Vu la décision du 24 novembre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission partielle des conclusions du pourvoi de l'Indivision Pierre dirigées contre l'arrêt n° 07DA00571 du 16 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 8 février 2007 du tribunal administratif de Lille en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur les pénalités pour absence de bonne foi afférentes aux suppléments d'imposition consécutifs, d'une part, à la remise en cause du bénéfice du régime de l'article 44 sexies du code général des impôts et, d'autre part, à la réintégration dans les bénéfices de l'exercice 2000 d'une créance de 123 000 francs ;
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juin et 23 septembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Indivision Pierre , venant aux droits de M. Pierre , dont le siège est ...) ; l'Indivision Pierre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07DA00571 du 16 avril 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0506037 du 8 février 2007 du tribunal administratif de Lille rejetant sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. a été assujetti au titre de l'année 2000 ainsi que des pénalités dont elle a été assortie et, d'autre part, à ce que soit prononcée la décharge demandée ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Claude Hassan, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'Indivision Pierre ,
- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'Indivision Pierre ;
1. Considérant que, par une décision du 24 novembre 2010, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux n'a admis le pourvoi de l'Indivision Pierre qu'en tant qu'il portait sur la contestation de certaines des pénalités pour absence de bonne foi qui avaient été infligées à M. après la vérification de comptabilité de son activité d'architecte paysagiste ;
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux pénalités encore en litige : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que l'application des pénalités de l'article 1729-1 du code général des impôts aux héritiers de M. serait contraire au principe de personnalité des peines garanti par le paragraphe 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas d'ordre public, ne saurait être utilement invoqué pour la première fois en cassation ;
4. Considérant, en deuxième lieu, en ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi dont a été assorti le supplément d'impôt mis à la charge de M. après la remise en cause du bénéfice du régime de faveur de l'article 44 sexies du code général des impôts, que, pour établir la mauvaise foi de l'intéressé, la cour administrative d'appel de Douai a relevé que son activité ne remplissait aucune des conditions d'application de ce régime ; que le bénéfice de ce régime est réservé, en vertu de l'article 44 sexies du code général des impôts, aux activités nouvelles, de nature industrielle et commerciale, exercées dans l'une des zones y ouvrant droit ; qu'eu égard à la clarté des conditions de localisation de l'activité et de sa nature et à la simplicité de leur appréciation pour le contribuable, c'est sans erreur de droit que la cour, après avoir relevé que l'intéressé n'alléguait pas avoir exercé la moindre activité dans la zone considérée, envisageait seulement d'y installer son siège social sans avoir dès l'origine réalisé une implantation effective dans cette zone, et avait choisi de placer les revenus de l'activité sous le régime des bénéfices non commerciaux, en a déduit qu'il ne pouvait de bonne foi prétendre relever du régime de l'article 44 sexies ;
5. Considérant, en troisième lieu, en ce qui concerne les pénalités pour mauvaise foi dont a été assorti le supplément d'impôt mis à la charge de M. à la suite de la réintégration dans les bénéfices de l'exercice 2000, placés sous le régime des bénéfices industriels et commerciaux, d'une créance de 123 963,51 francs, que la cour administrative d'appel n'a pas établi la mauvaise foi de M. en se bornant à reprendre les justifications de l'administration selon lesquelles celui-ci ne pouvait avoir ignoré qu'il détenait la créance résultant de la facture qu'il avait émise ; que son arrêt doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé ;
6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler dans cette mesure l'affaire au fond ;
7. Considérant qu'alors que M. faisait valoir qu'il n'avait émis, le 18 décembre 2000, une facture de 123 963,51 francs, qu'à la demande de la commune de Cambrai, mais que cette facture correspondait à des prestations réalisées et réglées en 2001, l'administration fiscale n'établit pas la mauvaise foi de l'intéressé en se bornant à soutenir qu'il ne pouvait avoir ignoré la créance résultant de la facture qu'il avait émise ; que l'Indivision Pierre est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. sur ce point ; qu'il y a lieu, en conséquence, de décharger l'Indivision Pierre des pénalités pour absence de bonne foi dont ont été assortis les suppléments d'imposition consécutifs à la réintégration dans les bénéfices de M. pour l'année 2000 d'une créance de 123 963,51 francs ;
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement au bénéfice de l'Indivision Pierre d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 16 avril 2009 de la cour administrative d'appel de Douai et le jugement du tribunal administratif de Lille du 8 février 2007 sont annulés en tant qu'ils se sont prononcés sur les conclusions de l'Indivision Pierre tendant à la décharge des pénalités pour absence de bonne foi dont ont été assortis les suppléments d'imposition consécutifs à la réintégration dans les bénéfices de M. pour l'exercice 2000 d'une créance de 123 963,51 francs.
Article 2 : L'indivision Pierre est déchargée des pénalités pour absence de bonne foi dont ont été assortis les suppléments d'imposition consécutifs à la réintégration dans les bénéfices de M. pour l'exercice 2000 d'une créance de 123 963,51 francs.
Article 3 : L'Etat versera à l'Indivision Pierre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'indivision dirigées contre l'arrêt du 16 avril 2009 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de l'Indivision Pierre tendant à la décharge des pénalités pour absence de bonne foi dont ont été assortis les suppléments d'imposition consécutifs à la remise en cause du bénéfice du régime de l'article 44 sexies du code général des impôts sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Indivision Pierre et au ministre de l'économie et des finances.