Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 mai et 15 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS, dont le siège est 15 allée des Grands Paquis à Heillecourt (54180) ; la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1101626 du 13 mai 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, statuant en application de l'article L. 551-13 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à la suspension de l'exécution et à l'annulation du marché public d'exploitation du service de transport des personnes à mobilité réduite, conclu entre la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences et le groupement ATS Transport / SE Ambulances Vilhem / SARL Massing Inter Service ;
2°) statuant en référé, d'annuler ce contrat ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Didier, Pinet, avocat de la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS et de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Communauté d'agglomération de Sarreguemines confluences et autres,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Didier, Pinet, avocat de la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Communauté d'agglomération de Sarreguemines confluences et autres ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-13 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi, une fois conclu l'un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d'un recours régi par la présente section " ; qu'aux termes de l'article L. 551-14 de ce code : " Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sont soumis ces contrats, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas des contrats passés par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Toutefois, le recours régi par la présente section n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article L. 551-1 ou à l'article L. 551-5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours " ; qu'aux termes de l'article L. 551-18 du même code : " Le juge prononce la nullité du contrat lorsqu'aucune des mesures de publicité requises pour sa passation n'a été prise, ou lorsque a été omise une publication au Journal officiel de l'Union européenne dans le cas où une telle publication est prescrite. / La même annulation est prononcée lorsque ont été méconnues les modalités de remise en concurrence prévues pour la passation des contrats fondés sur un accord-cadre ou un système d'acquisition dynamique. / Le juge prononce également la nullité du contrat lorsque celui-ci a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9 si, en outre, deux conditions sont remplies : la méconnaissance de ces obligations a privé le demandeur de son droit d'exercer le recours prévu par les articles L. 551-1 et L. 551-5, et les obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles sa passation est soumise ont été méconnues d'une manière affectant les chances de l'auteur du recours d'obtenir le contrat. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-19 : " Toutefois, dans les cas prévus à l'article L. 551-18, le juge peut sanctionner le manquement soit par la résiliation du contrat, soit par la réduction de sa durée, soit par une pénalité financière imposée au pouvoir adjudicateur ou à l'entité adjudicatrice, si le prononcé de la nullité du contrat se heurte à une raison impérieuse d'intérêt général. / Cette raison ne peut être constituée par la prise en compte d'un intérêt économique que si la nullité du contrat entraîne des conséquences disproportionnées et que l'intérêt économique atteint n'est pas directement lié au contrat, ou si le contrat porte sur une délégation de service public. " ; qu'enfin, selon l'article L. 551-20 : " Dans le cas où le contrat a été signé avant l'expiration du délai exigé après l'envoi de la décision d'attribution aux opérateurs économiques ayant présenté une candidature ou une offre ou pendant la suspension prévue à l'article L. 551-4 ou à l'article L. 551-9, le juge peut prononcer la nullité du contrat, le résilier, en réduire la durée ou imposer une pénalité financière. " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 20 octobre 2010, la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences a lancé une procédure adaptée en vue de l'attribution d'un marché ayant pour objet l'exploitation du service de transport de personnes à mobilité réduite sur le territoire communautaire ; que quatre candidats, dont la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS, ont présenté une offre ; que, par une délibération du 27 janvier 2011, le conseil communautaire a décidé d'attribuer le marché au groupement ATS Transport /
SE Ambulances Vilhem / SARL Massing Inter Service ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS tendant à l'annulation du marché signé le 28 janvier 2011 sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative relatives au référé contractuel ;
Considérant que l'article 2 du code des marchés publics dispose : " Les pouvoirs adjudicateurs soumis au présent code sont : (...) 2° Les collectivités territoriales et les établissements publics locaux. " ; qu'aux termes de l'article 134 du même code, définissant le champ d'application de sa deuxième partie : " I. - Les dispositions de la présente partie s'appliquent aux marchés et accords-cadres passés par les entités adjudicatrices. Les entités adjudicatrices sont les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 lorsqu'ils exercent une des activités d'opérateurs de réseaux énumérées à l'article 135. " ; que selon son article 135 : " Sont soumises aux dispositions de la présente partie les activités d'opérateurs de réseaux suivantes : (...) 5° Les activités d'exploitation de réseaux destinés à fournir un service au public dans le domaine du transport par chemin de fer, tramways, trolleybus, autobus, autocar, câble ou tout système automatique, ou la mise à la disposition d'un exploitant de ces réseaux./ Le service de transport est regardé comme fourni par un réseau de transport lorsqu'une autorité nationale ou territoriale compétente définit les conditions générales d'organisation du service notamment en ce qui concerne les itinéraires à suivre, la capacité de transport disponible ou la fréquence du service (... ) " ; que son article 144 prévoit que : " Les entités adjudicatrices passent leurs marchés et accords-cadres dans les conditions suivantes. I. - Elles choisissent librement entre les procédures formalisées suivantes : 1° Procédure négociée avec mise en concurrence préalable ;
2° Appel d'offres ouvert ou restreint ; 3° Concours, défini à l'article 38 ; 4° Système d'acquisition dynamique, défini à l'article 78 (...) " ;
