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10/10/2011 | FRANCE | N°337062

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 10 octobre 2011, 337062


Vu le pourvoi, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 février 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY02147du 22 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 10 juillet 2007 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant les demandes de M. B...tendant à la réparation de dommages causés à son exploitation agricole par la réalisation d'opérations de désinfection ordonnées par le préf

et de l'Allier, et condamné l'Etat à verser à l'intéressé une indemnité ...

Vu le pourvoi, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 février 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 07LY02147du 22 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du 10 juillet 2007 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant les demandes de M. B...tendant à la réparation de dommages causés à son exploitation agricole par la réalisation d'opérations de désinfection ordonnées par le préfet de l'Allier, et condamné l'Etat à verser à l'intéressé une indemnité de 30 000 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel présenté par M. B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le décret n° 91-1318 du 27 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Yves Rossi, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Centre Technique d'Hygiène,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. B...et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat du Centre Technique d'Hygiène ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en raison d'une épizootie de fièvre aphteuse, le préfet de l'Allier a ordonné, en mars 2001, l'abattage du cheptel de M. A...B...et la désinfection de ses bâtiments d'élevage et de ses véhicules ; que les opérations de désinfection ont été confiées par l'administration à un prestataire privé, le Centre Technique d'Hygiène (CTH) ; que M. B...a exercé à l'encontre de l'Etat, au titre de la dégradation de structures et charpentes métalliques consécutive à la réalisation de ces opérations, un recours indemnitaire qui a été rejeté par un jugement du 10 juillet 2007 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et condamné l'Etat à verser à l'intéressé une indemnité de 30 000 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code rural, dans sa rédaction applicable à la présente affaire : " Suivant les modalités prévues par un arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de l'agriculture peut prendre toutes mesures destinées à prévenir l'apparition, à enrayer le développement et à poursuivre l'extinction des maladies des animaux réputées contagieuses, en vertu du présent titre (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 223-8 du même code, dans sa rédaction applicable à la présente affaire : " Après la constatation de la maladie, le préfet statue sur les mesures à mettre en exécution dans le cas particulier. / Il prend, s'il est nécessaire, un arrêté portant déclaration d'infection remplaçant éventuellement un arrêté de mise sous surveillance. / Cette déclaration peut entraîner, dans le périmètre qu'elle détermine, l'application des mesures suivantes : (...) / 5° La désinfection des écuries, étables, voitures ou autres moyens de transport, la désinfection ou même la destruction des objets à l'usage des animaux malades ou qui ont été souillés par eux, et généralement des objets quelconques pouvant servir de véhicules à la contagion (...) " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le préfet de l'Allier a confié à la société CTH l'exécution de tâches matérielles se rapportant à des mesures de police sanitaire qu'il avait prescrites dans le cadre de sa mission de lutte contre les épizooties ; qu'eu égard à l'objet du contrat administratif passé à cet effet entre l'Etat et la société, contrat qui, associant une personne privée à la mise en oeuvre d'une opération décidée dans le cadre de pouvoirs de police, devait être exécuté sous le contrôle et la responsabilité de l'administration, la cour administrative d'appel de Lyon, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il appartenait à l'Etat de réparer les dommages subis par M. B...du fait des fautes commises par les préposés de la société CTH, sans subordonner cette responsabilité à l'impossibilité pour l'intéressé d'obtenir de cette société la réparation de ces dommages ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B...de la somme de 3 000 euros ; qu'il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées par le Centre Technique d'Hygiène au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du Centre Technique d'Hygiène tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE, DE LA RURALITE ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE, à M. A... B...et au Centre Technique d'Hygiène.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 337062
Date de la décision : 10/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

AGRICULTURE ET FORÊTS - EXPLOITATIONS AGRICOLES - CALAMITÉS AGRICOLES - EPIZOOTIES - MESURES DE POLICE SANITAIRE - EXÉCUTION DE TÂCHES MATÉRIELLES CONFIÉES À UNE PERSONNE PRIVÉE - FAUTE DE LA PERSONNE PRIVÉE - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT À L'ÉGARD DES TIERS [RJ1].

03-03-04 Préfet confiant à une entreprise privée l'exécution de tâches matérielles se rapportant à des mesures de police sanitaire qu'il avait prescrites dans le cadre de sa mission de lutte contre les épizooties. Dès lors que le contrat administratif conclu à cet effet doit être exécuté sous le contrôle et la responsabilité de l'administration, la faute commise par l'entreprise engage la responsabilité de l'Etat à l'égard des tiers, sans que cette responsabilité soit subordonnée à l'impossibilité pour la victime d'obtenir de la société qu'elle répare le dommage.

