Vu, avec les pièces qui y sont visées, la décision du 19 décembre 2008 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur les pourvois enregistrés sous le n° 274923 et le n° 274967, présentés respectivement pour le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS (CELF) et le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et tendant à l'annulation de l'arrêt du 5 octobre 2004 n°s 01PA02717, 01PA02761, 01PA02777, 03PA04060 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leurs requêtes dirigées contre le jugement en date du 26 avril 2001 du tribunal administratif de Paris, a, d'une part, annulé les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, d'autre part enjoint au MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de sa décision, à la mise en recouvrement des intérêts afférents à l'aide d'Etat versée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS jusqu'à la date de sa décision, calculés conformément au règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 et également enjoint au ministre de procéder ultérieurement à la mise en recouvrement des intérêts qui seront dus entre la date sa décision et la date où, soit il aura définitivement été constaté la compatibilité de l'aide avec le marché commun, soit il aura été procédé, à titre définitif, à la restitution de l'aide et enfin, sursis à statuer sur les conclusions présentées par la société internationale de diffusion et d'édition (SIDE) à l'encontre du refus de l'Etat de procéder à la récupération de l'aide versée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS, ainsi que sur les conclusions tendant d'une part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat de procéder au recouvrement des sommes en cause dans un délai de trois mois sous astreinte, d'autre part, à ce que la société internationale de diffusion et d'édition soit informée de cette décision et enfin au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions préjudicielles suivantes :
1°) Le juge national peut-il surseoir à statuer sur la question de l'obligation de restitution d'une aide d'Etat jusqu'à ce que la Commission des Communautés européennes se soit prononcée par une décision définitive sur la compatibilité de l'aide avec les règles du marché commun, lorsqu'une première décision de la Commission déclarant cette aide compatible a été annulée par le juge communautaire '
2°) Lorsque la Commission a déclaré à trois reprises l'aide compatible avec le marché commun, avant que ces décisions soient annulées par le tribunal de première instance des Communautés européennes, une telle situation est-elle susceptible de constituer une circonstance exceptionnelle pouvant conduire le juge national à limiter l'obligation de récupération de l'aide '
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 novembre 2011, présentée pour la société internationale de diffusion et d'édition ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aurélien Rousseau, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS, de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société internationale de diffusion et d'édition,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et à la SCP Defrenois, Levis, avocat de la société internationale de diffusion et d'édition ;
Considérant que, par un arrêt du 11 mars 2010, la Cour de justice de l'Union européenne, statuant sur les questions préjudicielles qui lui avaient été soumises par la décision susvisée du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, du 19 décembre 2008, a dit pour droit que : 1°) Une juridiction nationale, saisie, sur le fondement de l'article 88, paragraphe 3, CE, d'une demande visant à la restitution d'une aide d'Etat illégale, ne peut pas surseoir à l'adoption de sa décision sur cette demande jusqu'à ce que la Commission des Communautés européennes se soit prononcée sur la compatibilité de l'aide avec le marché commun après l'annulation d'une précédente décision positive. 2°) L'adoption par la Commission des Communautés européennes de trois décisions successives déclarant une aide compatible avec le marché commun, qui ont ensuite été annulées par le juge communautaire, n'est pas, en soi, susceptible de constituer une circonstance exceptionnelle de nature à justifier une limitation de l'obligation du bénéficiaire de restituer cette aide, lorsque celle-ci a été mise à exécution en méconnaissance de l'article 88, paragraphe 3, CE. ;
Considérant que par un arrêt du 15 avril 2008 devenu définitif, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a annulé l'article 1er de la décision de la Commission des Communautés européennes en date du 20 avril 2004 en tant qu'il déclare l'aide compatible avec le marché commun au titre de l'article 87, paragraphe 3 point d) du traité ; que la société internationale de diffusion et d'édition soutient que l'annulation de la décision déclarant la compatibilité de l'aide implique l'obligation pour le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANCAIS de restituer l'aide versée depuis 1982 ; que si le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION et le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS soutiennent que dans l'attente d'une décision de la Commission des Communautés européennes sur la compatibilité des aides en cause avec le marché commun, le Conseil d'Etat devrait surseoir à statuer sur la restitution de ces aides et que la spécificité de cette affaire dans laquelle la Commission a déclaré à trois reprises ces aides compatibles, doit être regardée