Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT, enregistré le 20 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 06BX01802 du 25 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur l'appel formé par M. Norbert A tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0301395 du tribunal administratif de Pau en date du 22 juin 2006, qui n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2000 et, d'autre part, à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée encore en litige, annulé l'article 2 de ce jugement et accordé à M. A la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de remettre à la charge de M. A les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et les pénalités correspondantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mars 1977 ;
Vu la directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Norbert A, ressortissant allemand, a organisé au cours des années 1995 à 2000 par l'intermédiaire d'une agence de voyages qu'il exploite à Cologne (RFA) des stages de "surf" sur la côte landaise ; qu'il participait lui-même à l'encadrement de ces stages, avec l'appui de moniteurs allemands ; que l'administration fiscale, estimant que son activité ne pouvait être regardée comme celle d'une agence de voyages établie en Allemagne et taxable seulement dans cet Etat en vertu de l'article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, dès lors qu'elle était réalisée sur le territoire français, a mis à la charge de l'intéressé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 1995 à 2000 sur le fondement de l'article 259 A du code général des impôts, assorti de la pénalité de 80 % prévue par le 3° de l'article 1728 du même code en cas d'exercice d'une activité occulte ; qu'après rejet de ses réclamations dirigées contre ces impositions et pénalités, M. A a saisi le juge de l'impôt du litige l'opposant à l'administration fiscale ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur l'appel formé par M. A tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 22 juin 2006 et à la décharge des impositions restant en litige, annulé l'article 2 de ce jugement et accordé au contribuable la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2000 ainsi que des pénalités correspondantes ;
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mars 1977, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition concernée, instituant un régime de taxation sur la marge pour les agences de voyages : "Régime particulier des agences de voyages - 1. Les Etats membres appliquent la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent article, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent article n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaire (...). Au sens du présent article, sont également considérés comme agences de voyages les organisateurs de circuits touristiques. /2. Les opérations effectuées par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de service unique de l'agence de voyages au voyageur. Celle-ci est imposée dans l'Etat membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services (...)." ; que, selon l'article 259 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition concernée : "Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle." ; qu'aux termes du 1 de l'article 266 du code général des impôts, la base de la taxe sur la valeur ajoutée est constituée : "(...) a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations ; (...)" ; qu'il résulte de la combinaison des textes précités que le régime d'imposition prévu à l'article 26 de la sixième directive du 17 mars 1977, repris au e) de l'article 266 du code général des impôts, ne s'applique qu'aux seules prestations acquises par une agence de voyages auprès de tiers, et non à celles qu'elle a elle-même matériellement exécutées, lesquelles relèvent des dispositions du a) de ce même article ;
Considérant que la cour a relevé dans les motifs de son arrêt que l'agence de voyages établie en Allemagne proposait un forfait comprenant l'assistance aux préparatifs du voyage, mais non les prestations de transport elles-mêmes, le logement sur place dans des emplacements de camping loués par l'agence, les cours de "surf" dispensés par M. A et des moniteurs diplômés de la fédération allemande de "surf", ainsi que la fourniture de tentes et de matériel sportif et de loisir ; qu'en se fondant sur cette seule présentation sous forme de forfait et en jugeant que les produits touristiques commercialisés par l'agence dirigée par M. A devaient être regardés comme une prestation unique relevant du régime défini à l'article 26 précité de la sixième directive du 17 mars 1977, sans rechercher si les prestations étaient rendues par l'agence elle-même ou achetées auprès de tiers, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT, dont le moyen n'est pas nouveau en cassation, est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 25 novembre 2008 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à M. Norbert A.