Considérant que les dispositions de l'article 135 du code des marchés publics ne s'appliquent pas aux actes par lesquels une personne publique confie à un tiers l'exploitation de l'un des réseaux fixes qu'il mentionne et agit ainsi en qualité de pouvoir adjudicateur ; que, par suite, en jugeant que l'acte par lequel la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences se proposait de confier à un tiers l'exécution du service de transport des personnes à mobilité réduite était constitutif d'une activité d'exploitation de réseau au sens de l'article 135 du code marchés publics, dès lors que la communauté s'était vu conférer la compétence en la matière et assurait directement l'organisation de l'exploitation du réseau des transports urbains en assumant le risque économique et en contrôlant son exécution, et qu'ainsi la communauté d'agglomération devait être regardée comme une entité adjudicatrice au sens des dispositions précitées, le juge des référés du tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, dès lors, la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en passant le marché litigieux, la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences ne s'est pas bornée à faire l'acquisition d'équipements ou de matériels adaptés au transport des personnes à mobilité réduite et s'intégrant au réseau de transport public de l'ensemble de la population déjà constitué et exploité en régie, mais a confié à un tiers l'exécution d'un service public spécifique directement exploité par le groupement ATS Transport / SE Ambulances Vilhem / SARL Massing Inter Service attributaire du marché ; qu'en confiant ainsi à ce groupement l'exploitation du service de transport des personnes à mobilité réduite, la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences a agi en qualité de pouvoir adjudicateur et non en qualité d'entité adjudicatrice ; que, par suite, le marché litigieux devait être passé non pas sur le fondement des dispositions de l'article 135 du code des marchés publics mais sur celui des dispositions de la première partie de ce code et, eu égard à son objet et son montant, selon la procédure formalisée prévue par ces dispositions ;
Sur la recevabilité des conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-13 du code de justice administrative :
Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative que sont recevables à saisir le juge d'un référé contractuel, outre le préfet, les candidats qui n'ont pas engagé un référé précontractuel, lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'a pas communiqué la décision d'attribution aux candidats non retenus ou n'a pas observé, avant de signer le contrat, un délai de onze jours après cette communication ; qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS n'a engagé aucun référé précontractuel à l'encontre de la procédure de passation du marché litigieux et que la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences n'a pas observé, avant de signer le contrat, un délai de onze jours après la notification à la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS du rejet de son offre et de l'attribution du marché au groupement ATS Transport / SE Ambulances Vilhem / SARL Massing Inter Service ; que, par suite, la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS est recevable à demander l'annulation du marché litigieux sur le fondement des dispositions des articles L. 551-13 et L. 551-18 du code de justice administrative relatives au référé contractuel ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative :
Considérant que, s'agissant d'un marché dont le montant cumulé incluant les éventuelles reconductions dépassait le seuil communautaire de 193 000 euros hors taxe fixé au II-2° de l'article 26 du code des marchés publics, il appartenait à la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences, en application de l'article 40 du même code, de publier un avis d'appel public à la concurrence au Journal officiel de l'Union européenne ; qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté par la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences, que si un avis d'appel public à la concurrence a été publié dans le quotidien " Le Républicain lorrain " ainsi que sur le site internet de la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences, aucun avis n'a été publié au Journal officiel de l'Union européenne ; que, par suite, la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS est fondée à demander l'annulation du marché conclu par la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences et le groupement ATS Transport / SE Ambulances Vilhem / SARL Massing Inter Service sur le fondement de l'article L. 551-18, 1er alinéa, du code de justice administrative, aucune raison impérieuse d'intérêt général ne justifiant le prononcé de l'une des mesures alternatives à l'annulation prévues par l'article L. 551-19 du même code ; que, cependant, compte tenu de la nécessité d'assurer la continuité des prestations de transport des personnes à mobilité réduite durant le délai nécessaire au lancement d'une nouvelle procédure de publicité et de mise en concurrence et à l'attribution du nouveau marché et de l'intérêt général qui s'attache à ce que cette continuité soit préservée, il y a lieu de ne prononcer l'annulation du marché qu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de la présente décision ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences et par les sociétés ATS Transport et Massing Inter Services ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune de ces dernières le versement à la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par cette dernière devant le tribunal administratif de Strasbourg et le Conseil d'Etat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 13 mai 2011 est annulée.
Article 2 : Le contrat conclu le 28 janvier 2011 par la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences et le groupement ATS Transport / SE Ambulances Vilhem /
SARL Massing Inter Service est annulé. Cette annulation prendra effet à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la date de la présente décision.
Article 3 : La communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences et les sociétés ATS Transport et Massing Inter Services verseront chacune une somme de 1 500 euros à la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la communauté d'agglomération de Sarreguemines Confluences et par les sociétés ATS Transport et Massing Inter Services en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GIHP LORRAINE TRANSPORTS, à la Communauté d'agglomération de Sarreguemines confluences et au groupement
ATS transport / SE Ambulances Vilhem / SARL Massing Inter Service.