Vu, 1° sous le n° 350172, la requête enregistrée le 16 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bisultan B domicilié ... ; M. B demande au juge des référés du Conseil d'État :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1110029 du 10 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de police d'enregistrer sans délai sa demande d'admission au séjour et de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile lorsqu'il est admis à séjourner en France, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et le formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit en ce que le juge des référés a estimé que la condition d'urgence n'était pas satisfaite dès lors qu'il ne faisait pas valoir qu'il était dans une situation matérielle précaire ; que le délai anormalement long pris par le préfet pour examiner sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile le maintient dans une situation précaire dès lors qu'il ne peut obtenir le bénéfice des mesures prévues par la loi pour les demandeurs d'asile, s'agissant tant des conditions matérielles d'accueil que de la couverture maladie ; que le préfet de police a porté une atteinte manifeste et grave à son droit à d'asile en ce qu'il ne lui a fourni aucune des informations prévues par le droit européen, en particulier par l'article 10-1 de la directive n° 2005-85/CE du 1er décembre 2005, et par les dispositions réglementaires nationales sur ses droits et obligations au regard de la procédure d'asile et s'est borné à lui indiquer une date de présentation sans mentionner, dans une langue qu'il comprenne, les pièces à fournir ; qu'en vertu de l'article 6 de la directive 2003/9 du 27 janvier 2003 et de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative a l'obligation de statuer sur la demande d'admission au séjour dans un délai qui ne peut excéder 15 jours, délai qui sera largement dépassé ; que sa situation ne relève pas des exceptions prévues à l'article L. 741-4 de ce code, son comportement au cours des six mois qui ont suivi l'acceptation de la demande de prise en charge par la Pologne ne pouvant être regardé comme constituant une fraude délibérée ou un recours abusif aux procédures d'asile ; que la circonstance qu'il soit hébergé par l'association FTDA et celle que le suivi de son dossier soit pris en charge par une autre association ne sont pas de nature à justifier le retard mis à l'enregistrement de sa demande d'admission au séjour en tant que demandeur d'asile ; que les services de la préfecture de police lui ont refusé à plusieurs reprises leur accès ; qu'en ne procédant pas à l'enregistrement de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, le préfet de police a porté une atteinte grave et illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit constitutionnel d'asile et dont le corollaire est le droit de solliciter le statut de réfugié ; que ce défaut d'enregistrement méconnaît également les dispositions du considérant 4 du (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, 2° sous le n° 350173, la requête enregistrée le 16 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par Mme Natalya C épouse A, domiciliée chez FTDA Dom n° 0112988, BP 383 à Paris (75018) ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'État :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1110031 du 10 juin 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté sa demande tendant à enjoindre au préfet de police d'enregistrer sans délai sa demande d'admission au séjour et de lui délivrer l'autorisation provisoire de séjour prévue, à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile, lorsqu'il est admis à séjourner en France, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et le formulaire de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit en ce que le juge des référés a estimé que la condition d'urgence n'était pas satisfaite dès lors qu'elle ne faisait pas valoir qu'il était dans une situation matérielle précaire ; que le délai anormalement long pris par le préfet pour examiner sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile la maintient dans une situation précaire dès lors qu'elle ne peut obtenir le bénéfice des mesures prévues par la loi pour les demandeurs d'asile, s'agissant tant des conditions matérielles d'accueil que de la couverture maladie ; que le préfet de police a porté une atteinte manifeste et grave à son droit à d'asile en ce qu'il ne lui fourni aucune des informations prévues par le droit européen, en particulier par l'article 10-1 de la directive n° 2005-85/CE du 1er décembre 2005, et par les dispositions réglementaires nationales sur ses droits et obligations au regard de la procédure d'asile et s'est borné à lui indiquer une date de présentation sans mentionner, dans une langue qu'elle comprenne, les pièces à fournir ; qu'en vertu de l'article 6 de la directive 2003/9 du 27 janvier 2003 et de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative a l'obligation de statuer sur la demande d'admission au séjour dans un délai qui ne peut excéder 15 jours, délai qui sera largement dépassé ; que sa situation ne relève pas des exceptions prévues à l'article L. 741-4 de ce code, son comportement au cours des six mois qui ont suivi l'acceptation de la demande de prise en charge par la Pologne ne pouvant être regardé comme constituant une fraude délibérée ou un recours abusif aux procédures d'asile ; que la circonstance qu'elle soit hébergée par l'association FTDA et celle que le suivi de son dossier soit pris en charge par une autre association ne sont pas de nature à justifier le retard mis à l'enregistrement de sa demande d'admission au séjour en tant que demandeur d'asile ; que les services de la préfecture de police lui ont refusé à plusieurs reprises leur accès ; qu'en ne procédant pas à l'enregistrement de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, le préfet de police a porté une atteinte grave et illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit constitutionnel d'asile et dont le corollaire est le droit de solliciter le statut de réfugié ; que ce défaut d'enregistrement méconnaît également les dispositions du considérant 4 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, sous les deux numéros, le mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2011, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration qui conclut au rejet des requêtes ; il soutient que les ordonnances du juge des référés du tribunal administratif de Paris ne sont pas entachées d'erreur de droit au motif que la condition d'urgence serait satisfaite ; que si la France est responsable de l'examen des demandes d'asile des requérants depuis le 16 décembre 2010, ceux-ci ne se sont manifestés pour demander l'asile en France que le 25 mai 2011 ; qu'ils bénéficient d'un hébergement et de la possibilité d'obtenir des soins médicaux d'urgence en cas de nécessité ; que l'administration n'a méconnu ni le droit européen ni le droit national dès lors que les requérants sont convoqués le 7 octobre 2011 pour que leur soit remis un guide d'information et d'orientation sur la demande d'asile et que leur soient apportées toutes les informations nécessaires sur leurs droits et obligations du demandeur d'asile ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive n° 2005-85/CE du 1er décembre 2005 ;
Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, pris pour son application ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. et Mme B et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 22 juin 2011 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Coutard, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. et Mme B ;
- M. et Mme B ;
- les représentants de M. et Mme B ;
- les représentants du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ;
Considérant que les requêtes de M. et Mme B présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (...) ;
Considérant que le droit constitutionnel d'asile, qui a le caractère d'une liberté fondamentale, a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié ; que, s'il implique que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit en principe autorisé à demeurer sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande, ce droit s'exerce dans les conditions définies par l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 1° de cet article permet de refuser l'admission en France d'un demandeur d'asile lorsque l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ce règlement contractés avec d'autres Etats ;
Considérant que l'article 19 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, qui fixe les conditions de prise en charge du demandeur d'asile qui a introduit une demande dans un autre État membre, pose en principe dans son paragraphe 3 que le transfert du demandeur de l'Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite vers l'Etat membre responsable s'effectue au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge ; que d'après le paragraphe 4 du même article, Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite ; qu'il est spécifié que ce délai peut-être porté à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative dans le but de faire obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement le concernant ;
Considérant que, pour une application aux demandeurs d'asile des dispositions précitées du droit interne conforme aux objectifs de la directive 2003/9/CE du 7 janvier 2003, l'autorité compétente qui, sur sa demande d'admission au bénéfice du statut de réfugié doit, au plus tard dans le délai de quinze jours prescrit à l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mettre le demandeur d'asile en possession d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande, sans préjudice, le cas échéant, de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, doit également, aussi longtemps qu'il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile et quelle que soit la procédure d'examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules ; que si, notamment lorsqu'une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise ou lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, l'autorité administrative peut recourir à des modalités différentes de celles qui sont normalement prévues, c'est pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, et en couvrant les besoins fondamentaux du demandeur d'asile ; qu'il lui appartient, en particulier, de rechercher si des possibilités d'hébergement sont disponibles dans d'autres régions et, le cas échéant, de recourir à d'autres modalités d'accueil ;
Considérant toutefois que, si la privation du bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile, le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte s'apprécie en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et de la situation du demandeur ; qu'ainsi, le juge des référés ne peut faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative en adressant une injonction à l'administration que dans le cas où, d'une part, le comportement de celle-ci fait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d'asile et où, d'autre part, il résulte de ce comportement des conséquences graves pour le demandeur d'asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation de famille ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme B, de nationalité russe, ont demandé le 26 mai 2010 auprès de la préfecture de police leur admission au séjour au titre de l'asile ; que, par décision du 18 février 2010, le préfet a refusé l'admission au séjour en application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que les intéressés avaient présenté une demande d'asile en Pologne ; que les autorités polonaises ont donné le 15 juin 2010 leur accord pour la reprise en charge de ces demandeurs d'asile ; qu'à défaut de transfert des requérants vers la Pologne, dans le délai de six mois à compter de l'acceptation, par cet État, de la demande de prise en charge et alors qu'il n'est pas allégué qu'ils aurait tenté de se soustraire au contrôle de l'autorité administrative, les autorités françaises sont redevenues responsables de l'examen de leur demande d'asile à compter du 16 décembre 2010 ; que si les requérants soutiennent qu'ils ont tenté à plusieurs reprises de déposer une demande d'admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture de police à compter de cette date, ils ne peuvent en rapporter la preuve ; qu'ils ont pu déposer une telle demande le 25 mai 2011 ; qu'une convocation leur a alors été remise pour le 7 octobre 2011, soit plus de quatre mois après leur demande ; que si, ainsi que le relève le juge des référés du tribunal administratif de Paris, ce délai est manifestement excessif, l'administration a fait valoir à l'audience qu'elle était dans l'impossibilité matérielle, compte tenu du nombre de demandeurs d'asile à Paris, de prévoir des délais de convocation inférieurs à trois mois et à quatre en tenant compte de la période estivale ; qu'ainsi qu'il a été dit, les requérants n'ont eux-mêmes déposé une nouvelle demande d'asile que cinq mois après que la France est redevenue responsable de leur demande, même s'ils ont pu rencontrer des difficultés pour la déposer ; que s'ils ne bénéficient pas, tant que l'autorisation provisoire de séjour ne leur a pas été accordée, de l'ensemble des mesures prévues par la loi en faveur des demandeurs d'asile, il n'est pas contesté qu'ils bénéficient d'un hébergement et de la couverture des soins médicaux d'urgence ; qu'enfin, c'est lors de l'entretien fixé au 7 octobre que les requérants recevront les informations qui doivent être données aux demandeurs d'asile, en vertu du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive 2005/85 du Conseil du 1er décembre 2005 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les ordonnances qu'ils attaquent, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs demandes ; que, par suite, leurs requêtes doivent être rejetées, y compris leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Bisultan B, Mme Natalya C épouse A, et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.