Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme B...A..., demeurant...,; Mme A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de la culture et de la communication sur son recours gracieux en date du 26 octobre 2009 tendant, d'une part, à sa nomination à un emploi correspondant à son grade et, d'autre part, à la réparation des préjudices qu'elle a subis ;
2°) d'enjoindre à l'Etat de lui proposer dans un délai d'un mois une affectation correspondant à son grade ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 250 000 euros augmentée des intérêts capitalisés, à compter de la date de sa réclamation, en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison de la gestion par l'administration de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 99-945 du 16 novembre 1999 ;
Vu le décret n° 2003-729 du 1er août 2003 portant organisation de l'inspection générale des affaires culturelles ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alexandre Aïdara, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A...,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A...;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir occupé les fonctions de directrice régionale des affaires culturelles de Picardie du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2003, MmeA..., administratrice civile hors classe au ministère de la culture et de la communication, est restée sans affectation jusqu'au 1er octobre 2009, seules deux courtes missions d'étude lui ayant été confiées pendant cette période et une mise à disposition de la ville de Paris lui ayant été accordée pendant l'année 2005 ; qu'estimant que sa nomination, le 1er octobre 2009, en qualité de chargée de mission à l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles pour une durée de deux ans, ne correspondait pas à son grade, Mme A... a demandé, le 23 octobre 2009, au ministre de la culture de lui donner une affectation à un poste correspondant à son grade et de l'indemniser du préjudice subi du fait de son absence d'affectation à un tel poste depuis le 30 septembre 2003 ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de la culture rejetant sa demande d'affectation et à fins d'injonction :
Considérant qu'en vertu de l'article 3 du décret du 1er août 2003, l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles peut s'adjoindre des chargés de mission " choisis parmi les membres des corps et emplois classés en catégorie A dont les statuts prévoient des missions d'inspection, de conception ou d'administration " ; que les administrateurs civils sont au nombre des agents qui peuvent se voir confier de telles missions ; qu'ainsi, en nommant Mme A...en qualité de chargée de mission à cette inspection générale à compter du 1er octobre 2009, affectation dont elle ne conteste pas qu'elle recouvre l'exercice d'une fonction effective, le ministre lui a attribué une affectation correspondant à son grade ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite du ministre rejetant sa demande tendant à ce qu'elle soit affectée à un poste correspondant à son grade ; que, par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant que, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affection correspondant à son grade ; qu'en maintenant Mme A...sans affectation effective pendant la période du 1er octobre 2003 au 1er octobre 2009, hormis sa mise à disposition de la Ville de Paris pendant un an, alors qu'il lui appartenait soit de lui proposer une affectation, soit, s'il l'estimait inapte aux fonctions correspondant à son grade d'engager une procédure de licenciement pour faute professionnelle, le ministre de la culture et de la communication a méconnu cette règle ; que cette illégalité a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que par suite, Mme A...est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain qui a pu en résulter pour elle ;
Considérant, en premier lieu, que si MmeA..., dont il n'est pas contesté que le traitement indiciaire et le régime indemnitaire ont été maintenus, a droit en principe à une indemnité calculée en tenant compte de la différence entre les sommes qu'elle a perçues et la rémunération qui aurait été la sienne si elle avait reçu une affectation correspondant à son grade, elle ne peut, en revanche, prétendre à être indemnisée au titre de rémunérations ou d'indemnités liées à l'exercice effectif de fonctions ; qu'elle ne peut, dès lors, pour la période en cause, prétendre au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire accordée aux directeurs régionaux des affaires culturelles, qui est lié à l'exercice de ces fonctions ; qu'elle ne peut davantage prétendre à être indemnisée au titre de la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait été nommée dans un emploi de sous-directeur ou dans le corps de l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles ; que, par suite, MmeA..., qui a d'ailleurs été nommée inspectrice générale des affaires culturelles par décret du Président de la République en date du 16 novembre 2010, publié au Journal officiel du 18 novembre, ne peut prétendre à aucune indemnisation à ces titres à raison de la période antérieure à sa nomination en qualité de chargée de mission à cette inspection générale ;
Considérant, en second lieu, qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A...au titre du préjudice moral résultant de la privation de responsabilités en rapport avec son grade, malgré ses nombreuses demandes, en lui accordant une indemnité de 10 000 euros, tous intérêts compris au jour de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'Etat est condamné à verser à Mme A...la somme de 10 000 euros tous intérêts compris au jour de la présente décision.
Article 2 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A...est rejeté.
Article 4: La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre de la culture et de la communication.