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12/01/2012 | FRANCE | N°354850

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 12 janvier 2012, 354850


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 décembre 2011, présentée par la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER, dont le siège est situé 6 avenue de l'Europe BP 51 à Chatou Cedex (78401), représentée par son président ; la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie en date du 14 octobre 2011 fixant à 85 %

le taux de participation de l'assuré applicable à la spécialité pharmaceutiqu...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 décembre 2011, présentée par la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER, dont le siège est situé 6 avenue de l'Europe BP 51 à Chatou Cedex (78401), représentée par son président ; la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie en date du 14 octobre 2011 fixant à 85 % le taux de participation de l'assuré applicable à la spécialité pharmaceutique Météospasmyl, à compter du 1er novembre 2011 ;

2°) de mettre à la charge de l'Union nationale des caisses d'assurances maladie le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que la condition d'urgence est remplie, au regard de la soudaineté de la décision, des conséquences excessives qu'elle aura sur son équilibre financier et de l'atteinte qu'elle portera à l'intérêt de la santé publique ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle est insuffisamment motivée, en méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales, des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de celles de l'article R. 163-14 du code de la sécurité sociale ; que le principe du contradictoire garanti par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration a été méconnu ; que la décision contestée est entachée d'erreurs de droit, en ce qu'elle méconnaît les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, qu'elle méconnaît l'autorité de la chose jugée et le respect des droits acquis et qu'elle est fondée sur un avis de la commission de la transparence contraire à l'article R. 163-13 du code de la sécurité sociale ; qu'elle présente un caractère abusif et a été prise en incohérence avec l'avis de la commission de la transparence en date du 5 mai 2010 ; que les arguments qu'elle a apportés n'ont pas été pris en considération et que la commission de la transparence a fait un amalgame avec les autres antispasmodiques ; que les éléments retenus à l'encontre de la spécialité n'entrent pas dans la catégorie juridique retenue par l'administration et caractérisent une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la décision dont la suspension de l'exécution est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation de la décision contestée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 janvier 2012, présenté pour l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, représentée par son directeur général, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; qu'en effet, la société requérante a attendu la limite du délai de recours pour introduire sa demande ; que la réduction du taux de prise en charge par l'assurance maladie des spécialités dont le service médical rendu est faible répond à un motif d'intérêt général ; que la société requérante n'établit pas que l'exécution de la décision contestée aurait des effets graves et immédiats sur son équilibre économique et financier ; que la décision litigieuse n'a été ni soudaine ni imprévisible, le caractère modéré du service médical rendu n'ayant été reconnu au Météospasmyl qu'à titre provisoire par l'avis de la Haute Autorité de santé du 5 mai 2010, et celle-ci ayant informé la société requérante de son intention de réévaluer le service médical rendu de la spécialité dès le 22 juin 2010 ; que l'atteinte aux intérêts de la santé publique caractérisée par un risque de report des prescriptions du Météospasmyl sur les antidépresseurs n'est nullement établi ; que la société requérante ne justifie d'aucun moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article R. 163-14 du code de la sécurité sociale est inopérant et que la décision est en tout état de cause suffisamment motivée ; que la décision n'entre pas dans le champ de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et que le caractère contradictoire de la procédure a été respecté ; que la décision ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique ; qu'elle ne méconnaît aucune décision juridictionnelle ni ne revient sur aucune décision créatrice de droit et que l'article R. 163-6 du code de la sécurité sociale ne peut être utilement invoqué ; que la décision n'a pas été prise à la suite de l'avis du 5 mai 2010 et que la spécialité a bien fait l'objet d'un examen particulier ; que les moyens tirés du caractère abusif de cette décision et de son incohérence avec la décision du 5 mai 2010 ainsi que de l'amalgame que la commission de la transparence aurait opéré avec les autres spécialités de la classe des antispasmodiques doivent être écartés ; que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation est inopérant, dès lors que le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie avait compétence liée pour prendre la décision attaquée, et en tout état de cause non fondé ;

Vu, enregistré le 2 janvier 2012, le mémoire du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui déclare s'en remettre aux observations présentées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

Vu, enregistrées le 3 janvier 2012, les observations présentées par la Haute Autorité de santé ;

Vu, enregistrés les 4 et 5 janvier 2011, les deux mémoires en réplique présentés par la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER et, d'autre part, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé et la Haute autorité de santé ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 5 janvier 2012 à 14 heures, au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Garreau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER ;

- les représentants de la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER ;

