'ostéopathie ne faisant pas partie des actes qu'il était habilité à accomplir en vertu de la réglementation de sa profession, la cour devait vérifier que celui-ci démontrait disposer, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies par un médecin ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'est en revanche sans incidence, pour apprécier la nature de ces actes au regard de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en cause, la circonstance, à la supposer établie, que l'intéressé a pu ultérieurement faire valoir certains éléments relatifs à sa pratique professionnelle, lors de la mise en oeuvre des mesures transitoires prévues à l'article 16 du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 en vue d'autoriser l'usage du titre professionnel d'ostéopathe par les praticiens en exercice à la date de publication de ce décret ;

13. Considérant qu'il appartenait, dès lors, à M. B..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... ne produisait aucun élément relatif à sa pratique de 2003 à 2005 ; qu'il résulte de ce qui a été dit qu'en relevant que M. B... se prévalait seulement de la formation suivie dans une école d'ostéopathie, de sa durée d'expérience professionnelle et de son autorisation ultérieure d'user du titre professionnel d'ostéopathe dans le cadre de la procédure instituée par le décret du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, et en en déduisant qu'il n'établissait pas que les actes d'ostéopathie qu'il avait accomplis auraient pu être considérés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin pratiquant l'ostéopathie, auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel de Lyon, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, n'a pas commis d'erreur de droit ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 338675
Date de la décision : 20/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 20 fév. 2013, n° 338675
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:338675.20130220
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