La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/02/2012 | FRANCE | N°308658

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 08 février 2012, 308658


Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 26 mai 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le numéro 308658, présentée pour la SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING, dont le siège est zone agro-industrielle B.P. 20 à Ennezat (63720), et tendant à l'annulation de l'arrêt du 21 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 7 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception

n° 193 F du 9 novembre 1998 émis à son encontre par l'Office n...

Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 26 mai 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête enregistrée sous le numéro 308658, présentée pour la SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING, dont le siège est zone agro-industrielle B.P. 20 à Ennezat (63720), et tendant à l'annulation de l'arrêt du 21 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement du 7 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception n° 193 F du 9 novembre 1998 émis à son encontre par l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) pour un montant de 461 630,39 euros, a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions de savoir :

1°) si l'absence de tenue, en méconnaissance des obligations pesant sur l'entreposeur en vertu de la réglementation communautaire douanière, d'une comptabilité matières des produits ou marchandises placés sous le régime de l'entrepôt douanier suffit à priver l'exportateur ayant placé ses produits ou ses marchandises dans cet entrepôt du bénéfice du préfinancement prévu par les dispositions combinées des règlements (CEE) n° 3665/87 de la Commission du 27 novembre 1987 relatif au régime des restitutions à l'exportations et (CEE) n° 565/80 du Conseil du 4 mars 1980 relatif au paiement à l'avance des restitutions à l'exportations pour les produits agricoles ;

2°) dans le cas d'une réponse positive à la première question, quelles conséquences il y a lieu d'en tirer sur les sommes perçues par le bénéficiaire ; en particulier :

a) dans l'hypothèse où il est établi que les marchandises ont réellement été exportées, si le montant des restitutions afférentes à ces exportations peut être regardé comme acquis, totalement ou partiellement, à l'exportateur ; dans ce dernier cas, s'il convient de retenir le taux des restitutions tel qu'il avait été préfixé en application de la réglementation relative au paiement à l'avance des restitutions à l'exportation ou le taux applicable à la date de l'exportation effective, dans la limite ou non du taux préfixé ;

b) dans l'hypothèse d'une obligation de reversement de tout ou partie des sommes perçues, s'il y a lieu de majorer, en application de l'article 33 du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission, le montant indu à reverser de la pénalité prévue par ces dispositions, bien que la responsabilité de la tenue de la comptabilité matières incombe à l'entreposeur, dans le cas où, comme en l'espèce, l'entrepôt douanier est un entrepôt privé de type C tenu par l'exportateur des marchandises agricoles lui-même ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CEE) n° 565/80 du Conseil du 4 mars 1980 ;

Vu le règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission du 27 novembre 1987 ;

Vu le règlement (CEE) n° 3719/88 de la Commission du 16 novembre 1988 ;

Vu le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 ;

Vu le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission du 2 juillet 1993 ;

Vu le code des douanes ;

Vu l'arrêt du 27 octobre 2011 rendu par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-402/10 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Anne Egerszegi, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'office national interprofessionnel des grandes cultures et de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de la SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'office national interprofessionnel des grandes cultures et de l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Maïs Céréales Technologies (MCT) a souscrit le 30 septembre 1994 une déclaration faisant état du placement dans ses silos, sous le régime de l'entrepôt douanier, d'un stock de maïs dans l'attente de son exportation effective sous forme de semoule ; que cette déclaration a donné lieu au versement par l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) d'une avance sur restitutions d'un montant de 2 523 414,07 francs ; qu'un contrôle sur pièces réalisé en 1996 par les services des douanes a révélé l'absence, durant la période d'entreposage, d'une comptabilité matières de ces marchandises placées sous le régime de l'entrepôt douanier ; que l'ONIC a, pour ce motif, demandé à la société MCT le reversement d'une somme de 3 028 096,88 francs correspondant au montant des restitutions perçues au titre de cette déclaration, majoré d'une pénalité égale à 20 % de ce montant ; que, par un jugement du 7 octobre 2004, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la société tendant à l'annulation de ce titre ; que la SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING, venue aux droits de la société MCT, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle a interjeté de ce jugement ;

Considérant, d'une part, que le règlement (CEE) n° 565/80 du Conseil du 4 mars 1980 relatif au paiement à l'avance des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles, institue pour certains produits agricoles un régime de préfinancement des restitutions pour les exportations à destination des pays tiers ; qu'en vertu de l'article 4 de ce règlement, l'exportateur peut bénéficier du versement par avance d'un montant égal à la restitution à l'exportation, dès que les produits de base sont placés sous contrôle douanier avec garantie que les produits transformés ou marchandises seront exportés dans un délai déterminé ; qu'en vertu des dispositions des articles 26 et 27 du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission du 27 novembre 1987 relatif au régime des restitutions à l'exportation, les produits de base doivent être placés sous contrôle douanier à compter de la date de l'acceptation de la demande de paiement et jusqu'à leur exportation, laquelle doit avoir lieu, en principe, dans un délai de six mois ; que l'article 33 du même règlement dispose : 1. (...) / Lorsque le montant dû pour la quantité exportée est inférieur à celui qui a été payé à l'avance (...), l'autorité compétente engage sans tarder la procédure de l'article 29 du règlement (CEE) n° 2220/85 en vue du paiement par l'opérateur de la différence entre ces deux montants augmentée de 20 %. ;

Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article 105 du règlement (CEE) n° 2913/92 du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire et de l'article 517 du règlement (CEE) n° 2454/93 du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d'application de ce règlement en vigueur au cours de la période d'entreposage des marchandises en litige imposent la tenue, dans la forme agréée par les autorités douanières, d'une comptabilité matières de toutes les marchandises placées sous le régime de l'entrepôt douanier et prévoient que cette obligation incombe à l'entreposeur ; que la comptabilité matières doit faire apparaître tous les éléments nécessaires à l'application correcte du régime de l'entrepôt douanier et au contrôle de celle-ci, et notamment l'ensemble des indications énumérées au paragraphe 1 de l'article 520 du règlement (CEE) n° 2454/93 ; que les dispositions du paragraphe 3 de cet article précisent en outre : La comptabilité matières doit, à chaque moment, montrer l'état actuel du stock des marchandises qui restent encore placées sous le contrôle de l'entrepôt douanier. (...) ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 43 du règlement (CEE) n° 3719/88 de la Commission du 16 novembre 1988 portant modalités communes d'application du régime des certificats d'importation, d'exportation et de préfixation pour les produits agricoles : 1. Lorsque des produits de base ont été placés sous le régime prévu à l'article 4 du règlement (CEE) n° 565/80 (...) et qu'un certificat d'exportation ou de préfixation a été utilisé, et au cas où l'intéressé, en tout ou partie : / - retire du contrôle douanier ces produits de base, soit en l'état ou sous forme de produits transformés, (...) l'obligation d'exporter n'a pas été respectée ;

Considérant que, dans l'arrêt du 27 octobre 2011 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, en premier lieu, que la tenue, conformément à la réglementation douanière de l'Union, d'une comptabilité matières des produits placés sous contrôle douanier constitue une condition au paiement à l'avance d'une restitution à l'exportation relative à ces produits, des doutes résiduels quant à l'exactitude de certaines inscriptions ou tenant à des discordances dans la comptabilité matières pouvant toutefois être éclaircis à l'aide d'autres documents complémentaires jugés satisfaisants par les autorités nationales compétentes ; en deuxième lieu, que l'hypothèse où il n'a pas été satisfait à l'obligation de tenir une comptabilité matières des produits placés sous le régime de l'entrepôt douanier doit être assimilée à un retrait de ces produits du contrôle douanier, qui implique la perte, pour la même quantité de produits, de tout droit à une restitution à l'exportation, dès lors notamment que l'absence d'exécution régulière de la mise sous le régime douanier de l'entrepôt empêche que soit apportée de manière satisfaisante la preuve que les marchandises visées dans la déclaration de paiement de l'avance ont été réellement exportées ; en troisième lieu, que lorsque l'exportateur doit rembourser, en raison d'un manquement à l'obligation de tenue d'une comptabilité matières pour les produits placés dans un entrepôt douanier, tout ou partie des sommes perçues à titre d'avance d'une restitution à l'exportation, il y a lieu d'appliquer au montant indu à reverser la majoration de 20 % prévue à l'article 33, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 3665/87 ;

Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne de la réglementation applicable que l'absence de tenue d'une comptabilité matières par l'entreposeur, qui doit être assimilée à un retrait des produits de base du contrôle douanier au sens de l'article 43 du règlement (CEE) n° 3719/88, entraîne l'obligation pour l'exportateur de reverser le montant équivalent à la restitution à l'exportation majoré de 20 %, sans qu'y puisse faire obstacle la circonstance que des marchandises similaires en quantité et en nature à celles visées dans la déclaration de paiement ont été réellement exportées ; qu'il suit de là qu'en jugeant que l'ONIC pouvait légalement s'écarter des propositions des services douaniers et exiger, au seul motif que les constats effectués par les services des douanes faisaient ressortir l'absence de comptabilité matières tenue dans les formes exigées et donnant les indications nécessaires pour permettre le suivi physique au jour le jour des marchandises en cause, la restitution de l'ensemble des avances accordées majorées de 20 %, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge la somme de 4 000 euros à verser à l'établissement public FranceAgrimer, venant aux droits de l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC), lui-même venu aux droits de l'ONIC, au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING est rejeté.

Article 2 : La SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING versera à l'établissement public FranceAgrimer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GROUPE LIMAGRAIN HOLDING et à l'établissement public FranceAgrimer.

Une copie en sera adressée pour information au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 308658
Date de la décision : 08/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 08 fév. 2012, n° 308658
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: Mme Anne Egerszegi
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:308658.20120208
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award