- Me Baraduc, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

- les représentants de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

- les représentants de la Haute Autorité de santé ;

et à l'issue de laquelle l'instruction a été close ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 322-1 du code de la sécurité sociale : La participation de l'assuré prévue au I de l'article L. 322-2 est fixée par le conseil de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie dans les limites suivantes : (...) 6° De 70 à 75 % pour les médicaments principalement destinés au traitement des troubles ou affections sans caractère habituel de gravité et pour les médicaments dont le service médical rendu, tel que défini au I de l'article R. 163-3, a été classé comme modéré en application du 6° de l'article R. 163-18 ; (...) 14° De 80 à 90 % pour les médicaments dont le service médical rendu, tel que défini au I de l'article R. 163-3, a été classé comme faible, dans toutes les indications thérapeutiques, en application du 6° de l'article R. 163-18 ; que l'article L. 322-2 du même code régit notamment la participation de l'assuré aux tarifs servant de base au calcul de la couverture des frais d'acquisition de spécialités pharmaceutiques mentionnées à l'article L. 162-17 de ce code ; qu'aux termes du I de l'article R. 163-3 du même code : Les médicaments sont inscrits sur la liste prévue au premier alinéa de l'article L. 162-17 au vu de l'appréciation du service médical rendu qu'ils apportent indication par indication. Cette appréciation prend en compte l'efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, la gravité de l'affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et son intérêt pour la santé publique. Les médicaments dont le service médical rendu est insuffisant au regard des autres médicaments ou thérapies disponibles ne sont pas inscrits sur la liste ; qu'en vertu de l'article R. 163-4 du même code, la modification des conditions d'inscription des médicaments sur la liste des médicaments remboursables prévue par l'article L. 162-17 de ce code est prononcée après avis de la commission de la transparence ; qu'en vertu des articles R. 163-10-1 et R. 163-13 du même code, la décision relative au taux de participation de l'assuré aux frais d'acquisition d'une spécialité pharmaceutique, le cas échéant à la suite d'un changement dans l'appréciation du niveau de service médical rendu par le produit, est prise par le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

Considérant que, par décision du 14 octobre 2011, le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie a modifié le taux de participation de l'assuré aux frais d'acquisition de la spécialité Météospasmyl commercialisée par la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER pour le faire passer de 70 à 85 % à compter du 1er novembre 2011, au vu de l'avis du 6 juillet 2011 par lequel la commission de la transparence a estimé que le service médical rendu par cette spécialité était faible ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et des précisions apportées lors de l'audience, que la spécialité Météospasmyl représente environ 43 % du chiffre d'affaires de la société en France et 29 % de son chiffre d'affaires total ; qu'à l'occasion de précédentes décisions de réduction à 15 % du taux de prise en charge par l'assurance maladie, une baisse notable du volume des ventes, bien que variable selon les spécialités, a pu être constatée ; que la société requérante, qui a enregistré un résultat d'exploitation négatif et une perte en 2010, est fondée à soutenir, eu égard à la fragilité de sa situation économique, que la mesure litigieuse, par l'incidence qu'elle aura sur son activité, porte atteinte de façon suffisamment grave et immédiate à ses intérêts pour caractériser une situation d'urgence ; que si l'Union nationale des caisses d'assurance maladie soutient qu'il y a au contraire urgence à permettre l'exécution de la décision litigieuse au regard de la nécessité de recentrer les dépenses de l'assurance maladie sur les dépenses médicalement les plus utiles, les éléments invoqués n'apparaissent pas, dans les circonstances de l'espèce, comme suffisants pour faire obstacle à ce que la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative soit regardée comme remplie ; qu'il ne peut être déduit une absence de diligence, révélant un défaut d'urgence de la demande, de la seule circonstance que la société a introduit sa requête en annulation et sa demande de suspension de la mesure litigieuse dans les derniers jours du délai de recours contentieux de deux mois ;

Considérant, en second lieu, que le moyen tiré de ce que la décision litigieuse a été prise pour tirer les conséquences d'un avis de la commission de la transparence qui ne reposerait pas sur un examen particulier du service médical rendu de la spécialité, et notamment de son efficacité, est propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER est fondée à demander la suspension de l'exécution de la décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie du 14 octobre 2011 modifiant le taux de participation de l'assuré aux frais d'acquisition de la spécialité Météospasmyl ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie le versement à la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font, en revanche, obstacle à ce que soit mise à la charge de la société requérante la somme que l'Union nationale des caisses d'assurance maladie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision du directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie du 14 octobre 2011 modifiant le taux de participation de l'assuré aux frais d'acquisition de la spécialité Météospasmyl est suspendue.

Article 2 : L'Union nationale des caisses d'assurance maladie versera à la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIÉTÉ MAYOLY SPINDLER, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à la Haute Autorité de santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 12 jan. 2012, n° 354850
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pascale Fombeur
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL ; SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Formation : Juge des référés
Date de la décision : 12/01/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 354850
Numéro NOR : CETATEXT000025180080 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2012-01-12;354850 ?
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