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15/11/2012 | FRANCE | N°349840

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 15 novembre 2012, 349840


Vu, 1° sous le numéro 349840, la décision du 9 novembre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Travaux Guil-Durance dirigées contre l'arrêt n° 08MA03659-08MA03877 du 4 avril 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que cet arrêt s'est prononcé sur ses conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 0107608 du 10 juin 2008 du tribunal administratif de Marseille, en ce que celui-ci l'a condamnée à indemniser le département des Bouches-du-Rhône du préjudice résultant pour

ce dernier de la résiliation du marché passé pour le gros oeuvre ...

Vu, 1° sous le numéro 349840, la décision du 9 novembre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la société Travaux Guil-Durance dirigées contre l'arrêt n° 08MA03659-08MA03877 du 4 avril 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que cet arrêt s'est prononcé sur ses conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 0107608 du 10 juin 2008 du tribunal administratif de Marseille, en ce que celui-ci l'a condamnée à indemniser le département des Bouches-du-Rhône du préjudice résultant pour ce dernier de la résiliation du marché passé pour le gros oeuvre de la construction d'un collège à Plan-de-Cuques ;

Vu, 2° sous le numéro 349911, la décision du 9 novembre 2011 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission du pourvoi du département des Bouches-du-Rhône dirigé contre le même arrêt en tant que, par son article 2, cet arrêt rejette sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du même jugement en ce que celui-ci n'a que partiellement fait droit à sa demande en condamnant la société Travaux Guil-Durance à lui verser la somme de 3 144 431,90 euros toutes taxes comprises et en mettant à sa charge les frais d'expertise et, d'autre part, à la condamnation de la société Travaux Guil-Durance à lui verser la somme de 7 938 298 euros en réparation de ses préjudices ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 octobre 2012, présentée sous le n° 349840 pour le département des Bouches-du-Rhône ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la société Travaux Guil-Durance et de la SCP Gaschignard, avocat du département des Bouches-du-Rhône,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de la société Travaux Guil-Durance et à la SCP Gaschignard, avocat du département des Bouches-du-Rhône ;

1. Considérant que les pourvois de la société Travaux Guil-Durance et du département des Bouches-du-Rhône sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la résiliation, prononcée aux torts de la société Travaux Guil-Durance, du marché de travaux de gros oeuvre pour la construction d'un collège à Plan-de-Cuques conclu par cette société avec le département des Bouches-du-Rhône, cette société a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation du département à lui verser le solde du marché ; que par le jugement du 10 juin 2008, le tribunal administratif a rejeté sa demande et partiellement fait droit aux conclusions reconventionnelles du département, tendant à ce que la société l'indemnise des surcoûts, imputables à la résiliation du marché, des opérations tendant à l'achèvement de la construction du collège ; que saisie en appel par le département, d'une part, et par la société, d'autre part, la cour administrative d'appel de Marseille a, par l'arrêt attaqué, rejeté ces deux requêtes ;

3. Considérant que, dans le mémoire présenté devant la cour par la société Travaux Guil-Durance en réponse aux conclusions d'appel du département des Bouches-du-Rhône qui faisait valoir que la condamnation prononcée par les premiers juges à l'encontre de la société était insuffisante, celle-ci soutenait que la résiliation était intervenue au terme d'une procédure irrégulière ; que la cour administrative d'appel a estimé que la décision de résilier le marché, si elle était intervenue au terme d'une procédure irrégulière, comme le soutenait la société, était justifiée au fond ; que, ce faisant, elle a, implicitement mais nécessairement, rejeté les conclusions d'appel incident à l'appui desquelles ce moyen était en réalité invoqué, et par lesquelles la société demandait l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il l'avait condamnée à indemniser le département du préjudice résultant pour lui de la résiliation du marché aux torts de la société ;

