Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mai et 10 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Ali B, demeurant ... (69200) ; M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY01215 du 14 mai 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0600069 du 24 mai 2007 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2005 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, d'autre part, à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention "vie privée et familiale", dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt susvisé;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Michel Thénault, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan avocat de M. Ali MROIVILI,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan avocat de M. Ali MROIVILI ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 20 octobre 2005, le préfet du Rhône a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " présentée par M. B, qui est de nationalité comorienne, au motif que celui-ci ne remplissait pas les conditions prévues par le 3° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait se prévaloir d'aucune autre disposition de ce code pour prétendre à la délivrance d'un tel titre; que, par un jugement du 24 mai 2007, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de cette décision ; que, par un arrêt du 14 mai 2009, contre lequel M. MROIVILI se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) / 3° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. Les années durant lesquelles l'étranger s'est prévalu de documents d'identité falsifiés ou d'une identité usurpée ne sont pas prises en compte ; (...)" ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions ainsi rappelées que doivent être, le cas échéant, soustraites de la durée de séjour exigée de l'étranger qui sollicite un titre de séjour les seules périodes durant lesquelles il s'est frauduleusement prévalu de ces documents ou de cette identité ; qu'en revanche, peuvent être prises en compte les autres périodes de résidence même comprises entre deux périodes entachées de fraude ;
4. Considérant que la cour a relevé que M. B avait été condamné pour usage de faux documents d'identité française pour les années 1990, 1991, 1996 et 2001 ; qu'elle en a déduit, d'une part, que l'intéressé n'avait pas eu sa résidence habituelle en France durant ces années et, d'autre part, que le délai de résidence habituelle en France de l'intéressé n'avait commencé à courir qu'à compter de l'année 2002 ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3. qu'en indiquant que seules certaines années de la période de séjour en cause étaient entachées de fraude mais en ne prenant en compte que la durée de séjour postérieure à 2001, la cour a commis une erreur de droit ; que par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que
M. B a été condamné par un jugement du 16 juin 2003 du tribunal de grande instance de Lyon à une peine de 4 mois de prison avec sursis pour avoir obtenu frauduleusement une carte d'identité française et plusieurs passeports auprès de l'administration en 1990, 1991, 1996 et 2001; qu'ainsi, s'il a justifié la réalité de son séjour à partir de 1990, il s'est maintenu sur le territoire français sous le couvert de documents d'identité entachés de fraude, jusqu'à la date à laquelle ils lui ont été retirés ; que les dispositions du 3° de l'article L.313-11 rappelées au point 2 faisaient obstacle à la prise en compte de l'ensemble de cette période pour le calcul de la durée de résidence habituelle en France de l'intéressé; qu'ainsi, à la date du 20 octobre 2005 à laquelle est intervenu l'arrêté litigieux, M. B ne remplissait pas la condition de résidence habituelle de dix ans sur le territoire français; que, dès lors, le préfet du Rhône a pu légalement rejeter, pour ce motif, sa demande de titre de séjour ;
7. Considérant, en second lieu, qu'en vertu du 7° de l'article L. 313-11, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est également délivrée de plein droit à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;
8. Considérant que si M. B fait valoir qu'il réside en France depuis de nombreuses années, qu'il y a exercé une activité professionnelle et qu'il vit maritalement avec la même personne depuis 1991, il n'établit toutefois ni la réalité d'une relation stable et ancienne avec cette dernière ni ne précise sa situation; qu'il ne démontre pas davantage l'existence d'attaches particulières en France; qu'il ne conteste pas, en revanche, avoir conservé des liens avec son pays d'origine où séjournent notamment ses six enfants ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que le refus de titre de séjour opposé à l'intéressé méconnaîtrait les dispositions du septième alinéa de l'article L. 313-11 précité et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale doivent être écartés ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
10. Considérant qu'il résulte des précédents motifs que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B ne peuvent qu'être rejetées ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l'avocat de M. B sur le fondement de ces dispositions combinées avec celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 14 mai 2009 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. B devant la cour administrative d'appel de Lyon et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Monsieur Ali B et au ministre de l'intérieur.