Vu l'ordonnance n° 10LY01279 du 3 juin 2010, enregistrée le 17 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté pour M. A... C... ;
Vu le pourvoi et les mémoires complémentaires, enregistrés les 17 juin 2010, 26 janvier 2011 et 8 février 2011, présentés pour M. A... C..., demeurant... ; M. C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0803206 du 25 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du maire de la commune d'Huez des 10 janvier et 13 mai 2008 portant opposition à travaux ;
2°) de mettre une somme de 3 500 euros à la charge de la commune d'Huez au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de M. C... et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commune d'Huez,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. C... et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la commune d'Huez ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... C..., qui est propriétaire d'un terrain au lieudit Le Poulat à Huez, a déposé, le 18 décembre 2007, une déclaration de travaux portant sur l'édification, sur ce terrain, d'un " kiosque " de vente de sandwiches et boissons à emporter ; que, par un arrêté du 10 janvier 2008, le maire de la commune d'Huez s'est opposé à ces travaux ; que M. C... a formé, le 25 janvier 2008, un recours gracieux contre cet arrêté ; que, par un arrêté du 13 mai 2008, le maire s'est à nouveau opposé aux travaux envisagés par M. C... ; que ce dernier a saisi, le 15 juillet 2008, le tribunal administratif de Grenoble d'une demande dirigée contre les arrêtés des 10 janvier et 13 mai 2008 ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 25 mars 2010 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis ou, en cas d'opposition ou de prescriptions, sur la déclaration préalable " ; que selon l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction (...), le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (...) " ; que le délai d'instruction de droit commun est fixé à un mois pour les déclarations préalables par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme ; qu'enfin, le premier alinéa de l'article L. 424-5 de ce code dispose que : " La décision de non-opposition à la déclaration préalable ne peut faire l'objet d'aucun retrait " ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions mentionnées ci-dessus que l'auteur d'une déclaration préalable doit être mis en mesure de savoir de façon certaine, au terme du délai d'instruction prévu par le code de l'urbanisme, s'il peut ou non entreprendre les travaux objet de cette déclaration ; que la notification de la décision d'opposition avant l'expiration du délai d'instruction, constitue, dès lors, une condition de la légalité de cette décision ; que, par suite, le tribunal administratif de Grenoble a commis d'une erreur de droit en jugeant que l'absence de notification régulière de la décision d'opposition à travaux ne pouvait emporter de conséquences que sur les délais de recours contentieux et non sur la légalité de la décision attaquée elle-même ; que M. C... est, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune d'Huez :
5. Considérant, en premier lieu, que les conclusions de M. C... doivent être regardées comme tendant à l'annulation des arrêtés du maire d'Huez des 10 janvier et 13 mai 2008 ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la signature figurant sur le procès-verbal de notification par la voie administrative du 15 janvier 2008, que l'arrêté du 10 janvier 2008 du maire d'Huez, s'il a bien été notifié à l'adresse indiquée par M. C... lors du dépôt de sa déclaration préalable, n'a pas été remis à M. C... mais à M. B..., nouvel exploitant du restaurant Le Génépi, précédemment exploité par M. C..., alors même que le domicile de M. C... était toujours situé dans l'immeuble du même nom ; que cette notification ne peut, par suite, avoir fait courir le délai de recours contentieux contre l'arrêté du 10 janvier 2008 ;
6. Considérant que si M. C... a formé, le 25 février 2008, un recours gracieux contre cet arrêté, lequel comportait la mention des voies et délais de recours, et s'il doit, dès lors, être regardé comme ayant acquis la connaissance de cet arrêté et de ses mentions au plus tard à cette date, il est constant que ce recours n'a pas fait l'objet de l'accusé de réception prévu par l'article 19 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; qu'il ne peut par ailleurs être regardé comme ayant été rejeté par le courrier du 18 mars 2008, notifié à M. C... le 20 mars 2008, qui lui indique que son dossier sera à nouveau présenté à la commission d'urbanisme lors de sa prochaine séance ; que, par suite, le délai du recours contentieux contre l'arrêté du 10 janvier 2008 n'a recommencé à courir qu'à compter du 13 mai 2008, date à laquelle M. C... a reçu notification de l'arrêté du même jour confirmant l'opposition de la commune aux travaux objet de la déclaration préalable, avec l'indication des voies et délais de recours, et n'était pas expiré le 15 juillet 2008, lendemain d'un jour férié, date à laquelle la demande de M. C... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif ; que, par suite, la commune d'Huez n'est pas fondée à soutenir que les conclusions de M. C... seraient tardives et, par suite, irrecevables ;
Sur la légalité des arrêtés attaqués :
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'arrêté du maire d'Huez du 10 janvier 2008 ne peut être regardé comme ayant été notifié à M. C... avant l'expiration du délai d'instruction de sa déclaration préalable le 18 janvier 2008 ; que, par suite, cet arrêté est illégal, ; qu'il en va de même de l'arrêté du 13 mai 2008 confirmant, à la suite du recours gracieux de l'intéressé, la décision d'opposition prise par l'arrêté du 10 janvier 2008 ; qu'il en résulte que M. C... est fondé à demander l'annulation des arrêtés des 10 janvier et 13 mai 2008 ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Huez une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. C... la somme que la commune d'Huez demande au même titre ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 mars 2010 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du maire d'Huez des 10 janvier et 13 mai 2008 sont annulés.
Article 3 : La commune d'Huez versera une somme de 3 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Huez au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. A... C...et à la commune d'Huez.