Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 22 avril et le 22 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE, représenté par le président de son conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX01000 du 22 février 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a, à la demande de l'association ADER 936 et autres, annulé, en son article 3, les refus implicitement opposés par le président du conseil général aux demandes d'abrogation des délibérations des 28 juillet 2003 et 26 juillet 2004 relatives à la prise en considération du projet d'aménagement de la route départementale n° 936 sur le territoire des communes de Bergerac, Saint Laurent des Vignes, Lamonzie Saint Martin, Gardonne, Gageac, Rouillac, Saussignac, Razac de Saussignac, Saint-Antoine-de-Breuilh, Velines, Montcaret et Lamothe Montravel ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les demandes d'annulation des refus implicites d'abrogation des délibérations des 28 juillet 2003 et 31 août 2004 présentées par l'association ADER 936 et autres ;
3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'association ADER 936, M. Jean-Michel P, M. Maurice S, Mme Nicole B et Mme Catherine C, M. et Mme Philippe D, M. Philippe E, M. Peter T, Mme Brigitte A, M. Michel F, Mme Edwige V et Mme Régine M, M. Bernard G, M. André-Louis I, M. Jean-Maris H, Mme Caroline N, M. Jean-Marc O, M. Jean-Louis L, M. Claude D, M. et Mme Michel U, M. Roland R, M. et Mme Charles K, la SCI Eurimmob, l'EARL des Rives, M. et Mme Pierre Q et M. Raymond J au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le décret n° 2000-389 du 4 mai 2000 ;
Vu le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat du DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE et de Me de Nervo, avocat de M. Jean michel P,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat du DÉPARTEMENT DE LA DORDOGNE et à Me de Nervo, avocat de M. Jean michel P ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme : " Lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution de travaux publics, le sursis à statuer peut être opposé, dans les conditions définies à l'article L. 111-8, dès lors que la mise à l'étude d'un projet de travaux publics a été prise en considération par l'autorité compétente et que les terrains affectés par ce projet ont été délimités. / (..) / La décision de prise en considération cesse de produire effet si, dans un délai de dix ans à compter de son entrée en vigueur, l'exécution des travaux publics (...) n'a pas été engagée. " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'étude du projet de doublement de la route départementale n° 936 entre Bergerac (Dordogne) et Castillon-la-Bataille (Gironde) avait été " prise en considération ", au sens de l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme, par arrêté préfectoral du 30 avril 1993 ; que les travaux n'ayant pas commencé dix ans après cette date, cette prise en considération a cessé de produire ses effets ; que, par délibération du 28 juillet 2003, la commission permanente du conseil général de la Dordogne, devenu entretemps compétent pour la réalisation de routes départementales, a pris à nouveau en considération les zones nécessaires à la réalisation du doublement de la RD n° 936, sur le territoire des communes concernées par ce projet situées dans le département ; que, par une seconde délibération du 26 juillet 2004, le conseil général de ce département a pris acte des avis favorables des communes concernées par la section Saint-Antoine-de-Breuilh - Lamothe Montravel, à la condition de la réduction du fuseau nécessaire à une largeur de cinquante mètres ; que l'association ADER 936 et autres ont demandé l'abrogation de ces deux délibérations ; qu'en l'absence de réponse du département, ces personnes ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation, à titre principal, de ces deux délibérations et, à titre subsidiaire, des refus implicites opposés à leurs demandes d'abrogation des délibérations en cause ; que, par un jugement du 26 février 2009, le tribunal administratif a fait droit à leur demande principale ; que, par un arrêt du 22 février 2010, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé ce jugement et rejeté les demandes d'annulation des deux délibérations a, à l'article 3 de l'arrêt, annulé les refus implicites d'abrogation ; que le département se pourvoit en cassation contre cet article 3 ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable, antérieure à celle issue du décret du 5 janvier 2007 : " En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. (...) L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif. " ; que si, eu égard à ses effets, une décision de prise en considération prévue à l'article L. 111-10 du code de l'urbanisme devait être regardée, pour l'application des dispositions alors en vigueur de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, comme un document d'urbanisme, un refus de retirer ou d'abroger un tel document, sans conséquence sur les règles d'urbanisme applicables, ne peut être regardé comme étant lui-même un document d'urbanisme ; que la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a donc pas commis d'erreur de droit en jugeant que le refus d'abroger une telle décision n'entre pas dans le champ d'application de ces dispositions ;
Considérant, en second lieu, qu'eu égard aux termes de la délibération du 28 juillet 2003, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que cette délibération se bornait à proroger les effets de l'arrêté préfectoral du 30 avril 1993, frappé de caducité, et que la délibération de 2004 confirmait celle de 2003 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu en revanche de faire droit aux conclusions présentées au même titre par M. P et de mettre à la charge du département le versement à celui-ci de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE est rejeté.
Article 2 : Le DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE versera 3 000 euros à M. P en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA DORDOGNE et à Monsieur Jean-Michel P.