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21/11/2011 | FRANCE | N°314652

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 21 novembre 2011, 314652


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM, dont le siège est 63 rue du Rocher à Paris (75008) ; le SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 janvier 2008 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi fixant les modalités de réduction des demandes d'actions France Télécom présentées par les salariés, agents, anciens sal

ariés et anciens agents de France Télécom ;

2°) de mettre à la charge de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mars et 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM, dont le siège est 63 rue du Rocher à Paris (75008) ; le SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 janvier 2008 du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi fixant les modalités de réduction des demandes d'actions France Télécom présentées par les salariés, agents, anciens salariés et anciens agents de France Télécom ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 septembre 2011, présentée pour la société France Télécom ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 octobre 2011, présentée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 octobre 2011, présentée pour la société France Télécom ;

Vu la loi n° 86-912 du 6 août 1986 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;

Vu le décret n° 2004-387 du 3 mai 2004 relatif au transfert du secteur public au secteur privé de la société France Télécom en application de la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 ;

Vu l'arrêté du 26 juin 2007 fixant le prix et les modalités de cession d'actions de la société France Télécom ;

Vu l'arrêté du 29 novembre 2007 fixant le prix et les modalités d'attribution d'actions aux salariés, agents, anciens salariés et anciens agents de France Télécom ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Gariazzo, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM et de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la société France Télécom,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat du SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM et à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la société France Télécom ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, rendue applicable à France Télécom par l'article 10 de la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom : "En cas de cession d'une participation de l'Etat suivant les procédures du marché financier, des titres doivent être proposés aux salariés de l'entreprise, à ceux des filiales dans lesquelles elle détient, directement ou indirectement, la majorité du capital social, ainsi qu'à leurs mandataires exclusifs ou aux anciens salariés s'ils justifient d'un contrat d'une durée accomplie d'au moins cinq ans avec l'entreprise ou ses filiales. / Leurs demandes doivent être intégralement servies, pour chaque opération, à concurrence de 10 % du montant de celle-ci. Chaque demande individuelle ne peut toutefois être servie que dans la limite de cinq fois le plafond annuel des cotisations de la sécurité sociale. / Si ces demandes excèdent 10 %, un arrêté du ministre chargé de l'économie fixe les conditions de leur réduction (...)" ; que par arrêté du 26 juin 2007, le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a fixé le prix et les modalités de cession de 130 millions d'actions détenues par l'Etat dans la société France Télécom, en prévoyant que 14 444 444 de ces actions seraient proposées aux salariés, agents, anciens salariés et anciens agents de France Télécom et de ses filiales au sens de l'article 11 de la loi du 6 août 1986 précitée et de l'article 32-1 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom ; que par arrêté du 29 novembre 2007, le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a fixé le prix et les modalités d'attribution de ces actions ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société France Télécom a, dans le cadre défini par les arrêtés mentionnés ci-dessus, proposé quatre formules d'acquisition des actions à attribuer, susceptibles d'être panachées, la première reposant sur une souscription par l'intermédiaire des plans prévus à l'article L. 443-1 du code du travail et bénéficiant d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom, la deuxième reposant sur une souscription par l'intermédiaire des plans prévus à l'article L. 443-1 du code du travail mais ne bénéficiant pas d'un tel financement, la troisième reposant sur une souscription en dehors des plans prévus à l'article L. 443-1 du code du travail et bénéficiant d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom et la quatrième reposant sur une souscription en dehors des plans prévus à l'article L. 443-1 du code du travail et ne bénéficiant pas d'un tel financement ; que les offres d'achat des souscripteurs ont porté sur 30 332 754 actions, dont 10 317 560 au titre de la formule du premier type, 14 067 728 au titre de la formule du deuxième type, 625 810 au titre de la formule du troisième type et 5 321 656 au titre de la formule du quatrième type ;

