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21/11/2012 | FRANCE | N°332000

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 21 novembre 2012, 332000


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 septembre et 15 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Mohamed B, demeurant ... ; M. et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08BX01546 du 15 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0301237 du 18 mars 2008 du tribunal administratif de Toulouse rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur

le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 septembre et 15 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Mohamed B, demeurant ... ; M. et Mme B demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08BX01546 du 15 juillet 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0301237 du 18 mars 2008 du tribunal administratif de Toulouse rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998, 1999 et 2000, d'autre part, à la décharge des impositions litigieuses ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment le paragraphe 1 de son article 6 ;

Vu la convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme B,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme B ;

1. Considérant que la SARL TMC INTER et la société espagnole TMC INTER SL, dont le gérant est M. Ahmed B et dans lesquelles M. Mohamed B est associé, ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 1998, 1999 et 2000 ; que, sur la base de documents saisis lors de visites effectuées, sur le fondement de l'article L 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur, aux domiciles de M. et Mme Ahmed B et de M. et Mme Mohamed B ainsi que dans les locaux de la SARL TMC INTER et d'informations obtenues au moyen de l'exercice de son droit de communication, l'administration a conclu que la société TMC INTER SL était gérée à partir d'un établissement stable situé en France, au domicile de son gérant, et a assimilé cette société à une société française en application de l'article 209-1 du code général des impôts et de la convention fiscale signée le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d'Espagne ; qu'ayant notamment réintégré dans le revenu fiscal de M. et Mme Mohamed B les rémunérations reçues par M. Mohamed B de TMC INTER SL, elle a notifié à ces contribuables des redressements au titre de l'impôt sur le revenu ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des impôts, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. / (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n'est pas suspensif (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " IV. 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut, dans les délais et selon les modalités précisés au 3 du présent IV, être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : / (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies ou des rectifications ne se traduisant pas par des impositions supplémentaires ont été effectuées et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée. Le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel. / (...) 3. Dans les cas mentionnés aux 1 et 2, l'administration informe les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie. Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. Ils s'exercent selon les modalités prévues respectivement aux articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales et à l'article 64 du code des douanes. En l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer, selon les mêmes modalités, cet appel ou ce recours sans condition de délai " ;

4. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie que la régularité des opérations de visite et de saisie effectuées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales peut être contestée non devant le juge de l'impôt mais devant le premier président de la cour d'appel ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en écartant la violation alléguée des stipulations du 1er paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif que les requérants, dès lors qu'ils avaient fait l'objet de poursuites engagées sur le fondement des documents saisis par application de cet article, disposaient de la faculté de contester les opérations de saisie devant le juge de l'impôt ; qu'il appartient en revanche au juge du fond, qui ne saurait porter lui-même d'appréciation sur la régularité du déroulement des opérations de saisie, de rechercher si l'administration avait informé les personnes visées par les opérations de visite et de saisie des voies et délais de recours qui leur sont ouvertes par les dispositions citées plus haut de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, le recours contre ces opérations pouvant s'exercer sans condition de délai en cas d'absence d'information de la part de l'administration ; qu'ainsi les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. et Mme Mohamed B de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 15 juillet 2009 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. et Mme Mohamed B.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Mohamed B et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 332000
Date de la décision : 21/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 21 nov. 2012, n° 332000
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bernard Stirn
Rapporteur ?: M. Jean-Claude Hassan
Rapporteur public ?: M. Edouard Crépey
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:332000.20121121
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