4. Considérant qu'en statuant ainsi, alors que le caractère irrégulier de la décision de résilier un marché public est susceptible de faire obstacle à ce que le surcoût résultant de cette résiliation soit mis à la charge de son titulaire, alors même que la résiliation serait justifiée au fond, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que la société Travaux Guil-Durance est par suite fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de son arrêt en tant qu'il statue sur l'indemnisation du département des Bouches-du-Rhône à raison des surcoûts imputables à la résiliation du marché ; que cette annulation rend sans objet les conclusions du pourvoi du département, qui porte sur le même point ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département " ; qu'aux termes de l'article L. 3211-2 : " Le conseil général peut déléguer une partie de ses attributions à la commission permanente (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la résiliation d'un marché conclu par le département devait être autorisée par le conseil général ou, sur délégation de celui-ci, par la commission permanente, en l'absence, à la date de la résiliation litigieuse, de toute autre disposition permettant de déléguer cette compétence au président du conseil général ;

7. Considérant, par ailleurs, que si le 4° de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée permet au maître de l'ouvrage de confier à un maître d'ouvrage délégué la " signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage " et la " gestion du contrat de travaux ", le pouvoir de résiliation, qui excède la gestion du contrat, n'entre pas dans les attributions que le maître de l'ouvrage peut ainsi déléguer ;

8. Considérant que la société Travaux Guil-Durance soutient, sans être contredite, que la décision de résiliation du 31 octobre 2001 qui lui a été notifiée par le directeur de la société ayant reçu du département des Bouches-du-Rhône délégation de maîtrise d'ouvrage n'a été précédée d'aucune délibération du conseil général ou, sur délégation de celui-ci, de sa commission permanente ; que, dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que la décision de résiliation n'a pas été prise par l'autorité compétente ; qu'eu égard à l'incompétence qui entache ainsi la décision de résilier le contrat, le surcoût qui en résulte pour le département ne peut être mis à la charge de la société Travaux Guil-Durance ; que celle-ci est par suite fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, faisant partiellement droit aux demandes reconventionnelles du département des Bouches-du-Rhône l'a condamnée à verser au département la somme de 3 144 432,90 euros ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône le versement à la société Travaux Guil-Durance d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, cette société n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées au même titre par le département ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 4 avril 2011 est annulé en tant qu'il se prononce sur les conclusions de la société Travaux Guil-Durance tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 juin 2008 en ce que, par son article 2, il la condamne à indemniser le département des Bouches-du-Rhône.

Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 juin 2008 est annulé.

Article 3 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône, présentées devant le tribunal administratif de Marseille, tendant à la condamnation de la société Travaux Guil-Durance à l'indemniser du préjudice résultant pour lui de la résiliation du contrat aux torts de cette société sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi du département des Bouches-du-Rhône dirigées contre l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 4 avril 2011.

Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi du département des Bouches-du-Rhône est rejeté.

Article 6 : Le département des Bouches-du-Rhône versera à la société Travaux Guil-Durance une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à la société Travaux Guil-Durance et au département des Bouches-du-Rhône.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 349840
Date de la décision : 15/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39 PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - DEVOIRS DU JUGE - MAÎTRISE D'OUVRAGE DÉLÉGUÉE (4° DE L'ART - 3 DE LA LOI DU 12 JUILLET 1985) - POSSIBILITÉ DE DÉLÉGUER LE POUVOIR DE RÉSILIATION - ABSENCE.

39 Si le 4° de l'article 3 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée permet au maître de l'ouvrage de confier à un maître d'ouvrage délégué la « signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage » et la « gestion du contrat de travaux », le pouvoir de résiliation, qui excède la gestion du contrat, n'entre pas dans les attributions que le maître de l'ouvrage peut ainsi déléguer.

MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - RÉSILIATION - POSSIBILITÉ DE DÉLÉGATION DE LA MAÎTRISE D'OUVRAGE (4° DE L'ART - 3 DE LA LOI DU 12 JUILLET 1985) - POSSIBILITÉ DE DÉLÉGUER LE POUVOIR DE RÉSILIATION - ABSENCE.

39-04-02 Si le 4° de l'article 3 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée permet au maître de l'ouvrage de confier à un maître d'ouvrage délégué la « signature du contrat de travaux, après approbation du choix de l'entrepreneur par le maître de l'ouvrage » et la « gestion du contrat de travaux », le pouvoir de résiliation, qui excède la gestion du contrat, n'entre pas dans les attributions que le maître de l'ouvrage peut ainsi déléguer.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2012, n° 349840
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Polge
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:349840.20121115
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