Vu la requête, enregistrée le 18 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ali A, domicilié ... ; M. A demande au juge des référés du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1206254/9 du 16 avril 2012 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'abrogation de l'arrêté du 30 mars 2012 par lequel le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a prononcé son expulsion du territoire français et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'administration d'abroger cet arrêté et de mettre fin à ses effets, sous astreinte de 800 euros par jour de retard ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un visa de retour provisoire, de lui restituer son titre de séjour ainsi que d'organiser sans délai son retour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que sa requête est recevable ; que son expulsion du territoire français caractérise une situation d'urgence ; que la décision contestée l'a placé dans une situation précaire dans son pays d'origine ; que sa famille se trouve, en raison des effets produits par cette décision, dans une situation financière difficile ; que l'écoulement d'un délai de dix jours depuis l'exécution de la mesure ne peut faire obstacle à la satisfaction de la condition d'urgence sauf à méconnaître le droit au recours effectif ; que la décision attaquée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit à la vie privée et à mener une vie familiale normale ; qu'en se fondant sur des allégations imprécises qui ne caractérisent en rien une menace à l'ordre public, la décision attaquée est manifestement illégale ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; il soutient que les conclusions de la requête sont irrecevables dès lors qu'elles tendent à obtenir l'abrogation de l'arrêté litigieux ; que la condition d'urgence n'est pas remplie dès lors que M. A a attendu dix jours avant d'introduire sa requête contre cet arrêté, la circonstance qu'il réside en Algérie n'étant pas de nature à le priver de la possibilité de former un tel recours plus rapidement ; qu'en s'appuyant sur un faisceau d'indices établissant une nécessité impérieuse à préserver l'ordre public, la décision attaquée porte une atteinte grave au droit de l'intéressé de mener une vie privée et familiale normale qui ne peut toutefois être qualifiée de manifestement illégale ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. A et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 20 avril 2012 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- le représentant de M. A ;
- le représentant du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) " ; que ces dispositions législatives subordonnent la possibilité pour le juge des référés de faire usage des pouvoirs qu'elles lui confèrent à la double condition, d'une part, qu'une autorité administrative ait porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, d'autre part, qu'un urgence particulière rende nécessaire l'intervention du juge des référés dans de très brefs délais ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Ali A, ressortissant algérien, résidait en France, où il est arrivé en 1992, sous couvert d'un certificat de résidence algérien de dix ans, valable du 25 mars 2009 au 24 mars 2019 ; qu'il vivait avec une ressortissante française, dont il a eu deux enfants, nés en 1998 et 2001 ; que, par arrêté du 30 mars 2012, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a prononcé son expulsion selon la procédure d'urgence absolue prévue par l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que cette mesure constituait une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat et la sécurité publique et entrait ainsi dans le champ des prévisions de l'article L. 521-2 de ce code ; que cet arrêté, notifié le 2 avril 2012, a été exécuté le jour même ;
Considérant qu'il a été précisé au cours de l'audience publique que les conclusions d'appel ne tendent qu'au prononcé de mesures de caractère provisoire et n'ont plus, comme en première instance, pour objet le prononcé d'une annulation ou de mesures ayant des effets équivalents à une annulation, qui excèdent la compétence du juge des référés ;
Considérant qu'eu égard aux renseignements circonstanciés recueillis par l'administration sur les contacts entretenus de manière régulière dans la période récente par M. A avec plusieurs personnes relevant d'une mouvance islamiste radicale, dont plusieurs avaient séjourné dans des camps d'entraînement au Pakistan et en Afghanistan et dont certaines avaient participé à des actions terroristes ou tenté de le faire, il ne résulte pas de l'instruction qu'eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, le ministre de l'intérieur aurait commis une illégalité grave et manifeste en décidant de prononcer son expulsion sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour en France et du droit d'asile, au motif qu'une telle mesure constituait une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat et la sécurité publique ;
Considérant qu'il n'appartient pas au juge des référés, eu égard à son office, de se prononcer sur un moyen tiré de l'incompatibilité de dispositions législatives avec les stipulations d'une convention internationale ; que, par suite, le moyen, invoqué à l'audience, tiré de ce que la procédure d'expulsion en urgence absolue prévue par l'article L. 522-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaîtrait les exigences de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'est pas de nature à permettre au juge des référés de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ; que son appel, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut en conséquence qu'être rejeté ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Ali A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.