Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 octobre et 2 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mmes Fouzia K, Wanda L, Mili M, Anne-Sophie N, Irène O et Nathalie P ainsi que MM. Darko Q, Cyrille R, Sébastien S et Pero T, demeurant aux ... ; ils demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1114047 du 3 octobre 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant à la demande de la ville de Paris sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, leur a enjoint de libérer sans délai les locaux qu'ils occupent aux 23-25 rue Ramponeau à Paris et, à défaut, a autorisé la ville de Paris à faire procéder à leur expulsion et celle de tous occupants de leur chef à leurs frais, risques et périls, en recourant à l'intervention de toute personne dont l'assistance serait nécessaire et au besoin à la force publique ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande d'expulsion présentée par la ville de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Paris la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Spinosi, avocat de Mme K et autres et de Me Foussard, avocat de la ville de Paris,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de Mme K et autres et à Me Foussard, avocat de la ville de Paris ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais. " ; qu'aux termes de l'article L. 521-3 du même code : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative. " ;
2. Considérant, en premier lieu, que si les ordonnances par lesquelles le juge des référés fait usage de ses pouvoirs de juge de l'urgence sont exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires, elles sont, compte tenu de leur caractère provisoire, dépourvues de l'autorité de chose jugée ; qu'il en résulte que le fait que le juge des référés ait donné acte d'un désistement, même qualifié de désistement d'action, ne peut faire obstacle à ce que la même partie réitère ultérieurement devant le juge des référés une demande tendant aux mêmes fins, si elle s'y estime fondée ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris que, par une demande enregistrée le 29 avril 2009, la ville de Paris a sollicité de ce juge qu'il ordonne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, l'expulsion de l'association dénommée " La Forge de Belleville " des locaux que ses membres occupaient alors sur la dépendance du domaine public communal située aux 23-25 rue Ramponeau, dans le quartier de Belleville à Paris ; que, toutefois, à la suite de la remise des clefs de ces locaux par l'association à la ville de Paris, le 18 mai 2009, cette dernière a déclaré " se désister d'instance et d'action " de sa demande, ce dont le juge des référés lui a donné acte par ordonnance du 5 juin suivant ; que la ville a cependant présenté une nouvelle demande au juge des référés, tendant à l'expulsion des membres de l'association occupant la même dépendance domaniale ; que, pour écarter l'exception de chose jugée s'attachant, selon les défendeurs, à l'ordonnance du 5 juin 2009, le juge des référés a estimé que cette demande n'était pas dirigée contre la même partie et qu'elle n'avait pas le même objet ; qu'en recherchant, ainsi, si la nouvelle demande dont il était saisi portait atteinte à la chose jugée par sa précédente ordonnance, alors que, comme il a été dit, une ordonnance rendue en référé n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée, le juge des référés a commis une erreur de droit ;
4. Mais considérant qu'il y a lieu de substituer à ce motif, sur lequel s'est fondé à tort le juge des référés, celui, tiré de ce que l'ordonnance dont se prévalaient les défendeurs ne pouvait pas être revêtue de l'autorité de la chose jugée et ne faisait, en tout état de cause, pas obstacle à ce que la ville de Paris réitérât une demande tendant aux même fins devant ce juge ;
5. Considérant, en second lieu, que c'est sans commettre d'erreur de droit, ni dénaturer les pièces du dossier, que le juge des référés, après avoir souver ainement estimé que la prolongation de l'occupation de la dépendance domaniale entretenait un climat d'insécurité sur le site et empêchait l'attribution d'un nouveau marché de prestations de services par la ville de Paris, a jugé que les conditions d'urgence et d'utilité posées par les dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative étaient satisfaites ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme K et autres doit être rejeté, y compris leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme demandée par la ville de Paris au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mmes K, L, M, N, O et P et de MM. Q, R, S, et T est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la ville de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Fouzia K, premier requérant dénommé, et à la ville de Paris.
Les autres requérants seront informés de la présente décision par Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.