Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 21 décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Kanam Grund Kag, dont le siège est 2, avenue Montaigne à Paris (75008), représentée par son président en exercice ; elle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0708863 du 20 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005 et 2006 pour un immeuble situé 100, avenue de Suffren à Paris (75015) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Kanam Grund Kag,
- les conclusions de M. Benoît Bohnert, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de la société Kanam Grund Kag ;
1. Considérant, d'une part, que les dispositions du I de l'article 1496 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances pour 2004, sont applicables aux locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice soit d'une activité salariée à domicile, soit d'une activité professionnelle non commerciale au sens du 1 de l'article 92 du même code ; qu'elles prévoient que la valeur locative de ces locaux est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux ; que les modalités d'évaluation de ces locaux sont précisées aux articles 324 D à 324 X de l'annexe III à ce code ;
2. Considérant, d'autre part, que l'article 1498 de ce code prévoit les modalités d'évaluation de la valeur locative des locaux autres que ceux régis par l'article 1496 et que les établissements industriels relevant de l'article 1499 ; qu'en dehors du cas où ils doivent être évalués selon la méthode comptable, dès lors qu'ils sont regardés comme relevant de l'article 1499, les bureaux sont au nombre des locaux dont la valeur locative est déterminée selon les règles prévues à l'article 1498 de ce code et dont les modalités d'évaluation sont précisées aux articles 324 Y à 324 AC de l'annexe III à ce code ; que, lorsque la méthode par comparaison prévue au 2° de l'article 1498 est mise en oeuvre, cette valeur est arrêtée selon les règles prévues aux articles 324 Z et 324 AA de cette annexe ;
3. Considérant qu'en dehors de la dérogation aux dispositions du I de l'article 1496 du code général des impôts, prévue par l'article 1497 du même code, pour les locaux d'habitation qui présentent un caractère exceptionnel et les locaux à usage professionnel spécialement aménagés pour une activité particulière, pour lesquels l'évaluation est effectuée dans les conditions fixées par l'article 1498, les dispositions de ce dernier article et les dispositions réglementaires prises pour leur application ne sont pas applicables aux locaux relevant du I de l'article 1496 ;
4. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a relevé que la société Kanam Grund Kag était propriétaire au cours des années 2005 et 2006 d'un ensemble immobilier à usage de bureaux, situé 100, avenue de Suffren à Paris ; que, pour rejeter la demande de cette société tendant à la réduction des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre de ces années, le tribunal a fait application de la combinaison des dispositions du I de l'article 1496 du code général des impôts et des articles 324 Z et 324 AA de l'annexe III à ce code, et a jugé qu'un nouveau local de référence avait été valablement retenu par l'administration tandis qu'il a écarté le local que la société regardait comme plus pertinent ;
5. Considérant qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'en dehors du cas où il y a lieu de faire application de l'article 1499, l'évaluation d'un local à usage de bureaux relève des dispositions de l'article 1498 et, d'autre part, que les articles 324 Z et 324 AA de l'annexe III à ce code ne sont pas applicables aux locaux relevant du I de l'article 1496 en dehors de la dérogation mentionnée au considérant 3, le tribunal, qui, dès lors qu'il estimait que l'ensemble immobilier était au nombre des locaux régis par le I de l'article 1496, devait rechercher si les locaux relevaient de ce régime dérogatoire et n'a relevé aucun élément en ce sens, a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Kanam Grund Kag est fondée à demander l'annulation du jugement du 20 juillet 2010 du tribunal administratif de Paris ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Kanam Grund Kag de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 20 juillet 2010 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la société Kanam Grund Kag une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Kanam Grund Kag et au ministre de l'économie et des finances.