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28/01/2013 | FRANCE | N°347729

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 28 janvier 2013, 347729


Vu le pourvoi, enregistré le 23 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, dont le siège est au 143 boulevard Romain Rolland à Paris (75685) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0705971-0705973 du 27 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a ét

é assujettie au titre des années 2002 à 2005 dans les rôles de la commu...

Vu le pourvoi, enregistré le 23 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, dont le siège est au 143 boulevard Romain Rolland à Paris (75685) ; elle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 0705971-0705973 du 27 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes tendant, d'une part, à la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2005 dans les rôles de la commune de Metz, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui allouer les intérêts moratoires en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses demandes pour les impositions restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 80-495 du 2 juillet 1980 ;

Vu la loi n° 84-603 du 13 juillet 1984 ;

Vu l'arrêté du 5 septembre 1980 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita),

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita) ;

Sur l'étendue du litige :

1. Considérant que, par deux décisions en date du 13 novembre 2012 postérieures à l'introduction du pourvoi, l'administration a prononcé le dégrèvement des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties en litige pour les sommes de 11 855 euros au titre de l'année 2002, 12 403 euros au titre de l'année 2003, 3 364 euros au titre de l'année 2004 et 3 341 euros au titre de l'année 2005 ; que, par suite, les conclusions du pourvoi de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita) sont, à due concurrence de ces sommes, devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu, dans cette mesure, d'y statuer ;

Sur le surplus des conclusions du pourvoi :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code " ; qu'aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'état " ; qu'aux termes de l'article 1469 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " La valeur locative est déterminée comme suit : 1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ; (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article 1518 B du même code : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédent l'apport, la scission, la fusion ou la cession (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour demander la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 à 2005 dans les rôles de la commune de Metz, la société requérante a soutenu que le transfert de propriété résultant de la loi du 2 juillet 1980 créant la société nationale d'exploitation des tabacs et allumettes, attributaire à partir du 1er octobre 1980, des droits et obligations de l'établissement public d'exploitation des tabacs et allumettes n'avait pas été pris en compte pour le calcul de la valeur locative cadastrale des établissements sis sur la commune de Metz ; qu'elle s'est aussi prévalue du transfert de son actif immobilisé résultant de la loi du 17 juillet 1984 créant une seconde société ayant la même dénomination ; qu'ainsi, elle soutenait que la valeur locative des immobilisations issues de ces deux apports successifs aurait dû être déterminée à partir des valeurs d'apport et, le cas échéant à hauteur des deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, en application de l'article 1518 B du code général des impôts ; qu'elle produisait à l'appui de cette argumentation une évaluation chiffrée pour chacune des immobilisations ; que l'administration a répondu sur ce point en faisant notamment valoir que l'article 1518 B définissait non des valeurs plafonds mais des valeurs planchers qui ne sauraient trouver application que si les valeurs locatives déterminées d'après le prix de revient en application de l'article 1499 du même code s'avéraient leur être inférieures, et qu'il y avait lieu de comparer, pour la détermination de cette valeur locative, les valeurs résultant de l'application de chacune de ces dispositions, distinctement par catégorie d'immobilisations ; qu'elle critiquait les tableaux fournis par la société requérante en ce qu'ils ne comportaient pas une telle comparaison ; que la société a alors fait valoir que la comparaison entre la valeur locative plancher et la valeur locative de droit commun par catégories d'immobilisations ne pouvait recevoir application qu'en regard d'opérations survenues à compter du 1er janvier 1992, ce qui n'était pas le cas des apports en litige ; que, dans le dernier état de ses écritures, l'administration estimait que les calculs et les tableaux produits par la requérante comportaient de nombreuses imprécisions et insuffisances ne permettant pas d'établir la valeur locative minimum, sans toutefois indiquer en quoi consistaient ces omissions ; qu'enfin, la société a produit un nouveau mémoire afin de justifier du fondement de ses demandes ; que l'administration n'a pas répondu à ce mémoire en réplique ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en se bornant à relever, pour écarter le moyen de la société tiré de ce que l'évaluation de la valeur locative ne tenait pas correctement compte des mutations de propriété intervenues en 1980, que les calculs exposés dans ses écritures comportaient de nombreuses imprécisions, insuffisances et erreurs, qui ne le mettaient pas en mesure d'apprécier si la valeur locative des immobilisations devait être établie à hauteur de la valeur plancher résultant de l'article 1518 B et non de celle résultant du droit commun, qui lui aurait été inférieure, le tribunal a insuffisamment motivé son jugement ; que la société requérante est fondée, pour ce motif et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, à demander l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué en tant qu'il concerne le surplus des impositions en litige ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

6. Considérant, d'une part, que, dans le dernier état de ses écritures, la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (Seita) a indiqué qu'elle renonçait au moyen par lequel elle soutenait que les immobilisations corporelles transférées, en vertu de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1984, à une nouvelle société du même nom, devaient être regardées comme ayant été acquises à la suite d'un apport de la première société ;

7. Considérant, d'autre part, que la société soutient que les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts ne sont pas applicables dès lors que l'opération réalisée en application de la loi du 2 juillet 1980 a induit un transfert du patrimoine de l'établissement public à caractère industriel et commercial dénommé " Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes " à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes, créée par cette loi, mais n'a pas donné lieu à un apport ;

8. Considérant que la loi du 2 juillet 1980 portant modification du statut du Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes a créé une société dénommée " Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes ", régie par la législation sur les sociétés anonymes, destinée à exercer les missions précédemment exercées par l'établissement public à caractère industriel et commercial dénommé " Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes " (Seita) ; que l'article 2 de cette loi précise que : " Le patrimoine de l'établissement à caractère industriel et commercial dénommé " Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes " est apporté à la société créée par la présente loi, selon les modalités fixées par l'autorité compétente " ; que les modalités de cet apport ont été fixées par un arrêté du ministre du budget du 5 septembre 1980 dont l'article 1er prévoit que : " L'apport du patrimoine du Service d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à la société dénommée Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes est effectué par la reprise, dans les comptes de la société des valeurs actives et passives de l'établissement public, telles que ces valeurs sont enregistrées dans les écritures comptables de celui-ci dans leur intégralité et pour les montants à la date de l'arrêté définitif des derniers comptes " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les immobilisations corporelles dont a initialement disposé la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes ont été acquises, par cette dernière, par voie d'apport ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que la société soutient, les dispositions précitées de l'article 1518 B du code général des impôts ont vocation à s'appliquer en ce qui concerne la détermination de la valeur locative des immobilisations apportées, en application de la loi du 2 juillet 1980, par l'établissement public à la société requérante ; que, pour ces immobilisations, il y a lieu, en application de cet article, de comparer leur valeur locative telle que déterminée par application des règles de droit commun aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport et de retenir la plus élevée de ces deux valeurs ; que, par suite, le moyen de la société doit être écarté ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander un dégrèvement supérieur à celui qui lui a été accordé ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi de la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes à concurrence des dégrèvements prononcés en cours d'instance et mentionnés dans les motifs de la présente décision.

Article 2 : L'article 2 du jugement du 27 janvier 2011 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il concerne le surplus des impositions restant en litige.

Article 3 : Le surplus des conclusions des demandes présentées par la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 347729
Date de la décision : 28/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jan. 2013, n° 347729
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Vié
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2013:347729.20130128
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