Vu le recours, enregistré le 12 août 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ; le ministre demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1107357 du 29 juillet 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet de la Sarthe, d'une part, d'admettre provisoirement M. et Mme A au séjour au titre de l'asile, et de leur assurer un hébergement dans un délai de 48 heures suivant la notification de la décision et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à l'avocat de M. et Mme A sous réserve que celui-ci renonce à la part contributive versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que l'ordonnance n'est pas motivée sur ce point ; que la situation de M. et Mme A et de leurs enfants ne constitue pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'il a été mis fin à la prise en charge de cette famille car elle a fait obstacle à l'organisation de son départ vers la Pologne dans le délai imparti en ne se présentant pas, ou pas au complet, aux différentes convocations qui lui ont été adressées ; qu'il est constant que la notion de fuite au sens du règlement du 18 février 2003, dit règlement de Dublin, doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour s'est soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement ; que la famille A doit être considérée comme en fuite au sens du règlement Dublin ; qu'en conséquence, elle ne pouvait prétendre à la prolongation de son droit à être hébergée ;
Vu l'ordonnance contestée ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 août 2011, présenté par M. et Mme A, qui concluent au rejet du recours ; ils soutiennent que la condition d'urgence est satisfaite, dès lors que l'arrêté de réadmission peut être exécuté d'office et que le refus d'enregistrement de leur demande d'asile porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à leur liberté ; qu'un comportement de fuite doit résulter à la fois d'éléments matériels et d'une intention de se soustraire volontairement à la mesure prise par l'autorité administrative, inexistante en ce qui les concerne ; que le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a estimé à bon droit qu'ils ne devaient pas être regardés comme étant en fuite ; que l'objet des convocations ne faisait pas apparaître qu'il s'agissait de l'exécution d'une mesure de réadmission ; que les dates de convocation n'étaient pas nécessairement postérieures aux décisions de réadmission ; que l'absence des enfants peut s'expliquer par leur présence en milieu scolaire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et, d'autre part, M. et Mme A ;
Vu le procès-verbal de l'audience du 19 août 2011 à 11 heures, au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants du MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION ;
- Me Meier-Bourdeau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;
Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que l'article 19 de ce règlement prévoit que le transfert du demandeur d'asile vers le pays de réadmission doit se faire dans les six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge et que ce délai peut être porté à dix-huit mois si l'intéressé prend la fuite ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant ; qu'aux termes, enfin, des dispositions du paragraphe 1 de l'article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile : La présente directive s'applique à tous les ressortissants de pays tiers et apatrides qui déposent une demande d'asile à la frontière ou sur le territoire d'un État membre tant qu'ils sont autorisés à demeurer sur le territoire en qualité de demandeurs d'asile, ainsi qu'aux membres de leur famille, s'ils sont couverts par cette demande d'asile conformément au droit national ;
Considérant que, par l'ordonnance contestée, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, enjoint au préfet de la Sarthe de procurer, dès la notification de cette ordonnance, dans un délai de 48 heures, un hébergement à M. et Mme A et à leurs enfants ; que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION relève appel de cette ordonnance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A, de nationalité russe, ont sollicité l'asile le 20 décembre 2010 auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique ; que le préfet de ce département a toutefois refusé de leur délivrer un document provisoire de séjour par décision du 22 décembre 2010 au motif que leur demande relevait de la compétence de la Pologne ; que les autorités polonaises ont donné, le 27 décembre 2010, leur accord à la réadmission des intéressés ; que le préfet de la Sarthe a pris, en conséquence, le 12 mai 2011, des arrêtés, notifiés le 20 mai 2011, de remise de la famille A aux autorités polonaises ; que M. et Mme A ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le 28 juillet 2011 ; que, convoqués à la préfecture de la Sarthe à plusieurs reprises de janvier à avril 2011 ainsi que le 15 juin 2011, M. et Mme A ne se sont pas présentés aux premières convocations avec leurs enfants et ne se sont pas rendus à la dernière ; qu'ainsi, les conditions légales n'étaient pas réunies pour organiser leur départ vers la Pologne ; que M. et Mme A ne peuvent sérieusement soutenir que les convocations, explicites quant à leur objet et à la présence obligatoire des enfants, ne leur auraient pas permis de comprendre que leurs enfants devaient les accompagner ; qu'au surplus, à supposer qu'ils n'aient pas compris ce point pour la première convocation, il leur a été rappelé, en vue des convocations suivantes, que la présence des enfants était obligatoire ; que, par suite, M. et Mme A doivent être regardés comme s'étant soustraits de manière intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à la mesure d'éloignement les concernant, révélant un comportement de fuite au sens des dispositions précitées ;
Considérant qu'à l'expiration du délai qui lui a été imparti pour rejoindre le pays vers lequel la réadmission a été prononcée en vertu du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, un demandeur d'asile ne peut être regardé comme autorisé à demeurer sur le territoire pour l'application de l'article 3 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d'asile ; que, par suite, en mettant fin, le 16 juin 2011, à l'hébergement de M. et Mme A et de leurs enfants, au motif que les intéressés s'étaient soustraits à l'exécution des mesures prises à son égard en application de ce règlement, le préfet n'a pas porté d'atteinte grave et manifestement illégale aux exigences qu'implique le respect du droit d'asile ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que le MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION est fondé à soutenir que c'est à tort qu'en l'absence d'une telle illégalité grave et manifeste, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande présentée par M. et Mme A sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que le ministre est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance contestée et le rejet de la demande présentée par M. et Mme A devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes ; que, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. et Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 29 juillet 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme A devant le juge des référés du tribunal administratif de Nantes et leurs conclusions devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DE L'OUTRE-MER, DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE L'IMMIGRATION et à M. et Mme Mairbek A.