Vu le pourvoi, enregistré le 31 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour la SARL IMEXREP, dont le siège est 63 rue Condorcet à Paris (75009), représentée par son gérant ; la SARL IMEXREP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07PA00131 du 2 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0101490/1 du 14 novembre 2006 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur le même impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996, 1997 et 1998 et des intérêts de retard correspondants ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Aladjidi, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de la SARL IMEXREP,
- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SARL IMEXREP ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL IMEXREP, société de droit français ayant son siège à Paris, exerce une activité de négoce et d'import export de marchandises en lien notamment avec la Côte d'Ivoire ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er avril 1994 et le 31 mars 1998, ont été mises en recouvrement, le 30 avril 2000, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution supplémentaire de 10 % sur cet impôt au titre des exercices clos les 31 mars 1995, 1996, 1997 et 1998, assorties des intérêts de retard ; que la société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 novembre 2006 rejetant sa demande de décharge des impositions et des intérêts de retard ainsi mis à sa charge ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 1989 de finances pour 1990 : "A l'issue (...) d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les redressements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements" ; que l'article 25 de la loi du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 a complété cet alinéa par une disposition prévoyant que : "Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de redressement contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai" ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 284 du livre des procédures fiscales : "Sauf disposition contraire, les règles de procédure fiscale ne s'appliquent qu'aux formalités accomplies après leur date d'entrée en vigueur, quelle que soit la date de la mise en recouvrement des impositions" ;
Considérant que la garantie de procédure résultant des dispositions ajoutées à l'article L. 48 du livre des procédures fiscales par la loi du 30 décembre 1999, qui constitue une formalité au sens de l'article L. 284 du même livre, doit être respectée, selon les termes mêmes de l'article L. 48, au plus tard à la date à laquelle intervient la mise en recouvrement des impositions ; qu'il en résulte que l'administration est tenue de porter à la connaissance du contribuable, alors même qu'il a reçu une notification de redressement antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1999, le montant des droits et pénalités qu'elle a révisés à la suite des observations et avis recueillis au cours de la procédure de redressement contradictoire, dès lors que la mise en recouvrement des impositions intervient après l'entrée en vigueur de cette même loi ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur cet impôt en litige ont été mises en recouvrement le 30 avril 2000, postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1999 ; qu'ainsi, c'est à tort que la cour a regardé les dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction issue de la loi précitée comme inapplicables au présent litige ;
Considérant, toutefois, que si les dispositions de l'article L. 48, dans leur rédaction applicable à la procédure litigieuse, obligent l'administration à porter à la connaissance du contribuable, avant la mise en recouvrement, la modification qu'elle apporte aux rehaussements déjà notifiés pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de la procédure de redressement contradictoire, elles ne visent pas l'hypothèse, comme celle de l'espèce, où l'administration, par suite d'une erreur matérielle, met en recouvrement une somme légèrement supérieure à celle indiquée dans la notification de redressement ; que, dans une telle hypothèse, et dès lors que l'erreur ainsi commise n'a pu priver le contribuable de la possibilité de critiquer utilement les redressements mis à sa charge, la procédure n'est entachée d'irrégularité qu'en ce qui concerne la fraction excédant le montant des redressements initialement notifiés ; qu'il suit de là que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 48 et L. 57 du livre des procédures fiscales au motif que l'administration avait, au cours de l'instance poursuivie devant le tribunal administratif, dégrevé la société de la différence entre le montant des droits mis en recouvrement et celui résultant des notifications de redressement ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne le déficit de l'exercice clos en 1994 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration a remis en cause le déficit de l'exercice clos en 1994 au motif qu'il trouvait son origine dans un acte anormal de gestion résultant de la vente par la société requérante à la société Sorecpi de marchandises à un prix inférieur au prix d'achat majoré des frais annexes ; qu'ayant relevé, alors que la société soutenait que l'insuffisance de la marge commerciale était due à une mauvaise appréciation des coûts de transport et de stockage lors de la première année d'activité, en premier lieu, que le manque à gagner n'a bénéficié qu'à la société Sorecpi, dont le gérant de la société IMEXREP était également associé et gérant, en deuxième lieu, que les commissions d'intervention contractuellement à la charge de la société Sorecpi ne couvraient pas même les seuls frais de transport et, en troisième lieu, que la société IMEXREP ne démontrait nullement qu'elle aurait tiré un avantage commercial des libéralités ainsi consenties, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, en déduire que les ventes litigieuses étaient constitutives d'un acte anormal de gestion ;
En ce qui concerne les sommes inscrites au crédit du compte courant d'associé :
Considérant qu'après avoir relevé que les sommes relatives aux chèques encaissés par la société, qui ont été inscrites, dans les écritures de celle-ci, au crédit du compte courant d'associé de son gérant M. Botey étaient la contrepartie d'opérations de change effectuées par ce dernier, la cour a dénaturé les faits en estimant que ces inscriptions, qui ne pouvaient, en l'état de ses constatations, qu'être regardées comme une créance de M. Botey sur la société, n'étaient pas susceptibles de faire naître une quelconque dette à l'encontre de la société requérante et constituaient, dès lors, un passif injustifié ; que la SARL IMEXREP est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il porte sur ces sommes ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SARL IMEXREP d'une somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 2 juin 2008 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il porte sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % sur cet impôt auxquelles la SARL IMEXREP a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996, 1997 et 1998 à raison des sommes relatives aux chèques encaissés par la société et inscrites sur le compte courant d'associé de M. Botey, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL IMEXREP une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SARL IMEXREP est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL IMEXREP et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.