Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 mai et 10 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Iman B, demeurant ...; Mme C demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE03986 du 3 mars 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur la requête de la commune de Soisy-sous-Montmorency tendant à l'annulation du jugement n° 0609199 du 12 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé la décision du 9 janvier 2006 du maire de Soisy-sous-Montmorency lui notifiant le montant de son indemnité de licenciement et la décision du 10 août 2006 du maire rejetant sa demande indemnitaire préalable et, d'autre part, condamné la commune à lui verser la somme de 15 070,87 euros, en premier lieu, a annulé partiellement ce jugement et, en second lieu, l'a renvoyée devant la commune de Soisy-sous-Montmorency pour qu'il soit procédé à la liquidation de l'indemnité de licenciement et des intérêts au taux légal auxquels elle a droit, sur les bases et dans les limites précisées dans les motifs de cet arrêt, les intérêts échus le 5 février 2010 étant capitalisés à cette date puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Soisy-sous-Montmorency la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;
Vu la directive n° 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Hervé Cassagnabère, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de Mme C, et de la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Soisy-sous-Montmorency,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, avocat de Mme C, et à la SCP Tiffreau, Corlay, Marlange, avocat de la commune de Soisy-sous-Montmorency ;
Sur le mémoire intitulé " Question prioritaire de constitutionnalité " :
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant que le II de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 prévoit que le contrat d'un agent contractuel occupant un emploi permanent dans une collectivité territoriale ou un établissement public mentionné à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, est transformé en contrat à durée indéterminée si l'agent satisfait, notamment, à la condition d'être âgé d'au moins cinquante ans ;
3. Considérant que Mme C, ancien agent contractuel de la commune de Soisy-sous-Montmorency, qui était âgée de moins de cinquante ans à la date de son licenciement, le 1er avril 2006, conteste, par le présent litige, le montant de son indemnité de licenciement, en particulier en ce qu'il lui a été fait application de la règle de plafonnement de cette indemnité prévue, pour les agents sous contrat à durée déterminée, par l'article 46 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale ; qu'elle soutient que les dispositions du II de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005, en ce qu'elles réservent aux salariés âgés d'au moins cinquante ans le bénéfice de la requalification de plein droit de leur contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, méconnaissent le principe d'égalité garanti par les articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et les articles 1er et 2 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
4. Considérant qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur de prendre des mesures propres à venir en aide à des catégories de personnes placées dans des situations défavorables ; que le législateur pouvait donc, compte tenu de la précarité de la situation des salariés âgés de plus de cinquante ans sur le marché du travail, réserver le bénéfice de la transformation des contrats à durée déterminée en contrats à durée indéterminée aux agents contractuels des collectivités territoriales et de leurs établissements publics satisfaisant à cette condition ; que les différences de traitement qui en résultent sont en rapport direct avec la finalité d'intérêt général poursuivie par le législateur, consistant, conformément à la clause 5.2 de l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, mis en oeuvre par la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, dont le II de l'article 15 de la loi du 26 juillet 2005 assure la transposition, à déterminer, dans le but de lutter contre la précarité pouvant résulter du recours prolongé ou abusif à l'emploi à durée déterminée, sous quelles conditions " les contrats ou relations de travail à durée déterminée [...] sont réputés conclus pour une durée indéterminée " ; que, dès lors, la question, posée par Mme C, de la conformité de cette disposition législative subordonnant son droit à indemnisation aux droits et libertés garantis par la Constitution, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
Sur le pourvoi en cassation :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-7 du code de justice administrative : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué (...) " ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Soisy-sous-Montmorency n'avait pas soulevé, à l'appui de ses conclusions dirigées contre le jugement du 12 octobre 2009 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le moyen tiré de ce que le nombre d'années à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement à laquelle avait droit Mme C était limité, en application de l'article 46 du décret du 15 février 1988, au nombre de mois restant à courir jusqu'au terme prévu de son contrat en cours ; qu'en se fondant sur ce motif pour annuler le jugement du tribunal administratif dont la commune avait fait appel devant elle, sans avoir, avant la séance de jugement, informé les parties de son intention de soulever d'office le moyen en cause, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'irrégularité ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme C est fondée à demander l'annulation de cet arrêt ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Soisy-sous-Montmorency ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette dernière la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme C et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du II de l'article 15 de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005.
Article 2 : L'arrêt du 3 mars 2011 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 3 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 4 : La commune de Soisy-sous-Montmorency versera la somme de 3 000 euros à Mme C au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Soisy-sous-Montmorency présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Iman C, à la commune de Soisy-sous-Montmorency et à la ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.