La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/10/2012 | FRANCE | N°350135

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 29 octobre 2012, 350135


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 13 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme D...A..., demeurant... ; ils demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de l'arrêt n° 09PA01811 du 12 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 0301270 du 9 février 2009 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplé

mentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelle...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 juin et 13 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme D...A..., demeurant... ; ils demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de l'arrêt n° 09PA01811 du 12 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus de leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 0301270 du 9 février 2009 du tribunal administratif de Paris en tant que celui-ci a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme A...,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. et Mme A...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D...A...et son épouse Mme C...B..., précédemment domiciliés à Paris, 4 rue de Lota, ont transféré leur domicile à Noisy-le-Roi, allée des Grands Clos au cours du printemps 2001 ; qu'ils ont fait l'objet, courant 2001, d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 1998 et 1999 ; que l'administration fiscale a porté à leur connaissance les redressements auxquels elle envisageait de procéder, par deux notifications en date des 20 décembre 2001 et 6 février 2002 ; que les époux A...se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 12 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir réduit la base de leur impôt sur le revenu de 1998 d'une somme de 4 878,37 euros, a rejeté le surplus des conclusions de leur requête tendant à l'annulation du jugement du 9 février 2009 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande tendant à la décharge des impositions en litige ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les redressements au titre de l'imposition sur les revenus de l'année 1999 :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'en relevant que M. et Mme A...avait accusé réception de la notification de redressements du 6 février 2002 dans leur réponse du 7 mars 2002, la cour, constatant le délai écoulé entre les dates d'envoi du courrier de l'administration et celui des contribuables, a implicitement mais nécessairement jugé qu'ils avaient disposé d'un délai suffisant pour présenter leurs observations ; que, dès lors, elle a pu, sans commettre d'erreur de droit ni entacher son arrêt d'une insuffisance de motivation, estimer que les requérants n'étaient pas fondés à soutenir que cette notification serait irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités :

3. Considérant, en premier lieu, que la cour, en réponse à la critique dirigée à l'encontre de la pénalité de 40 % infligée aux contribuables pour défaut de dépôt de la déclaration n° 2074, a relevé qu'ils avaient été invités à produire cette déclaration par une mise en demeure du 3 décembre 2001 et que la circonstance que cette mise en demeure n'aurait pas mentionné les conséquences de l'absence de déclaration quant aux pénalités encourues était sans incidence sur la validité de la majoration prévue par les dispositions de l'article 1728 du code général des impôts ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la cour aurait omis de se prononcer sur le caractère ambigu de la réponse formulée par le vérificateur à la demande des contribuables portant sur la nécessité de déposer une telle déclaration des plus-values de cession de valeurs mobilières, ne peut qu'être écarté ;

4. Considérant, en second lieu, que la cour, statuant sur le moyen tiré de ce que les pénalités infligées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts n'étaient pas justifiées au regard des revenus fonciers rectifiés au titre de l'année 1999, s'est fondée sur les omissions de déclarations, l'importance des revenus omis, l'existence de redressements au titre d'années antérieures en matières de traitements et salaires, de revenus fonciers et de revenus de capitaux mobiliers, toutes circonstances ayant conduit à l'application de ce texte ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour n'aurait pas justifié pour quelles raisons elle estimait que l'administration avait établi la mauvaise foi des requérants, doit être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les redressements en litige notifiés au titre de l'année 1999 ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les redressements au titre de l'imposition sur les revenus de l'année 1998 :

6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce, pour l'impôt sur le revenu, jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même livre, dans sa rédaction applicable au litige : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun (...) " ;

7. Considérant qu'une notification de redressements, pour être régulière, doit être effectuée à la dernière adresse communiquée par le contribuable à l'administration fiscale ; qu'en cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les requérants ont porté à la connaissance de l'administration leur changement de domicile, par la mention de leur nouvelle adresse apposée sur leur déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune déposée le 12 juin 2001, dans le cadre réservé à cet effet ; que la circonstance que cette nouvelle adresse ait été mentionnée sur une déclaration souscrite en matière d'impôt de solidarité sur la fortune ne s'oppose pas à ce qu'elle soit regardée comme la dernière adresse communiquée à l'administration fiscale ; que la mention de cette nouvelle adresse n'est pas contradictoire avec celle figurant sur la déclaration d'impôt sur le revenu déposée le 17 mars 2001 par les épouxA..., date à laquelle ils n'avaient pas encore transféré leur domicile ; que, par suite, en relevant que les mentions apparaissant sur ces deux déclarations étaient contradictoires et en en déduisant que la notification de redressements du 24 décembre 2001, par exploit d'huissier à l'ancien domicile des contribuables, avait eu pour effet d'interrompre la prescription du droit de reprise de l'administration, lequel venait à expiration le 31 décembre suivant, la cour a commis une erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. et Mme A...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les redressements en litige notifiés au titre de l'année 1998 ;