AGRICULTURE ET FORÊTS - PRODUITS AGRICOLES - ÉLEVAGE ET PRODUITS DE L'ÉLEVAGE - ÉLEVAGE - LUTTE CONTRE LES EPIZOOTIES - MESURES DE POLICE SANITAIRE - EXÉCUTION DE TÂCHES MATÉRIELLES CONFIÉES À UNE PERSONNE PRIVÉE - FAUTE DE LA PERSONNE PRIVÉE - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT À L'ÉGARD DES TIERS [RJ1].

03-05-03-01 Préfet confiant à une entreprise privée l'exécution de tâches matérielles se rapportant à des mesures de police sanitaire qu'il avait prescrites dans le cadre de sa mission de lutte contre les épizooties. Dès lors que le contrat administratif conclu à cet effet doit être exécuté sous le contrôle et la responsabilité de l'administration, la faute commise par l'entreprise engage la responsabilité de l'Etat à l'égard des tiers, sans que cette responsabilité soit subordonnée à l'impossibilité pour la victime d'obtenir de la société qu'elle répare le dommage.

AGRICULTURE ET FORÊTS - SANTÉ PUBLIQUE VÉTÉRINAIRE - LUTTE CONTRE LES MALADIES ANIMALES - LUTTE CONTRE LES EPIZOOTIES - MESURES DE POLICE SANITAIRE - EXÉCUTION DE TÂCHES MATÉRIELLES CONFIÉES À UNE PERSONNE PRIVÉE - FAUTE DE LA PERSONNE PRIVÉE - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT À L'ÉGARD DES TIERS [RJ1].

03-08-02-03 Préfet confiant à une entreprise privée l'exécution de tâches matérielles se rapportant à des mesures de police sanitaire qu'il avait prescrites dans le cadre de sa mission de lutte contre les épizooties. Dès lors que le contrat administratif conclu à cet effet doit être exécuté sous le contrôle et la responsabilité de l'administration, la faute commise par l'entreprise engage la responsabilité de l'Etat à l'égard des tiers, sans que cette responsabilité soit subordonnée à l'impossibilité pour la victime d'obtenir de la société qu'elle répare le dommage.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - ASSOCIATION D'UNE PERSONNE PRIVÉE À LA MISE EN ŒUVRE DE POUVOIRS DE POLICE - FAUTE DE LA PERSONNE PRIVÉE - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT À L'ÉGARD DES TIERS [RJ1].

60-02-03 Lorsqu'une personne privée est associée, en vertu d'un contrat conclu avec l'Etat, à la mise en oeuvre d'une opération décidée dans le cadre de pouvoirs de police, ce contrat doit être exécuté sous le contrôle et la responsabilité de l'administration. Par suite, la faute commise par l'entreprise engage la responsabilité de l'Etat à l'égard des tiers, sans que cette responsabilité soit subordonnée à l'impossibilité pour la victime d'obtenir de la société qu'elle répare le dommage.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - PROBLÈMES D'IMPUTABILITÉ - PERSONNES RESPONSABLES - COLLECTIVITÉ PUBLIQUE OU PERSONNE PRIVÉE - CONTRAT ASSOCIANT UNE PERSONNE PRIVÉE À LA MISE EN ŒUVRE DE POUVOIRS DE POLICE - FAUTE DE LA PERSONNE PRIVÉE - RESPONSABILITÉ DE L'ETAT [RJ1].

60-03-02-01 Lorsqu'une personne privée est associée, en vertu d'un contrat conclu avec l'Etat, à la mise en oeuvre d'une opération décidée dans le cadre de pouvoirs de police, ce contrat doit être exécuté sous le contrôle et la responsabilité de l'administration. Par suite, la faute commise par l'entreprise engage la responsabilité de l'Etat à l'égard des tiers, sans que cette responsabilité soit subordonnée à l'impossibilité pour la victime d'obtenir de la société qu'elle répare le dommage.


Références :

[RJ1]

Comp., hors du domaine des opérations de police, CE, 13 novembre 1970, Ville de Royan, n° 06145, p. 683.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 oct. 2011, n° 337062
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Yves Rossi
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:337062.20111010
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