Vu le pourvoi, enregistré le 15 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA02754 du 16 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0404766 du 20 avril 2007 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 7 juin 2004 du préfet de l'Hérault prononçant la fermeture de l'établissement de restauration " L'Escale " à Frontignan ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la consommation :
Vu le code rural ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Ranquet, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de la SARL " L'Escale " et de M. C... A...et de Mme B...A...,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de la société " L'Escale " et de M. C... A...et de Mme B...A... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un procès-verbal, dressé par des agents des services vétérinaires, faisant état de diverses infractions aux règles d'hygiène des produits alimentaires et de congélation des denrées animales ou d'origine animale, le préfet de l'Hérault a prononcé la fermeture du restaurant " L'Escale " dans la commune de Frontignan par un arrêté du 7 juin 2004 fondé sur les dispositions des articles L. 233-1 du code rural et L. 218-3 du code de la consommation ; que par l'arrêt du 16 mars 2009 contre lequel le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté le recours du ministre qui tendait à l'annulation du jugement du 20 avril 2007 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé cet arrêté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 233-1 du code rural, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté litigieux : " Lorsque, du fait d'un manquement à la réglementation prise pour l'application de l'article L. 231-1, un établissement présente ou est susceptible de présenter une menace pour la santé publique, les vétérinaires inspecteurs habilités en vertu de l'article L. 231-2 ordonnent la réalisation de travaux, d'opérations de nettoyage, d'actions de formation du personnel et d'autres mesures correctives, ainsi que le renforcement des autocontrôles. En cas de nécessité, le préfet peut prononcer, sur proposition de ces agents, la fermeture de tout ou partie de l'établissement ou l'arrêt d'une ou de plusieurs de ses activités. " ; qu'aux termes de l'article L. 218-3 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur à la même date : " Lorsque du fait d'un manquement à la réglementation prise pour l'application de l'article L. 214-1 du présent code ou d'un règlement de la Communauté européenne contenant des dispositions entrant dans le champ d'application des chapitres II à VI, un établissement présente ou est susceptible de présenter une menace pour la santé publique, les agents mentionnés à l'article L. 215-1 peuvent ordonner la réalisation de travaux, d'opérations de nettoyage, d'action de formation du personnel et d'autres mesures correctives, ainsi que le renforcement des auto-contrôles. En cas de nécessité, l'autorité administrative peut prononcer, sur proposition de ces agents, la fermeture de tout ou partie de l'établissement ou l'arrêt de plusieurs de ses activités. " ;
Considérant que ces dispositions, applicables aux débits de boissons et restaurants alors même que celles de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique permettent également d'en prononcer la fermeture pour les motifs et selon les conditions qu'elles prévoient, permettent au préfet de prononcer la fermeture d'un établissement présentant ou susceptible de présenter une menace pour la santé publique afin qu'il soit mis en conformité avec les règlementations que ces dispositions mentionnent ; qu'en principe, une telle décision intervient pour que soient réalisées les mesures correctives ordonnées par l'administration et prévoit la réouverture de l'établissement lorsque les services compétents auront constaté sa mise en conformité ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par l'arrêté préfectoral du 7 juin 2004, le préfet de l'Hérault a fait pour la première fois usage, à l'encontre du restaurant " L'Escale ", du pouvoir de fermeture qu'il tire des dispositions des articles L. 233-1 du code rural et L. 218-3 du code de la consommation, sans que sa décision ait été précédée ni accompagnée d'une injonction de prendre des mesures destinées à corriger les manquements constatés dans l'établissement, de sorte que les conditions de la levée de la fermeture, prononcée sans terme fixe, n'étaient pas définies ; qu'en jugeant que cette décision présentait un caractère disproportionné au regard du danger pour la santé publique, la cour administrative d'appel n'a ni commis une erreur de droit, ni méconnu l'office de juge de l'excès de pouvoir ;
Considérant que si la cour a relevé, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que la mesure de fermeture avait été décidée sans avoir été proposée par les agents des services vétérinaires, elle ne s'est pas fondée sur un tel moyen de légalité externe pour juger que l'arrêté attaqué était entaché d'illégalité mais sur le moyen de légalité interne mentionné ci-dessus ; que, dès lors, en relevant cet élément de fait, elle ne s'est pas fondée sur un moyen d'ordre public qu'elle aurait dû communiquer aux parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
Considérant que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, au titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat par la SARL " L'Escale ", par M. C... A...et par Mme B...A..., une somme de 1 000 euros chacun ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SARL L'Escale, à M. C... A...et à Mme B... A...la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, à la SARL L'Escale, à M. C... A...et à Mme B...A....