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11/10/2012 | FRANCE | N°346691

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 11 octobre 2012, 346691


Vu le pourvoi, enregistré le 14 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 08MA05163 du 20 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant partiellement droit à la requête de Mme Susan A, l'a déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été ass

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Vu le pourvoi, enregistré le 14 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 08MA05163 du 20 décembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, faisant partiellement droit à la requête de Mme Susan A, l'a déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 et 2000 et des pénalités correspondantes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Ricard, avocat de Mme A.

- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de Mme A ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. / Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L. 16 A. / Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger " ; qu'en vertu de l'article L. 16 A du même livre, lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les délais qu'elles prévoient, impartis au contribuable pour compléter sa réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications, à sa demande ou à la suite d'une mise en demeure de l'administration, et nécessaires à l'administration pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger, ou obtenir les relevés de comptes non produits par le contribuable dans le délai imparti, se cumulent en principe, eu égard aux objets différents qu'ils poursuivent, pour le décompte de la durée de prorogation de la période de contrôle d'un an prévue par les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ; qu'il en va toutefois différemment lorsque plusieurs de ces délais courent de manière concomitante, le délai d'un an prévu par ces dispositions n'étant alors prorogé qu'à concurrence du nombre de jours pendant lesquels ces délais ne se recouvrent pas ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme Malycki ont reçu le 19 juillet 2001 l'avis d'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1998 à 2000 ; que le contrôle s'est achevé, pour les années 1999 et 2000, par la notification de redressements qui leur a été adressée le 26 mai 2003 ; qu'après avoir vainement fait valoir, devant le tribunal administratif de Marseille, que la durée d'examen de sa situation fiscale personnelle avait, pour les années 1999 et 2000, dépassé le délai fixé par l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, Mme A a saisi la cour administrative d'appel de Marseille qui a fait droit à cette argumentation et l'a déchargée des impositions auxquelles elle a été assujettie au titre de ces mêmes années, par un arrêt du 20 décembre 2010 contre lequel le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement se pourvoit en cassation ;

4. Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour a relevé que la période d'un an de durée maximale d'examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme Malycki expirait en principe le 19 juillet 2002 et avait été prorogée, en premier lieu, par le délai de quarante-huit jours séparant la date à laquelle expirait le délai de soixante jours imparti aux contribuables pour communiquer leurs relevés de compte, le 19 septembre 2001, et l'obtention de ces documents par l'administration, le 6 novembre suivant, et, en second lieu, par le délai de deux cent-quarante-cinq jours, s'écoulant du 11 mars au 11 novembre 2002, nécessaire à l'obtention des renseignements demandés par l'administration aux autorités britanniques ; que pour juger que cette période n'avait, en revanche, pas pu être prorogée par le délai de trente jours imparti aux intéressés pour répondre à la mise en demeure qui leur avait été adressée le 3 juillet 2002 en application de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, la cour s'est fondée sur le motif que le délai de trente jours et le délai d'obtention des renseignements demandés aux autorités britanniques se recouvraient ; que la cour en a déduit que la période d'un an n'avait été prorogée que de deux cent quatre-vingt-treize jours et s'était achevée le 8 mai 2003, antérieurement à l'envoi de la notification de redressements du 26 mai 2003, et que la fin du contrôle mené au titre des années 1999 et 2000 était ainsi intervenue en méconnaissance de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à Mme Susan A.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 346691
Date de la décision : 11/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. VÉRIFICATION APPROFONDIE DE SITUATION FISCALE D'ENSEMBLE (OU ESFP). - DURÉE MAXIMALE DE L'EXAMEN DE LA SITUATION FISCALE PERSONNELLE DU CONTRIBUABLE (ART. L. 12 DU LPF) - PROROGATIONS - MODALITÉS DE DÉCOMPTE DE LA DURÉE DE PROROGATION DE LA PÉRIODE DE CONTRÔLE - PRINCIPE - CUMUL DES DÉLAIS - EXCEPTION - CAS DANS LEQUEL PLUSIEURS DÉLAIS COURENT DE MANIÈRE CONCOMITANTE.

19-01-03-01-03 Il résulte des dispositions combinées des articles L. 12 et L. 16 A du livre des procédures fiscales (LPF) que les délais que ces dispositions prévoient, impartis au contribuable pour compléter sa réponse à une demande d'éclaircissements ou de justifications, à sa demande ou à la suite d'une mise en demeure de l'administration, et nécessaires à l'administration pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger, ou obtenir les relevés de comptes non produits par le contribuable dans le délai imparti, se cumulent en principe, eu égard aux objets différents qu'ils poursuivent, pour le décompte de la durée de prorogation de la période de contrôle d'un an prévue par les dispositions de l'article L. 12 du LPF. Il en va toutefois différemment lorsque plusieurs de ces délais courent de manière concomitante, le délai d'un an prévu par ces dispositions n'étant alors prorogé qu'à concurrence du nombre de jours pendant lesquels ces délais ne se recouvrent pas.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 oct. 2012, n° 346691
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Rapporteur public ?: M. Benoît Bohnert
Avocat(s) : RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:346691.20121011
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