Vu l'ordonnance n° 1101785 du 7 octobre 2011, enregistrée le 18 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Caen a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par la SAS VALDIS ;
Vu la requête, enregistrée le 24 août 2011 au greffe du tribunal administratif de Caen, présentée par la SAS VALDIS, dont le siège est au chemin de la Chuque à Saint Hilaire Petit Ville (50500) ; la SAS VALDIS demande au juge administratif :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 858 T du 11 juillet 2011 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SA Cobeval l'autorisation préalable requise en vue de la création d'un hypermarché d'une surface de vente de 2 973 m² à l'enseigne "Intermarché", à Valognes (Manche) ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SA Cobeval la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
Vu le décret n° 2008-1212 du 24 novembre 2008 ;
Vu le décret n° 2011-921 du 1er août 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Picard, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article R. 752-51 du code de commerce :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le commissaire du gouvernement près la Commission nationale d'aménagement commercial a sollicité l'avis du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en charge du commerce sur la demande d'autorisation présentée par la SA Cobeval ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'autorisation attaquée aurait été délivrée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 752-51 du code de commerce manque en fait ;
Sur la composition du dossier de demande d'autorisation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation était accompagnée d'une autorisation du 12 juillet 2010 délivrée par le maire de la commune de Valognes, propriétaire des parcelles appelées à accueillir le centre commercial à la date à laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée sur la demande d'autorisation, permettant à la SA Cobeval de déposer un dossier de demande d'un équipement commercial devant la commission départementale d'aménagement commercial ; que, dès lors, c'est à bon droit que la commission nationale, à laquelle d'ailleurs il n'appartenait pas de se prononcer sur la régularité de la cession du terrain d'assiette du projet, a estimé que le pétitionnaire justifiait bien d'un titre, au sens de l'article R. 752-6 du code de commerce, lui permettant de présenter un dossier de demande d'aménagement commercial ;
Considérant qu'en vertu de l'article R. 752-1 du code de commerce, applicable au projet, les surfaces de ventes correspondant à des stations de distribution de carburant et les stations de lavage de voitures ne sont pas prises en compte pour la détermination de la surface autorisée ; que le dossier présenté par le pétitionnaire n'avait donc pas à préciser l'emprise au sol des installations de cette nature dont est équipée la surface de vente soumise à autorisation ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme :
Considérant que les autorisations d'aménagement commercial et les autorisations délivrées en application du code de l'urbanisme relèvent de législations distinctes et sont régies par des procédures indépendantes ; que, dès lors, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce que les terrains d'assiette du projet de la SA Cobeval seraient inconstructibles en application des dispositions de l'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme ;
Sur l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement commercial :
Considérant, d'une part, qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi " ; qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés " ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 752-6 du même code, issu de la même loi du 4 août 2008 : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne ; / b) L'effet du projet sur les flux de transport ; / c) Les effets découlant des procédures prévues aux articles L. 303-1 du code de la construction et de l'habitation et L. 123-11 du code de l'urbanisme ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet ; / b) Son insertion dans les réseaux de transports collectifs. " ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ; que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 août 2008, la densité d'équipement commercial de la zone de chalandise concernée ne figure plus au nombre de ces critères ;
Considérant, d'une part, que si l'équipement envisagé aura pour effet de transférer l'activité commerciale exercée actuellement par le pétitionnaire sur la commune de Valognes vers un nouveau site, un tel transfert ne saurait être regardé comme contraire à l'objectif d'aménagement du territoire, dès lors qu'il contribuera à l'animation d'un autre secteur urbanisé de la commune, et que, par ailleurs, le risque d'apparition d'une friche commerciale sur l'ancien site n'est pas avéré du fait d'un projet de création d'un pôle médical, envisagé sur les parcelles auparavant occupées par l'exploitant ; que s'agissant de l'accessibilité du site, la surface de vente autorisée, qui est accessible par les piétons et qui se trouve à proximité d'une piste cyclable, fera l'objet de travaux d'aménagement destinés à améliorer son accès et sera desservie par un service de minibus ;
Considérant, d'autre part, que si la SAS VALDIS soutient que l'autorisation est contraire à l'objectif de développement durable car elle provoquera un trafic automobile important, il résulte des pièces du dossier que le projet générera une faible augmentation du transport routier de l'ordre de 1% sur la RN 13 et de 3,4% sur la D 902 ; que, par ailleurs, le pétitionnaire n'avait pas à prévoir de mesures destinées à remédier à l'imperméabilisation des sols dès lors qu'aucun risque en la matière n'est établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées du code de commerce en confirmant l'autorisation que la commission départementale avait accordée à la SA Cobeval ; que, par suite, la SAS VALDIS n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SA Cobeval, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la SAS VALDIS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête présentée par la SAS VALDIS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS VALDIS, à la SA Cobeval et à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Copie pour information en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.