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13/02/2013 | FRANCE | N°358474

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 13 février 2013, 358474


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 27 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues, dont le siège est 116 rue de la Convention à Paris (75015) ; le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201855 du 28 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l

'exécution, d'une part, de la décision du 31 mars 2011 du conseil ré...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 avril et 27 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues, dont le siège est 116 rue de la Convention à Paris (75015) ; le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1201855 du 28 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution, d'une part, de la décision du 31 mars 2011 du conseil régional de Rhône-Alpes de l'ordre des pédicures-podologues rejetant la demande de dérogation de Mme A...B...en vue de la poursuite au-delà du 30 septembre 2011 de l'exploitation d'un cabinet secondaire dans le 2ème arrondissement de Lyon et, d'autre part, de la décision du 6 octobre 2011 du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues confirmant ce rejet tout en autorisant la poursuite de l'exploitation jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa notification ;

2°) de mettre à la charge de Mme B...le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi du 12 avril 2000 ;

Vu le décret n° 2007-1541 du 26 octobre 2007 ;

Vu le décret n° 2012-1267 du 16 novembre 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues et de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de MmeB...,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de MmeB... ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 4322-79 du code de la santé publique, créé par le décret du 26 octobre 2007 portant code de déontologie des pédicures-podologues : " Le pédicure-podologue ne doit avoir, en principe, qu'un seul cabinet. Toutefois la création ou le maintien d'un ou plusieurs cabinets secondaires peuvent être autorisés si le besoin des patients le justifie du fait d'une situation géographique ou démographique particulière. L'autorisation est accordée par le conseil régional de l'ordre du lieu où est envisagée l'implantation du ou des cabinets secondaires. Si le cabinet principal se situe dans une autre région, le conseil régional de l'ordre de cette dernière doit donner son avis motivé. L'autorisation est donnée à titre personnel et n'est pas cessible. Le conseil régional de l'ordre doit informer immédiatement le Conseil national de l'ordre de la dérogation accordée " ; qu'aux termes de l'article R. 4322-81 du même code, dans sa rédaction issue du même décret : " Les autorisations de cabinets secondaires prévues aux articles R. 4322-79 et R. 4322-80 sont accordées pour une période de trois ans renouvelables. Toutefois l'autorisation de cabinet secondaire peut être retirée à tout moment par l'autorité qui l'a accordée lorsque les conditions nécessaires à son obtention ne sont plus remplies " ; que ces dispositions, alors en vigueur, ne prévoyaient pas de recours hiérarchique auprès du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues contre les décisions prises en matière d'autorisation de cabinets secondaires par les conseils régionaux de l'ordre ; qu'un tel recours n'a été institué que par les modifications apportées au code de la santé publique par le décret du 16 novembre 2012 ;

2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions transitoires figurant à l'article 2 du décret du 26 octobre 2007 : " I. - Les cabinets secondaires existant antérieurement à la date de publication du présent décret doivent être déclarés au conseil régional de l'ordre des pédicures-podologues concerné dans les trois mois suivant cette date. Leur existence ne peut être mise en cause tant que le Conseil national de l'ordre ne s'est pas prononcé sur les dérogations prévues à l'article R. 4322-79 du code de la santé publique (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, par dérogation aux articles R. 4322-79 et R. 4322-81 précités du code de la santé publique, qui donnent compétence aux conseils régionaux de l'ordre pour autoriser l'exploitation de cabinets secondaires, c'est au conseil national qu'il appartenait de se prononcer sur l'octroi d'une première autorisation aux cabinets existant avant le 28 octobre 2007, le renouvellement de cette autorisation à l'expiration de sa période de validité de trois ans relevant ensuite de la compétence du conseil régional ;

