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25/06/2012 | FRANCE | N°338772

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 25 juin 2012, 338772


Vu le pourvoi, enregistré le 19 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 08PA02407 du 11 février 2010 de la cour administrative d'appel de Paris par lesquels la cour, réformant le jugement n° 0213148-0401894 du 11 mars 2008 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté les demandes de la société anonyme Le Carbone Lorraine tendant, d'une part, à la décharge des compléments de co

tisation de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au tit...

Vu le pourvoi, enregistré le 19 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er à 3 de l'arrêt n° 08PA02407 du 11 février 2010 de la cour administrative d'appel de Paris par lesquels la cour, réformant le jugement n° 0213148-0401894 du 11 mars 2008 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté les demandes de la société anonyme Le Carbone Lorraine tendant, d'une part, à la décharge des compléments de cotisation de taxe professionnelle auxquels elle a été assujettie au titre des années 1998 et 1999, d'autre part, à la réduction de la cotisation de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2002, a réduit la valeur ajoutée servant au plafonnement de la taxe professionnelle due par la société au titre des années 1998 et 1999 des sommes respectives de 6 567 250 francs et 8 611 749 francs et a réduit en conséquence les compléments de taxe professionnelle mis à sa charge au titre des années 1998 et 1999 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter dans cette mesure la requête de la société Le Carbone Lorraine devant la cour administrative d'appel de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Isidoro, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SA Carbone Lorraine,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SA Carbone Lorraine ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société Le Carbone Lorraine, l'administration a remis en cause le montant de la valeur ajoutée produite par cette société au titre des années 1998 et 1999 et prise en compte pour le plafonnement de la taxe professionnelle, correspondant à des prestations informatiques fournies par un prestataire extérieur et que la société avait inscrites en charge d'exploitation puis comptabilisées au produit du compte " transfert de charges " afin de les étaler sur la durée d'utilisation du logiciel acquis ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 11 février 2010 en tant que, faisant partiellement droit à l'appel de la société Le Carbone Lorraine contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 11 mars 2008 en ce qui concerne les montants de la valeur ajoutée servant au plafonnement de cette taxe, la cour a réduit les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à la charge de la société pour ces années ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II (...). II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion. (...) " ;

Considérant que ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte pour le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle ; que, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions de la réglementation comptable applicable à l'année d'imposition concernée ; que, toutefois, les produits inscrits au compte 79 " transfert de charges ", correspondant à l'étalement de dépenses de mise en état d'utilisation d'une immobilisation, qui avaient été initialement inscrites en charge d'exploitation mais que l'entreprise a finalement choisi d'amortir sur la durée d'utilisation de ladite immobilisation, doivent, même si ce compte ne peut être rattaché à aucune des rubriques prévues pour le calcul de la valeur ajoutée par l'article 1647 B sexies, être ajoutés par cette entreprise pour la détermination de sa valeur ajoutée, dans la mesure où elles compensent des charges qui ont elles-mêmes été déduites ;

Considérant que, pour juger que la société Le Carbone Lorraine avait à bon droit déduit de la valeur ajoutée servant au plafonnement de la taxe professionnelle due au titre des années 1998 et 1999 les dépenses exposées par la société auprès d'un prestataire de services informatiques, la cour s'est fondée sur ce que la société soutenait sans être contredite que ces dépenses ne constituaient pas des frais de conception de logiciels mais des frais d'adaptation et de mise en place d'un logiciel ; qu'en se fondant sur cette seule circonstance, sans rechercher si les sommes en cause devaient, comme le soutenait la société, venir en déduction des produits constituant la valeur ajoutée en vertu des dispositions de la réglementation comptable en vigueur, la cour a commis une erreur de droit ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et dans la mesure de la cassation prononcée, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir inscrit en charges d'exploitation les frais d'adaptation et de mise en place du logiciel de gestion et de planification des ressources qu'elle avait acquis, la société Le Carbone Lorraine a choisi d'étaler ces frais en les amortissant sur la durée d'utilisation de ce logiciel et a inscrit, par suite, les sommes en cause au compte 79 " transfert de charges " ; qu'ainsi qu'il a été dit, elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'administration pouvait, en application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, réintégrer ces sommes dans sa valeur ajoutée et a, par suite, rejeté la demande de décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle résultant de cette réintégration ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Le Carbone Lorraine ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 1er à 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 11 février 2010 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de la requête de la société Le Carbone Lorraine devant la cour administrative d'appel de Paris dirigées contre les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle résultant de la réintégration dans la valeur ajoutée des sommes de 6 567 250 F et 8 611 749 F, au titre respectivement des années 1998 et 1999, sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Le Carbone Lorraine au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES et à la société Le Carbone Lorraine.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 338772
Date de la décision : 25/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 jui. 2012, n° 338772
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Cécile Isidoro
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:338772.20120625
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