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans la mesure de la cassation prononcée ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, qu'en raison de son caractère irrégulier, la notification de redressements signifiée le 24 décembre 2001 par exploit d'huissier à l'ancien domicile des contribuables, n'a pas eu pour effet d'interrompre la prescription du droit de reprise de l'administration pour l'année 1998, lequel est venu à expiration le 31 décembre 2001 ; que la prescription était, en conséquence, acquise lorsque les contribuables sont entrés en possession de l'acte signifié, le 4 janvier 2002 ; que, dès lors, M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 9 février 2009, le tribunal administratif de Paris a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 1998 et des pénalités correspondantes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. et Mme A...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 12 avril 2011 de la cour administrative d'appel de Paris et l'article 2 du jugement du 9 février 2009 du tribunal administratif de Paris sont annulés en tant qu'ils portent sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis au titre de l'année 1998 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 1998 ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi présenté par M. et Mme A...est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme D... A...et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 350135
Date de la décision : 29/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - RECTIFICATION (OU REDRESSEMENT) - PROPOSITION DE RECTIFICATION (OU NOTIFICATION DE REDRESSEMENT) - RÉGULARITÉ DE LA NOTIFICATION - CONDITION - ENVOI À LA DERNIÈRE ADRESSE COMMUNIQUÉE PAR LE CONTRIBUABLE - PRISE EN COMPTE - EN MATIÈRE D'IMPÔT SUR LE REVENU - D'UN CHANGEMENT D'ADRESSE MENTIONNÉ SUR LA DÉCLARATION D'ISF - DANS LE CADRE RÉSERVÉ À CET EFFET - EXISTENCE [RJ1].

19-01-03-02-02 En cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse. Lorsqu'un contribuable porte à la connaissance de l'administration son changement de domicile en faisant mention de sa nouvelle adresse, dans le cadre réservé à cet effet, sur sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), souscrite postérieurement à sa déclaration au titre de l'impôt sur le revenu, cette adresse constitue la dernière adresse communiquée à l'administration fiscale, y compris pour l'imposition de ses revenus et non de son seul patrimoine.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - PRESCRIPTION - INTERRUPTION PAR L'ENVOI D'UNE NOTIFICATION DE REDRESSEMENTS RÉGULIÈRE - CONDITION D'ENVOI À LA DERNIÈRE ADRESSE COMMUNIQUÉE PAR LE CONTRIBUABLE - PRISE EN COMPTE - POUR L'ENVOI D'UNE NOTIFICATION EN MATIÈRE D'IMPÔT SUR LE REVENU - D'UN CHANGEMENT D'ADRESSE MENTIONNÉ SUR LA DÉCLARATION D'ISF - DANS LE CADRE RÉSERVÉ À CET EFFET - EXISTENCE [RJ1].

19-01-03-04 En cas de changement de domicile, il appartient au contribuable d'établir qu'il a fait les diligences nécessaires pour informer l'administration de sa nouvelle adresse. Lorsqu'un contribuable porte à la connaissance de l'administration son changement de domicile en faisant mention de sa nouvelle adresse, dans le cadre réservé à cet effet, sur sa déclaration d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), souscrite postérieurement à sa déclaration au titre de l'impôt sur le revenu, cette adresse constitue la dernière adresse communiquée à l'administration fiscale, y compris pour l'imposition de ses revenus et non de son seul patrimoine.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour un cas dans lequel le contribuable a indiqué sa nouvelle adresse dans toutes les déclarations fiscales déposées postérieurement à sa réclamation, CE, 29 octobre 1997, Grabowski, n° 156277, T. p. 771 ;

pour un cas dans lequel le contribuable a mentionné son changement d'adresse dans une déclaration de résultats en vue de l'imposition à l'impôt sur les sociétés, CE, 29 janvier 2003, Gugnon, n° 236107, T. p. 740.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 oct. 2012, n° 350135
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maryline Saleix
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:350135.20121029
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award