Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er mars et 1er juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Hélène A, demeurant au ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 5 de l'arrêt n° 07PA03023 du 31 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre le jugement du 7 juin 2007 par lequel le tribunal administratif de Melun avait rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999, 2000 et 2001, des cotisations supplémentaires de contribution sociale au titre de ces mêmes années et des pénalités correspondantes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit dans cette mesure à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts et le livre de procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Flauss, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de l'examen de la situation fiscale personnelle et de la vérification de comptabilité de Mme A, engagée à la suite de la condamnation prononcée à son encontre pour avoir détourné des fonds au préjudice d'associations dont elle assurait la comptabilité, l'administration fiscale a procédé au redressement de son revenu imposable pour les années 1999, 2000 et 2001, d'une part sur le fondement de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73 du livre des procédures fiscales en l'absence de déclaration des revenus non commerciaux provenant des détournements de fonds et, d'autre part, sur le fondement de la procédure de la taxation d'office d'autres revenus d'origine indéterminée, prévue aux articles L. 16 et L. 69 du même livre ; que ces redressements ont donné lieu à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales assorties des pénalités pour absence de déclaration, pour mauvaise foi et pour activités occultes ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 31 décembre 2009 en tant qu'après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer à hauteur des dégrèvements intervenus en cours d'instance et prononcé une décharge partielle des impositions en litige pour la seule année 2001, la cour a rejeté le surplus de sa requête dirigée contre le jugement du 7 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de Melun avait rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités litigieuses ;
Sur les redressements notifiés au titre des revenus d'origine indéterminée :
En ce qui concerne la régularité des procédures d'imposition :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; que, dans sa version applicable à la date des opérations de contrôle, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié prévoyait les dispositions suivantes : " Dans le cadre de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, le dialogue joue également un rôle très important tout au long de la procédure. Il vous permet de présenter vos explications sur les discordances relevées par le vérificateur à partir des informations dont il dispose " ;
Considérant qu'il ne résulte pas de ces dispositions que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure de demande de justifications prévue par les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, d'engager avec le contribuable un dialogue sur les discordances relevées par lui ; que par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant pour ce motif le moyen tiré de ce qu'un tel dialogue aurait dû être engagé ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : " Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. / (...) Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger. " ;
Considérant que, pour juger que la notification de redressements du 27 juin 2003, relative aux années 2000 et 2001, avait été envoyée dans le délai imparti à l'administration par les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, la cour s'est notamment fondée sur ce que l'administration avait adressé à la banque de la contribuable une demande de communication de relevés de compte ayant eu pour effet de prolonger ce délai ; qu'au vu des pièces produites par l'administration au cours de l'instruction de la requête de Mme A, elle a retenu que les relevés bancaires demandés par l'administration étaient parvenus à l'administration le 29 août 2002 ; qu'en se fondant sur ces éléments, librement débattus entre les parties au cours de l'instance, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des faits, exempte de dénaturation, et n'a pas méconnu les droits de la défense et les règles régissant la charge de la preuve ;
En ce qui concerne les pénalités infligées pour mauvaise foi :
Considérant que pour juger que Mme A avait manifesté sa volonté d'éluder l'impôt, la cour s'est fondée, d'une part, sur ce qu'elle ne pouvait ignorer le caractère imposable des sommes qu'elle avait encaissées et, d'autre part, sur ce que le montant de ces sommes était particulièrement élevé ; que par suite, le moyen tiré de ce que la cour aurait omis de rechercher si l'administration démontrait la volonté de la contribuable d'éluder l'impôt ne peut qu'être écarté ;
Sur les redressements notifiés au titre des bénéfices non commerciaux :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; que l'article 92 du même code dispose : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) " ;
Considérant, par ailleurs, qu'il résulte de la lecture combinée des dispositions de l'article 97 du même code et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales qu'à défaut pour un contribuable soumis au régime de la déclaration annuelle contrôlée d'avoir souscrit cette dernière, celui-ci ne peut être soumis à la procédure de taxation d'office que pour autant qu'il ait été mis en demeure de régulariser sa situation et qu'il n'y ait pas donné suite dans le délai imparti ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 68, dans sa rédaction applicable au litige : " Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable (...) ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...). " ; qu'aux termes de l'article 371 AI de l'annexe II au code général des impôts, dans sa version applicable : " Les centres de formalités des entreprises reçoivent le dossier unique, mentionné à l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, comportant les déclarations relatives à leur création, aux modifications de leur situation ou à la cessation de leur activité, que les entreprises sont tenues de remettre aux administrations, personnes ou organismes mentionnés à l'article 1er de la même loi./ Ils reçoivent en outre les notifications effectuées par les greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux de grande instance statuant commercialement, en application de l'article 4-1 du décret n° 84-406 du 30 mai 1984 modifié relatif au registre du commerce et des sociétés./ Les centres transmettent aux administrations, personnes ou organismes concernés, les déclarations ainsi que les renseignements mentionnés au deuxième alinéa. " ; qu'aux termes du I de l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts, alors applicable : " 7. Les centres des impôts créent les centres compétents pour les personnes suivantes dès lors qu'elles ne relèvent pas des dispositions des 1 à 6 et qu'elles n'ont pas d'autres obligations déclaratives que statistiques et fiscales : (...) c) Les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux ; (...) " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 371 AI et 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts que les contribuables percevant des revenus imposables au titre des bénéfices non commerciaux ne provenant pas de l'exercice d'une activité à titre de profession habituelle ne sont pas astreints à se faire connaître auprès d'un centre de formalités, ainsi que le précise désormais l'article R. 123-3 du code de commerce auquel renvoie l'article 371 AJ ; que les détournements de fonds opérés par Mme A ne pouvant être regardés comme relevant d'une telle activité, celle-ci n'avait pas à se faire connaître d'un tel centre ; que, par suite, l'administration était tenue, avant d'évaluer d'office les revenus du contribuable, de lui adresser une mise en demeure ; qu'ainsi, en jugeant que Mme A ne s'étant pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises, l'administration était en droit de procéder à l'évaluation d'office des revenus provenant des détournements de fonds commis par la contribuable sans avoir envoyé préalablement la mise en demeure prévue par les mêmes dispositions, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que l'arrêt attaqué doit être annulé en tant seulement qu'il statue sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales mis à la charge de Mme A au titre des bénéfices non commerciaux pour les années 1999, 2000 et 2001 et aux pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement des sommes sollicitées à ce titre par Mme A ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 31 décembre 2009 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il s'est prononcé sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales mis à la charge de Mme A au titre des bénéfices non commerciaux pour les années 1999, 2000 et 2001 et aux pénalités correspondantes.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris dans la mesure de l'annulation prononcée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme Hélène A et au ministre de l'économie et des finances.