Vu le pourvoi, enregistré le 31 janvier 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1106390 du 11 janvier 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu, à la demande de M. Vincent A, l'exécution de la décision du 25 octobre 2011 par laquelle le préfet du Haut-Rhin a refusé la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage conclu avec M. Régis B et a interdit à M. A de conclure, pendant cinq ans, de nouveaux contrats d'apprentissage ou d'insertion en alternance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Alsace a, le 13 octobre 2011, prononcé la suspension à titre provisoire, en application de l'article L. 6225-4 du code du travail, du contrat d'apprentissage conclu entre M. A et l'un de ses apprentis, puis a refusé, le 25 octobre suivant, en application de l'article L. 6225-5 du même code, d'autoriser la reprise de l'exécution de ce contrat d'apprentissage et a interdit à M. A de conclure, pendant cinq ans, de nouveaux contrats d'apprentissage ou d'insertion en alternance ; que, par une ordonnance du 11 janvier 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a suspendu, à la demande de M. A, cette seconde décision ; que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé se pourvoit en cassation contre cette ordonnance ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6225-4 du code du travail : " En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'inspecteur du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi la suspension du contrat d'apprentissage. Cette suspension s'accompagne du maintien par l'employeur de la rémunération de l'apprenti " ; qu'aux termes de l'article L. 6225-5 du même code : " Dans le délai de quinze jours à compter du constat de l'agent de contrôle, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage. Le refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraîne la rupture de ce contrat à la date de notification du refus aux parties. Dans ce cas, l'employeur verse à l'apprenti les sommes dont il aurait été redevable si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme " ; qu'aux termes de l'article L. 6225-6 du même code : " La décision de refus du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi peut s'accompagner de l'interdiction faite à l'employeur de recruter de nouveaux apprentis ainsi que des jeunes titulaires d'un contrat d'insertion en alternance, pour une durée qu'elle détermine " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la possibilité pour le juge des référés d'ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative est subordonnée notamment à la condition qu'il y ait urgence ; qu'en tenant compte, pour apprécier l'existence de cette condition, aussi bien des incidences immédiates de la décision litigieuse sur la situation financière de l'entreprise, alléguées par M. A, que des risques, allégués par l'administration, d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique et morale encourus, en cas de reprise de son contrat, par l'apprenti dont le contrat était suspendu ou par de futurs apprentis, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'en estimant, au vu de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, que la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative était remplie, il n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 6225-9 du code du travail : " En application de l'article L. 6225-4, l'inspecteur du travail propose la suspension de l'exécution du contrat d'apprentissage, après qu'il ait été procédé, lorsque les circonstances le permettent, à une enquête contradictoire. Il en informe sans délai l'employeur et adresse cette proposition au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Ce dernier se prononce sans délai et, le cas échéant, dès la fin de l'enquête contradictoire " ; qu'en estimant, alors que l'administration se bornait à soutenir, d'une part, que la réalisation d'une enquête contradictoire n'est pas systématiquement exigée par les dispositions précitées et, d'autre part, qu'une proposition de suspension du contrat d'apprentissage datée du 13 octobre 2011 avait été adressée à M. A, que le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;
5. Considérant, enfin, que le juge des référés, qui a mentionné l'absence de production par l'administration des pièces qu'elle disait être en sa possession et qui étaient réputées établir les faits reprochés à M. A, n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que le moyen tiré de ce que l'administration n'établissait pas la réalité de ces faits était également propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension était demandée ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre du travail, de l'emploi et de la santé est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à M. Vincent A.