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01/10/2012 | FRANCE | N°338103

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 01 octobre 2012, 338103


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Danielle C, demeurant ... ; Mme C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC00425 du 1er février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur la requête de M. Benoît B, a, d'une part, annulé le jugement n° 0502614 du 24 janvier 2008 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne annulant l'arrêté du 21 septembre 2005 refusant à Mme C l'autorisation d'exploiter des ter

res agricoles situées à L'Epine et, d'autre part, rejeté la demande de ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Danielle C, demeurant ... ; Mme C demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC00425 du 1er février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur la requête de M. Benoît B, a, d'une part, annulé le jugement n° 0502614 du 24 janvier 2008 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne annulant l'arrêté du 21 septembre 2005 refusant à Mme C l'autorisation d'exploiter des terres agricoles situées à L'Epine et, d'autre part, rejeté la demande de Mme C tendant à l'annulation de cet arrêté ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. B et de le condamner à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. B une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, Auditeur,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas avocat de M. B et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano avocat de Mme C ;

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas avocat de M. B et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano avocat de Mme C ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 21 septembre 2005, le préfet de la Marne a refusé de délivrer à Mme C l'autorisation d'exploiter des terres agricoles situées à l'Epine ; que Mme C se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 24 janvier 2008 qui avait annulé l'arrêté préfectoral, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce refus d'autorisation ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il annule le jugement du tribunal administratif et rejette la demande de Mme C :

En ce qui concerne les moyens par lesquels Mme C soutenait que l'opération n'était pas soumise à l'autorisation préalable prévue par l'article L. 331-2 du code rural :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural : " Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : (...) 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 331-1 du même code : " Satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnées au 3° de l'article L. 331-2 le candidat à l'installation, à l'agrandissement ou à la réunion d'exploitations agricoles qui justifie, à la date de l'opération : (...) 2° (...) de cinq ans minimum d'expérience professionnelle acquise sur une surface au moins égale à la moitié de l'unité de référence définie à l'article L. 312-5 en qualité d'exploitant, d'aide familial, d'associé d'exploitation, de salarié agricole ou de collaborateur d'exploitation au sens de l'article L. 321-15 (...) " ;

4. Considérant que, pour juger que la demande de Mme C, veuve d'un exploitant agricole qu'elle avait épousé le 28 mars 1998 et qui était décédé le 15 février 2003, concernait une opération d'installation soumise à autorisation par les dispositions du 3° de l'article L. 331-2, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, a relevé, d'une part, qu'une attestation de la Mutualité Sociale Agricole datée du 7 juin 2000 indiquait que l'intéressée avait conservé la qualité de " conjoint ne participant pas aux travaux " de l'exploitation du 28 mars 1998 au 31 décembre 1998, et d'autre part, qu'il ressortait de témoignages que, si Mme C avait été enregistrée à la Mutualité Sociale Agricole en qualité de " conjoint participant aux travaux " pour l'année 1999, elle n'avait jamais réellement pris part à l'exploitation des terres de son mari ; qu'elle n'a pas dénaturé les pièces sur lesquelles elle s'est ainsi fondée ; qu'elle n'a pas davantage dénaturé les autres pièces du dossier en n'en déduisant pas qu'elles auraient établi que Mme C aurait rempli la condition d'expérience professionnelle de cinq ans telle que précisée par les dispositions du 2° de l'article R. 331-1 ; qu'elle a pu, sans commettre d'erreur de droit, déduire de ses constatations que, faute pour Mme C de remplir cette condition, la demande présentée par l'intéressée concernait une opération d'installation soumise à autorisation par les dispositions du 3° de l'article L. 331-2 ;

En ce qui concerne les moyens par lesquels Mme C soutenait que l'autorisation demandée aurait dû lui être délivrée :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-3 du code rural, dans sa rédaction alors en vigueur : " " L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : / 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles (...) " ; que le schéma départemental des structures agricoles de la Marne, dans sa rédaction alors applicable, fixait à 100 ha l'unité de référence et définissait ainsi l'ordre des priorités : " (...) 1.4 agrandissement des exploitations dont la surface est inférieure à 0,65 fois l'unité de référence pour leur permettre d'atteindre ce seuil ; / 1.5 agrandissement des exploitations dont la surface est inférieure à 1,4 fois l'unité de référence pour leur permettre d'atteindre ce seuil ; / 1.6 autre installation ou agrandissement (...) " ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, contrairement à ce que soutient la requérante, le ministre de l'agriculture avait fait valoir, par un mémoire enregistré le 5 octobre 2009, que l'arrêté préfectoral du 21 septembre 2005 était légalement justifié par un autre motif que celui sur lequel l'arrêté était fondé, cet autre motif tenant à ce que M. B avait présenté une demande concurrente à laquelle il devait être fait droit en application de l'ordre des priorités établi par les mentions citées ci-dessus du schéma départemental ; que, ce mémoire ayant été communiqué à Mme C, qui a d'ailleurs répondu à cette demande de substitution de motif, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la cour, qui a procédé à la substitution de motif demandée, aurait méconnu le principe du respect des droits de la défense ou les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette substitution de motif n'a, par ailleurs, pas eu pour effet de priver Mme C de la garantie résultant de la consultation de la commission départementale d'orientation de l'agriculture sur les demandes concurrentes d'autorisation qui avaient été présentées par elle-même et par M. B, consultation à laquelle il avait été procédé le 7 septembre 2005, conformément aux dispositions des articles L. 331-3 et R. 331-5 du code rural ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la demande de Mme C constituait une opération d'installation et non d'agrandissement, relevant comme telle de la priorité définie au 1.6 et non de celle définie au 1.4 du schéma départemental des structures agricoles, comme l'a jugé sans commettre d'erreur de droit la cour administrative d'appel ; que la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit en estimant que la demande concurrente de M. B portait sur une exploitation existante d'une surface inférieure à 140 ha et relevait dès lors de la priorité 1.5 ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il annule le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et rejette la demande qu'elle avait présentée devant ce tribunal administratif ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions de Mme C tendant à la condamnation de M. B à lui verser une indemnité pour appel abusif :

9. Considérant que, comme le soutient Mme C, l'arrêt attaqué ne statue pas sur les conclusions qu'elle avait présentées et qui tendaient à ce que M. B fût condamné à l'indemniser en raison du caractère abusif qu'aurait présenté l'appel qu'il avait introduit devant la cour administrative d'appel ; que cet arrêt doit dès lors être annulé en tant qu'il omet de statuer sur ces conclusions ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

11. Considérant que, dès lors qu'il a été fait droit à l'appel présenté par M. B, cet appel ne présentait pas un caractère abusif ; que les conclusions de Mme C, tendant à ce que M. B soit condamné à lui verser une indemnité pour appel abusif doivent, par suite, être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions, et de mettre à la charge de Mme C le versement d'une somme à M. B au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er février 2010 est annulé en tant qu'il omet de statuer sur les conclusions de Mme C tendant à ce que M. B soit condamné à lui verser une indemnité pour appel abusif.

Article 2 : Les conclusions de Mme C tendant à ce que M. B soit condamné à lui verser une indemnité pour appel abusif sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme C est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. B au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Danielle C, à M. Benoît B et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 338103
Date de la décision : 01/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 oct. 2012, n° 338103
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Didier Chauvaux
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:338103.20121001
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