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18/12/2012 | FRANCE | N°362677

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 18 décembre 2012, 362677


Vu le pourvoi, enregistré le 11 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204246 du 24 août 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Lille en tant que, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la demande de la SCI Hôtel des Bains, elle a suspendu l'exécution de la décision du 22 décembre 2011 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a rejeté la demande d'autorisation de souscription

d'un bail emphytéotique par la communauté des Soeurs de la Visitation ...

Vu le pourvoi, enregistré le 11 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de l'intérieur ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1204246 du 24 août 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Lille en tant que, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative à la demande de la SCI Hôtel des Bains, elle a suspendu l'exécution de la décision du 22 décembre 2011 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a rejeté la demande d'autorisation de souscription d'un bail emphytéotique par la communauté des Soeurs de la Visitation Sainte-Marie au profit de cette SCI, ainsi que de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant le recours hiérarchique du 21 février 2012 présenté par la SCI Hôtel des Bains ;

2°) statuant en référé, de rejeter les conclusions présentées par la SCI Hôtel des Bains devant le tribunal administratif de Lille ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 2 janvier 1817, modifiée notamment par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 ;

Vu le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Nuttens, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SCI Hôtel des Bains,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SCI Hôtel des Bains ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par acte authentique du 10 novembre 2011, la congrégation religieuse de la communauté des Soeurs de la Visitation Sainte-Marie de Saint-Martin-Boulogne a conclu avec la SCI Hôtel des Bains un bail d'une durée de cinquante ans, qualifié d'emphytéotique, portant sur un ensemble immobilier bâti et non bâti de 42 949 m2 à usage de monastère situé à

Saint-Martin-Boulogne, en vue de réaliser une résidence pour personnes âgées ; que, par une décision du 22 décembre 2011, le préfet du Pas-de-Calais a refusé d'autoriser la congrégation à conclure le bail ; que, par l'ordonnance attaquée du 24 août 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution de cette décision ainsi que de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant le recours hiérarchique formé par la SCI Hôtel des Bains ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI Hôtel des Bains :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a reçu notification de l'ordonnance attaquée le 27 août 2012 ; que son pourvoi contre cette ordonnance a été présenté par télécopie enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 11 septembre 2012, soit dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions de l'article R. 523-1 du code de justice administrative, et régularisé par la production d'un original signé ; qu'ainsi, la fin de non-recevoir opposée par la SCI Hôtel des Bains doit être écartée ;

Sur le pourvoi du ministre de l'intérieur ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 2 janvier 1817 sur les donations et legs aux établissements ecclésiastiques : " Les congrégations religieuses autorisées ou légalement reconnues et, dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, les établissements publics du culte peuvent, avec l'autorisation du représentant de l'Etat dans le département délivrée dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat : / 1°Acquérir, à titre onéreux, des biens immeubles, des rentes sur l'Etat ou des valeurs garanties par lui destinées à l'accomplissement de leur objet ; / 2° Aliéner les biens immeubles, les rentes ou valeurs garanties par l'Etat dont ils sont propriétaires. " ; que ces dispositions ont pour effet de soumettre à autorisation du préfet non seulement les actes de cession mais l'ensemble des actes de disposition de leurs biens immeubles par les congrégations, notamment les baux emphytéotiques ou les baux à construction, qui confèrent au preneur un droit réel immobilier ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en jugeant qu'était susceptible de faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision du préfet du Pas-de-Calais et de celle du ministre de l'intérieur le moyen tiré de ce que le bail emphytéotique ne figurerait pas parmi les actes devant être autorisés par le préfet, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite, l'article 1er de l'ordonnance prononçant la suspension de l'exécution de ces décisions doit être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SCI Hôtel des Bains ;

7. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif, lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le demandeur, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

8. Considérant que si, pour justifier de l'urgence à ce que soit prononcée la suspension des décisions litigieuses, la SCI Hôtel des Bains fait valoir qu'à défaut de suspension, la possibilité de réaliser son objet social et son projet d'aménagement serait irrémédiablement perdue, dès lors que la validité du bail est subordonnée à la réalisation d'une condition suspensive tenant à l'obligation de recueillir l'accord du préfet avant le 29 septembre 2012, elle ne justifie en tout état de cause pas que les décisions litigieuses porteraient, à la date de la présente décision, une atteinte suffisamment grave et immédiate à ses intérêts ; qu'ainsi, la condition d'urgence ne peut, en l'espèce, être regardée comme satisfaite ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande présentée par la SCI Hôtel des Bains devant le tribunal administratif de Lille ainsi que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 24 août 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Hôtel des Bains devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à la SCI Hôtel des Bains.

Copie en sera adressée pour information à la communauté des Soeurs de la Visitation

Sainte-Marie de Saint-Martin-Boulogne.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 362677
Date de la décision : 18/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

21 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. FORMALITÉS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE. - RÉGIME DES BIENS DES CONGRÉGATIONS (ART. 2 DE LA LOI DU 2 JANVIER 1817) - SOUMISSION À AUTORISATION PRÉALABLE DU PRÉFET - CHAMP D'APPLICATION - ACTES DE DISPOSITION DES IMMEUBLES - INCLUSION.

21 Les dispositions de l'article 2 de la loi du 2 janvier 1817 sur les donations et legs aux établissements ecclésiastiques ont pour effet de soumettre à autorisation du préfet non seulement les actes de cession mais l'ensemble des actes de disposition de leurs biens immeubles par les congrégations, notamment les baux emphytéotiques ou les baux à construction, qui confèrent au preneur un droit réel immobilier.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2012, n° 362677
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Nuttens
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:362677.20121218
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