Considérant que l'arrêté attaqué du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 22 janvier 2008 fixant les modalités de réduction des demandes d'actions France Télécom présentées par les salariés, agents, anciens salariés et anciens agents de France Télécom a prévu un plafond d'attribution d'actions par ayant droit, identique pour tous les ayants droit, déterminé de façon à respecter la limite de 14 444 444 actions distribuées à la totalité des ayants droit ; qu'il a prévu que si le nombre d'actions demandé par un ayant droit toutes formules d'acquisition confondues était supérieur au plafond, sa demande serait servie à hauteur du plafond et, en cas de panachage entre les formules d'achat, selon un ordre de priorité privilégiant les formules dont les actions étaient souscrites par l'intermédiaire des plans prévus à l'article L. 443-1 du code du travail par rapport à celles dont les actions étaient souscrites en dehors de tels plans et, à l'intérieur de chacune de ces deux catégories, la formule bénéficiant d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom par rapport à celle ne bénéficiant pas d'un tel financement ; qu'il ressort des pièces du dossier que le plafond mentionné dans cet arrêté a été fixé à 237 actions par ayant droit ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la note d'opération visée par l'Autorité des marchés financiers et de la notice d'information du fonds commun de placement d'entreprise "Orange Success 2007", que la formule reposant sur une souscription par l'intermédiaire des plans prévus à l'article L. 443-1 du code du travail et bénéficiant d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom correspondait à l'acquisition de 22 actions auxquelles s'ajoutaient 198 actions financées grâce à un complément bancaire et permettait aux porteurs de parts de bénéficier, à l'échéance, de la restitution de leur investissement initial majoré de 10,53 fois la hausse moyenne éventuelle du cours de l'action France Télécom par rapport au prix d'achat initial ; que cet effet de levier était permis par une opération d'échange conclue entre le fonds commun de placement d'entreprise et un établissement bancaire, en vertu de laquelle le fonds recevait de cet établissement, à la date de commencement, un montant égal à neuf fois l'apport personnel, lui permettant d'acquérir les actions complémentaires pour le compte des porteurs de parts et, à l'échéance, le prix de souscription augmenté le cas échéant de la performance, tandis que, en contrepartie, l'établissement bancaire recevait du fonds le montant des dividendes, ainsi que la totalité du prix des actions revendues à l'échéance ; que la formule correspondant à une souscription en dehors des plans prévus à l'article L. 443-1 du code du travail et bénéficiant d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom reposait sur des mécanismes similaires ; que les formules ne bénéficiant pas d'un financement bancaire mis en place à l'initiative de France Télécom consistaient dans l'acquisition d'actions par règlement au comptant ou selon un paiement échelonné, les souscripteurs voyant la valeur de leur investissement suivre l'évolution du cours de l'action France Télécom et bénéficiant des revenus et produits des actions acquises ;

Considérant qu'il résulte de l'ordre de priorité déterminé par l'arrêté attaqué que tout ayant droit ayant demandé un nombre d'actions supérieur au plafond en panachant les formules dont les actions étaient souscrites par l'intermédiaire des plans prévus à l'article L. 443-1 du code du travail s'est vu servir 220 actions au titre de la formule bénéficiant du financement bancaire et 17 actions au titre de la formule ne bénéficiant pas de ce financement, quel que fût le nombre d'actions demandées à ce titre ; qu'en privilégiant dans de telles proportions la formule reposant sur la revente des actions à l'échéance de l'opération et alors même que le ministre entendait, par l'ordre de priorité retenu, protéger les intérêts pécuniaires des salariés, l'arrêté attaqué a méconnu l'objet même de l'article 11 de la loi du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, qui est de permettre aux salariés et anciens salariés du groupe de détenir 10 % des titres cédés en cas de cession d'une participation de l'Etat suivant les procédures du marché financier ; que, par suite, le SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM est fondé à demander l'annulation de l'arrêté qu'il attaque ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat requérant la somme que la société France Télécom, qui n'est pas partie à la procédure et n'a été appelée en la cause que pour produire des observations, demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêté du 22 janvier 2008 fixant les modalités de réduction des demandes d'actions France Télécom présentées par les salariés, agents, anciens salariés et anciens agents de France Télécom est annulé.

