Vu le pourvoi le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 4 août, 4 novembre et 7 novembre 2008 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Bernard A, demeurant ...; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 5 de l'arrêt n° 06PA00405 du 5 mai 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté le surplus des conclusions de leur requête tendant à l'annulation du jugement n° 9906895 et 9907095 en date du 29 novembre 2005 du tribunal administratif de Paris rejetant le surplus des conclusions des demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels ils ont été assujettis au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1991 et 1992 ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit intégralement à leur requête d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Aïdara, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. et Mme A ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, qui exerce à titre individuel une activité d'antiquaire, a fait l'objet à raison de cette activité d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos le 31 décembre des années 1991 et 1992 à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des redressements en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de taxe sur la valeur ajoutée ; que M. A a contesté devant le tribunal administratif de Paris le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement le 22 juillet 1997 tandis que, par une demande distincte, M. et Mme A contestaient les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à raison du rehaussement des bénéfices déclarés en 1991 et 1992 ; que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'article 5 de l'arrêt du 5 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Paris rejetant le surplus des conclusions de leur requête tendant à l'annulation du jugement du 29 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à leur charge au titre de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1992 et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1991 et 1992 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi :
Considérant que le tribunal administratif de Paris a statué par un seul jugement sur ces deux demandes qu'il a jointes ; que, cependant, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels que fussent en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal administratif devait statuer par deux jugements séparés à l'égard, d'une part, de M. A, seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, de M. et Mme A, imposés à l'impôt sur le revenu ; que c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a prononcé la jonction de ces demandes ; qu'en ne relevant pas d'office cette irrégularité, la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit ; que, par suite, M. et Mme A sont fondés à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le tribunal administratif de Paris a irrégulièrement prononcé la jonction de ces demandes ; que, dès lors, l'article 3 de son jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, pour le Conseil d'Etat, dans les circonstances de l'affaire, d'une part, d'évoquer la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. A en tant qu'elle concerne la taxe sur la valeur ajoutée et les pénalités restant à sa charge, et d'autre part, après que les mémoires et pièces produites dans les écritures relatives au litige correspondant à l'impôt sur le revenu auront été enregistrés par le secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous un numéro distinct d'évoquer la demande relative aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A ont été assujettis ainsi que des pénalités restant à leur charge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les redressements notifiés par lettre du 20 avril 1995 à M. A en matière de taxe sur la valeur ajoutée procèdent de la vérification de comptabilité de son entreprise individuelle portant sur les exercices clos les 31 décembre 1991 et 1992 ; que si M. et Mme A ont par ailleurs fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les mêmes années, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'administration aurait, à l'occasion de ce dernier contrôle, effectué une vérification de comptabilité et qu'il aurait ainsi été privé des garanties attachées à une telle vérification ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe :
Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ;
Considérant que M. A a procédé en mai 1992 à une vente aux enchères publique d'objets mobiliers anciens qui s'est déroulée dans sa résidence secondaire, le château de Cornillon ; que le commissaire-priseur a distingué dans son compte rendu les ventes cataloguées ayant porté sur 473 objets répertoriés sous 413 lots et les ventes non cataloguées ayant porté sur environ 1 000 objets ; que le requérant soutient que cette vente avait concerné à la fois des biens professionnels issus du stock de son entreprise individuelle d'antiquaire à hauteur de la somme de 7 256 353 F et des objets provenant de son patrimoine personnel à hauteur de 12 350 547 F, et qu'il a procédé à due concurrence à un apport à cette entreprise, qui connaissait alors de sérieuses difficultés, d'un montant égal au produit de la vente de ces biens personnels ainsi qu'en feraient foi le débit pour ce montant du compte d'achats de marchandises et en contrepartie le crédit du compte de l'exploitant ; qu'il résulte cependant de l'instruction que, si le commissaire priseur a, en juin 1992, arrêté deux décomptes compte tenu de la liste établie par le contribuable des lots vendus qui proviendraient de son patrimoine personnel, le produit total de la vente a fait l'objet d'une comptabilisation par inscription de ces deux sommes au crédit du compte de produits, que le compte de charges a été débité des frais mentionnés sur ces deux décomptes et que la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'ensemble des commissions versées au commissaire priseur a été récupérée ; que les éléments fournis par le requérant, qui exerce à titre habituel une activité d'achat et de vente d'objets mobiliers anciens, ne permettent pas, à eux seuls, de procéder à l'identification des objets mobiliers compris dans le stock de l'entreprise individuelle et ceux provenant, comme il le soutient, de son patrimoine personnel ; qu'il n'apporte aucune précision sur les biens qui auraient personnellement été acquis entre 1972, année au cours de laquelle il a acquis avec son épouse le château de Cornillon ainsi que son mobilier, et 1992 ; que dans ces conditions, et alors que l'entreprise individuelle a fait figurer dans ses produits de l'exercice clos en 1992 l'intégralité du produit de la vente publique réalisée en mai 1992, l'administration a estimé à bon droit que l'ensemble du produit de la cession devait être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à demander la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 1992 à raison des ventes s'élevant à 12 350 547 F ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 5 de l'arrêt du 5 mai 2008 de la cour administrative d'appel de Paris et l'article 3 du jugement du 29 novembre 2005 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de son pourvoi sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Bernard A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.