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10/05/2012 | FRANCE | N°357043

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 10 mai 2012, 357043


Vu l'ordonnance n° 1108493 du 22 février 2012, enregistrée le 23 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle la présidente de la deuxième chambre de la septième section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la SOCIETE EUROACTING, tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2011 par laquelle le préfet de police lui a enjoint, en application du V de l'article L. 141-1 du code de la consommation, de cesser de facturer aux débiteurs des frais non prévus par l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991, a décid

é, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ord...

Vu l'ordonnance n° 1108493 du 22 février 2012, enregistrée le 23 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle la présidente de la deuxième chambre de la septième section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de la SOCIETE EUROACTING, tendant à l'annulation de la décision du 5 janvier 2011 par laquelle le préfet de police lui a enjoint, en application du V de l'article L. 141-1 du code de la consommation, de cesser de facturer aux débiteurs des frais non prévus par l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 octobre 2011 au greffe du tribunal administratif de Paris, présenté pour la SOCIETE EUROACTING, dont le siège social est 26 rue de Chambéry à Paris (75015), en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu l'arrêt n° 09-67591 de la Cour de cassation (deuxième chambre civile) du 20 mai 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, Auditeur,

- les observations de Me Le Prado, avocat de la SOCIETE EUROACTING,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de la SOCIETE EUROACTING ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : " Sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi, les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite " ; que, selon le quatrième alinéa du même article : " Cependant, le créancier qui justifie du caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance peut demander au juge de l'exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi " ; qu'il résulte notamment de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, que les frais afférents aux actes prescrits par les lois et règlements non aux créanciers eux-mêmes mais aux personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d'autrui ne peuvent être mis à la charge du débiteur ;

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE EUROACTING soutient que les dispositions précitées du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 créent une double rupture d'égalité entre les créanciers, d'une part, selon qu'ils ont ou non à engager des frais aux fins de recouvrement amiable de leur créance et, d'autre part, selon qu'ils ont ou non recours aux services d'une société de recouvrement amiable ; que, toutefois, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; qu'il n'oblige pas à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; que les dispositions en litige ont pour objet d'empêcher que le débiteur de bonne foi ne se voie réclamer par son créancier, en sus de sa dette initiale et en dehors de tout règlement judiciaire, des frais de recouvrement amiable dont le montant ne serait pas contrôlé ; que, d'une part, si ces dispositions n'emportent de conséquences que sur les créanciers qui engagent des frais pour recouvrer leur créance, ceux-ci sont dans une situation différente de celle des créanciers dont le débiteur acquitte spontanément la somme due et la différence de traitement qui en résulte est en rapport direct avec leur objet ; que, d'autre part, la circonstance que la loi s'applique de façon identique aux créanciers qui poursuivent eux-mêmes le recouvrement de leurs créances et à ceux qui ont recours aux services d'une société de recouvrement, et se placent de ce fait volontairement dans la situation de payer le prix des prestations rendues par cette société, y compris pour l'accomplissement d'actes imposés à celle-ci, ne méconnaît aucunement le principe d'égalité ;

Considérant, en second lieu, que la SOCIETE EUROACTING soutient que les dispositions du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 méconnaissent le droit de propriété, consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'elles empêchent les créanciers et les sociétés de recouvrement de facturer aux débiteurs les frais engagés pour le recouvrement de leurs créances ; qu'en l'absence de privation du droit de propriété au sens de l'article 17, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les atteintes portées à ce droit doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; que, d'une part, en mettant par principe à la charge des créanciers les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire autres que ceux afférents à des actes prescrits par la loi, tout en prévoyant que, sous le contrôle du juge, puissent être mis à la charge des débiteurs de mauvaise foi les frais correspondant aux démarches nécessaires entreprises pour recouvrer leur créance, les dispositions critiquées portent aux droits patrimoniaux des créanciers une atteinte justifiée et proportionnée à l'objectif d'intérêt général de protection des débiteurs contre le risque d'aggravation de leur situation par l'acquittement de frais de recouvrement excessifs ; que, d'autre part, la circonstance que les sociétés de recouvrement ne puissent facturer aux débiteurs les frais qu'elles doivent engager pour se conformer à leurs obligations règlementaires ne porte aucunement atteinte à leurs droits patrimoniaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée par la SOCIETE EUROACTING, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE EUROACTING et au préfet de police.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés et au tribunal administratif de Paris.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357043
Date de la décision : 10/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2012, n° 357043
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Philippe Martin
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357043.20120510
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