Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 janvier 2011 et 18 avril 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SNC Pervu, dont le siège est chez la SAS CEM 2 route du Vigné à Bompas (09400) ; la société demande au Conseil d'Etat
1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02369 du 29 novembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé, d'une part, le jugement n° 0700183 du 11 août 2009 par lequel le tribunal administratif de Toulouse avait rejeté la demande du comité écologique ariègeois et de l'association pour la défense et la protection de l'environnement en vallée d'Ustou tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ariège du 20 juillet 2006 autorisant la SNC Pervu à disposer de l'énergie des ruisseaux de l'Escorce et de l'Ossèse en vue d'alimenter une centrale hydroélectrique et, d'autre part, cet arrêté ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du comité et de l'association requérants ;
3°) de mettre à la charge du comité écologique ariégeois, de l'association pour la défense et la protection de l'environnement de la vallée d'Ustou et de la fédération départementale de la pêche de l'Ariège la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bruno Chavanat, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de la SNC Pervu et de la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la fédération départementale de la pêche de l'Ariège, de l'association pour la défense et la protection de l'environnement en vallée d Ustou et du comité écologique ariégeois,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SNC Pervu et à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de la fédération départementale de la pêche de l'Ariège, de l'association pour la défense et la protection de l'environnement en vallée d Ustou et du comité écologique ariègeois ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 212-1 du code de l'environnement : "(...) III.- Chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d'un ou de plusieurs schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux fixant les objectifs visés au IV du présent article et les orientations permettant de satisfaire aux principes prévus aux articles L. 211-1 et L. 430-1 (...)/ IV.-Les objectifs de qualité et de quantité des eaux que fixent les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux correspondent : / 1° Pour les eaux de surface, à l'exception des masses d'eau artificielles ou fortement modifiées par les activités humaines, à un bon état écologique et chimique (...) " ; que l'article L. 211-1 du même code dispose que la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau vise à assurer notamment : " (...) / 3° La restauration de la qualité de ces eaux et leur régénération (...) ; / 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. (...). " ;
2. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 214-17 du même code : " (...) l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : / 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique./Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée (...)." ; qu'en vertu du III de cet article, les obligations résultant du 1° du I s'appliquent à la date de publication des listes qu'il prévoit, le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, qui dispose que sur certains cours d'eau ou sections de cours d'eau dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat, aucune autorisation ou concession ne sera donnée pour des entreprises hydrauliques nouvelles, demeurant...;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 214-17 du code de l'environnement que l'autorité administrative ne peut légalement refuser d'accorder des autorisations ou concessions portant sur la construction de nouveaux ouvrages constituant un obstacle à la continuité écologique qu'à compter de la publication de la liste des cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux mentionnée au I de cet article ; que, s'il appartient aux auteurs des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), en application des dispositions des articles L. 211-1 et L. 212-1 du même code rappelées au point 1, de fixer dans ces documents des objectifs ou orientations destinés à assurer le bon état des cours d'eau et s'il leur est loisible d'identifier à cette fin les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux jouant le rôle de réservoir biologique, une telle mesure ne peut avoir pour objet ou pour effet de se substituer à la publication de la liste mentionnée ci-dessus en permettant à l'autorité administrative compétente de s'opposer, pour les mêmes motifs que ceux énoncés à l'article L. 214-17, à la réalisation d'ouvrages situés sur des cours d'eau ;
4. Considérant que la cour administrative d'appel a annulé l'autorisation délivrée à la SNC Pervu au motif qu'elle n'était pas compatible avec la liste des cours d'eau recensés par le SDAGE Adour Garonne ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il est constant que la liste des cours d'eau prévue au I de l'article L. 214-17 n'avait pas encore été établie par le préfet coordonnateur de bassin et que, par suite, les prescriptions de cet article n'étaient pas applicables, la situation des cours d'eaux classés demeurant...,; que la SNC Pervu est dès lors fondée à demander, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du comité écologique ariégeois, de la fédération départementale de la pêche de l'Ariège et de l'association pour la défense et la protection de l'environnement de la vallée d'Ustou, la somme de 1000 euros chacun, qui sera versée à la SNC Pervu sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de la SNC Pervu, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les défendeurs demandent au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 29 novembre 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le comité écologique ariégeois, la fédération départementale de la pêche de l'Ariège et l'association pour la défense et la protection de l'environnement de la vallée d'Ustou verseront la somme de 1 000 euros chacun à la SNC Pervu sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par le comité écologique ariégeois, la fédération départementale de la pêche de l'Ariège et l'association pour la défense et la protection de l'environnement de la vallée d'Ustou au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SNC Pervu et au comité écologique ariégeois, premier défendeur nommé. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.
Copie en sera adressée à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.