comme constitutive d'une circonstance exceptionnelle susceptible de justifier une limitation à l'obligation de restitution, la Cour de justice de l'Union européenne, a, dans son arrêt en date du 11 mars 2010, écarté ces deux possibilités ; qu'en tout état de cause, par une décision du 14 décembre 2010, la Commission européenne a décidé, conformément aux règles fixées par le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, que le mécanisme d'aide en cause était incompatible avec le marché intérieur ; qu'elle a par la même décision fixé une obligation de récupération des aides de 1982 à 2001 ; qu'elle a par la même décision estimé que les sommes à récupérer produisaient des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à disposition du bénéficiaire jusqu'au 25 février 2009, date du jugement du tribunal de commerce de Paris ouvrant la procédure de sauvegarde du CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS ;
Considérant que si le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS demande que soit appliqué pour la récupération des sommes le délai de prescription quinquennale fixé par le code civil et que la société internationale de diffusion et d'édition demande quant à elle que les années 1980 et 1981 ne soient pas regardées comme prescrites pour ce qui concerne la récupération de l'aide, le régime de récupération des aides d'Etat est entièrement régi par les dispositions du règlement (CE) n° 659/99, notamment en matière de fixation des délais de prescription ; qu'il résulte de tout ce qui précède que l'annulation de la décision initiale du 19 octobre 1996 déclarant la compatibilité de l'aide entraîne nécessairement l'obligation pour le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS de restituer l'aide versée de 1982 à 2001 ; que pour ce qui concerne les intérêts afférents aux aides en cause, il appartient au Conseil d'Etat de se prononcer définitivement sur leur récupération, nonobstant toute décision contraire ; qu'il y a lieu en l'espèce d'estimer que les sommes à récupérer ont commencé à produire des intérêts à compter de 1982, date à laquelle elles sont réputées avoir été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu'au 25 février 2009, date retenue par la Commission dans sa décision se prononçant de façon définitive sur la compatibilité de l'aide avec le marché intérieur et correspondant à la date à laquelle, par un jugement du tribunal de commerce de Paris, le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS a été placé en procédure de sauvegarde ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation du refus de récupérer l'aide et d'injonction :
Considérant qu'il résulte des pièces produites par le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION que ce dernier a émis des titres de perception à l'encontre du CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS tendant à permettre la récupération des sommes en litige, sur la période et pour les montants correspondant aux motifs de la présente décision ; que dès lors les conclusions dirigées contre le refus de l'Etat de procéder à la récupération de l'aide versée au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS sont devenues sans objet, ainsi par voie de conséquence que les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;
Sur les conclusions aux fins d'information :
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, la décision du Conseil d'Etat n'implique en tout état de cause pas nécessairement d'ordonner au MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION d'informer la société internationale de diffusion et d'édition de la restitution de l'aide d'Etat par le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANCAIS ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société internationale de diffusion et d'édition, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée par le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat et du CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANCAIS le versement de la somme de 2 500 euros chacun à la société internationale de diffusion et d'édition au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'Etat procèdera à la récupération des intérêts afférents aux aides versées au CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANCAIS durant les années 1982 à 2001, depuis la date à laquelle ces aides ont été mises à disposition jusqu'au 25 février 2009, les intérêts devant être calculés conformément au règlement (CE) n° 794/2004.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 26 avril 2001 est réformé en en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : L'Etat et le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANCAIS, verseront à la société internationale de diffusion et d'édition la somme de 2500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions présentées devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Paris par le MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, le CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANCAIS et la société internationale de diffusion et d'édition est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION, aux mandataires judiciaires associés MJA, agissant ès qualités de liquidateur de la SA coopérative CENTRE D'EXPORTATION DU LIVRE FRANÇAIS et à la société internationale de diffusion et d'édition (SIDE).
Copie en sera adressée pour information au ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes et au président de la Cour de justice de l'Union européenne.