3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 1er décembre 2008, le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues, statuant sur le fondement des dispositions précitées de l'article 2 du décret du 26 octobre 2007, a accordé à MmeB..., pour le cabinet secondaire situé 7 rue Marc Antoine à Lyon qu'elle exploitait à la date de publication de ce décret, une dérogation lui permettant, en application de l'article R. 4322-81, d'y exercer son activité jusqu'au 15 mars 2011 ; que, par décision du 31 mars 2011, le conseil régional de Rhône-Alpes de l'ordre des pédicures-podologues a refusé de renouveler cette dérogation ; que, par une décision du 6 octobre 2011, le conseil national a rejeté un recours de l'intéressée et précisé que l'exploitation du cabinet secondaire devrait prendre fin dans un délai de six mois ; que le conseil national se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 28 mars 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a suspendu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de ces deux décisions ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance du juge des référés en tant qu'elle suspend l'exécution de la décision du 31 mars 2011 du conseil régional de Rhône-Alpes de l'ordre des pédicures-podologues :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4125-1 du code de la santé publique, rendu applicable aux conseils de l'ordre des pédicures-podologues par l'article L. 4322-12 du même code : " Tous les conseils de l'ordre sont dotés de la personnalité civile " ; qu'en vertu de ces dispositions, le conseil régional de Rhône-Alpes de l'ordre des pédicures-podologues est une personne morale distincte du conseil national de l'ordre ; qu'il suit de là que le conseil national n'avait pas la qualité de partie à l'instance engagée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon, en tant qu'elle concernait la décision du 31 mars 2011 du conseil régional de Rhône-Alpes, et qu'il n'est, dès lors, pas recevable à se pourvoir en cassation contre l'ordonnance du juge des référés en tant qu'elle ordonne la suspension de cette décision ;

Sur les conclusions dirigées contre l'ordonnance du juge des référés en tant qu'elle suspend l'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues :

5. Considérant qu'il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique le cas échéant une réglementation nouvelle ; que l'application combinée des dispositions transitoires de l'article 2 du décret du 26 octobre 2007 et des articles R. 4322-79 et R. 4322-81 du code de la santé publique a permis aux titulaires de cabinets secondaires existant avant le 28 octobre 2007 de continuer à les exploiter jusqu'à ce que le conseil national ait statué sur l'octroi d'une dérogation autorisant le maintien du cabinet secondaire pendant une durée de trois ans ; que les titulaires de cabinets secondaires qui ont obtenu une dérogation en application de ces dispositions ne peuvent se prévaloir utilement, à l'encontre du refus de la renouveler à l'expiration de la période de trois ans pour laquelle elle avait été accordée, de l'atteinte à la sécurité juridique qui résulterait du caractère insuffisant des dispositions transitoires du décret du 26 octobre 2007 ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit en regardant comme de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision du Conseil national du 6 octobre 2011 le moyen tiré de ce que le décret du 26 octobre 2007 serait illégal du fait de l'insuffisance de ses mesures transitoires et de l'atteinte à la sécurité juridique qui en serait résulté pour l'intéressée ; qu'il suit de là que le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance du 28 mars 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'elle suspend l'exécution de sa décision du 6 octobre 2011 ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée à l'encontre de cette décision ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à la perte de chiffre d'affaires que la fermeture de son cabinet secondaire est de nature à entraîner pour MmeB..., la décision du 6 octobre 2011 du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues, imposant la fermeture de ce cabinet dans un délai de six mois, crée une situation d'urgence ;

9. Considérant, en second lieu, que si les dispositions de l'article 2 du décret du 26 octobre 2007 donnaient compétence au Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues pour se prononcer sur les dérogations prévues à l'article R. 4322-79 du code de la santé publique pour les cabinets existant à la date de publication du décret et ayant fait l'objet d'une déclaration dans les trois mois suivant cette date, aucune disposition en vigueur à la date de la décision contestée ne l'habilitait à statuer sur des recours formés contre les décisions des conseils régionaux prises ultérieurement en application de l'article R. 4322-79 du code de la santé publique en matière d'autorisation de création et de maintien des cabinets secondaires ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la demande, le moyen tiré de ce que la décision du 6 octobre 2011 du conseil national est entachée d'incompétence est de nature à créer un doute sérieux quant à sa légalité ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du 6 octobre 2011 du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues en tant qu'elle confirme la décision de refus d'autorisation de cabinet secondaire prise le 31 mars 2011 par le conseil régional jusqu'à ce que le tribunal administratif de Lyon ait statué sur sa légalité ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de MmeB..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 28 mars 2012 est annulée en tant qu'elle suspend l'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues du 6 octobre 2011.

Article 2 : L'exécution de la décision du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues du 6 octobre 2011 est suspendue en tant qu'elle confirme la décision de refus d'autorisation d'un cabinet secondaire prise le 31 mars 2011 par le conseil régional de l'ordre des pédicures-podologues de Rhône-Alpes jusqu'à ce que le tribunal administratif de Lyon statue sur sa légalité.

Article 3 : Le surplus des conclusions du Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues est rejeté.

Article 4 : Le Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues versera à Mme B...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues et à Mme A...B....


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 358474
Date de la décision : 13/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2013, n° 358474
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Rousselle
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:358474.20130213
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