Article 2 : L'Etat versera au SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société France Télécom au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL CFE-CGC DE FRANCE TELECOM, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et à la société France Télécom.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - LOI - VIOLATION - ARRÊTÉ DU 22 JANVIER 2008 FIXANT LES MODALITÉS DE RÉDUCTION DES DEMANDES D'ACTIONS FRANCE TÉLÉCOM PRÉSENTÉES PAR LES SALARIÉS - AGENTS - ANCIENS SALARIÉS ET ANCIENS AGENTS DE FRANCE TÉLÉCOM - ORDRE DE PRIORITÉ DES ATTRIBUTIONS D'ACTIONS PRIVILÉGIANT LA FORMULE REPOSANT SUR LA REVENTE DES ACTIONS À L'ÉCHÉANCE DE L'OPÉRATION - MÉCONNAISSANCE DE L'OBJET DE LA LOI DU 6 AOÛT 1986 RELATIVE AUX MODALITÉS DES PRIVATISATIONS - EXISTENCE.

01-04-02-02 En prévoyant, à l'occasion d'une opération de cession par l'Etat de 130 millions de ses actions de la société France Télécom, un ordre de priorité entre les quatre formules d'acquisition proposées aux agents de la société pour l'attribution du nombre limité d'actions qui leur était réservé, conduisant à privilégier significativement, pour les ayants droit ayant demandé un nombre d'actions supérieur au plafond d'attribution d'actions par ayant droit, quel que soit le panachage qu'ils avaient retenu entre ces formules, la formule reposant sur la revente des actions à l'échéance de l'opération, l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 22 janvier 2008 a méconnu l'objet même de l'article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, rendu applicable à France Télécom par l'article 10 de la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, qui est de permettre aux salariés et anciens salariés du groupe de détenir 10 % des titres cédés en cas de cession d'une participation de l'Etat suivant les procédures du marché financier.

NATIONALISATIONS ET ENTREPRISES NATIONALISÉES - PRIVATISATIONS - ATTRIBUTION AUX SALARIÉS ET ANCIENS SALARIÉS DU GROUPE DE 10 % DES TITRES CÉDÉS EN CAS DE CESSION D'UNE PARTICIPATION DE L'ETAT SUIVANT LES PROCÉDURES DU MARCHÉ FINANCIER - ARRÊTÉ DU 22 JANVIER 2008 FIXANT LES MODALITÉS DE RÉDUCTION DES DEMANDES D'ACTIONS FRANCE TÉLÉCOM PRÉSENTÉES PAR LES SALARIÉS - AGENTS - ANCIENS SALARIÉS ET ANCIENS AGENTS DE FRANCE TÉLÉCOM - ORDRE DE PRIORITÉ DES ATTRIBUTIONS D'ACTIONS PRIVILÉGIANT LA FORMULE REPOSANT SUR LA REVENTE DES ACTIONS À L'ÉCHÉANCE DE L'OPÉRATION - MÉCONNAISSANCE DE L'OBJET DE LA LOI DU 6 AOÛT 1986 RELATIVE AUX MODALITÉS DES PRIVATISATIONS - EXISTENCE.

43-02 En prévoyant, à l'occasion d'une opération de cession par l'Etat de 130 millions de ses actions de la société France Télécom, un ordre de priorité entre les quatre formules d'acquisition proposées aux agents de la société pour l'attribution du nombre limité d'actions qui leur était réservé, conduisant à privilégier significativement, pour les ayants droit ayant demandé un nombre d'actions supérieur au plafond d'attribution d'actions par ayant droit, quel que soit le panachage qu'ils avaient retenu entre ces formules, la formule reposant sur la revente des actions à l'échéance de l'opération, l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 22 janvier 2008 a méconnu l'objet même de l'article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, rendu applicable à France Télécom par l'article 10 de la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, qui est de permettre aux salariés et anciens salariés du groupe de détenir 10 % des titres cédés en cas de cession d'une participation de l'Etat suivant les procédures du marché financier.


Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 nov. 2011, n° 314652
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Gariazzo
Rapporteur public ?: M. Pierre Collin
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Date de la décision : 21/11/2011
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 314652
Numéro NOR : CETATEXT000024853433 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-11-21;314652 ?
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