Vu le pourvoi, enregistré le 30 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1018710 /3-5 du 15 novembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Institut Génétique Nantes Atlantique (IGNA), annulé la procédure de passation du marché relatif aux prestations d'analyse de traces biologiques aux fins d'identification de profils génétiques et d'alimentation du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et lui a enjoint, s'il entendait conclure ce marché, de reprendre intégralement cette procédure ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demandé présentée par la société Institut Génétique Nantes Atlantique (IGNA) devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le décret n° 97-109 du 6 février 1997 ;
Vu l'arrêté du 28 août 2006 pris en application du code des marchés publics et fixant les modèles d'avis pour la passation et l'attribution des marchés publics et des accords-cadres ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Dieu, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Institut Génétique Nantes Atlantique (IGNA),
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Institut Génétique Nantes Atlantique (IGNA) ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551- 1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...). / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours (...) " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES a lancé le 2 juillet 2010 une procédure adaptée en vue de l'attribution d'un marché à bons de commande ayant pour objet, l'identification de profils génétiques, l'alimentation du fichier national automatisé des empreintes génétiques et la validation des rapprochements opérés par ce fichier entre des profils génétiques à l'occasion d'infractions ; que, pour ce faire, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES a adressé les documents de la consultation aux douze sociétés titulaires de l'agrément prévu par l'article 3 du décret du 6 février 1997 relatif aux conditions d'agrément des personnes habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques dans le cadre d'une procédure judiciaire ; que, par un courrier en date du 13 octobre 2010, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES a informé la société Institut Génétique Nantes Atlantique du rejet de son offre et du choix de la société Azur Génétique comme attributaire du marché ; que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES se pourvoit contre l'ordonnance du 15 novembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Institut Génétique Nantes Atlantique (IGNA), annulé la procédure de passation du marché et lui a enjoint, s'il entendait conclure ce marché, de la reprendre intégralement ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 45 du code des marchés publics, applicable au marché litigieux : " -I.- Le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières ainsi que des documents relatifs aux pouvoirs des personnes habilitées à les engager. (...)" ; qu'aux termes de l'article 52 du code des marchés publics, également applicable au marché litigieux : " I- (...) Les candidatures (...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. (...)" ; que la liste des renseignements et documents pouvant être demandés aux candidats par le pouvoir adjudicateur figure à l'article 1er de l'arrêté ministériel du 28 août 2006 ; qu'il résulte de ces dispositions que le pouvoir adjudicateur doit contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats à l'attribution d'un marché public et que cette vérification s'effectue au vu des seuls renseignements ou documents prévus par les prescriptions de cet arrêté ministériel ; que si les documents ou renseignements exigés à l'appui des candidatures doivent être objectivement rendus nécessaires par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser, les avis d'appel public à concurrence, ou le règlement de consultation dans les cas de procédures dispensées de l'envoi de tels avis, doivent nécessairement prévoir un de ces documents ou renseignements afin précisément de permettre au pouvoir adjudicateur de procéder au contrôle des garanties requises des candidats ;
Considérant que l'article 3 du décret du 6 février 1997 relatif aux conditions d'agrément des personnes habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques dans le cadre d'une procédure judiciaire prévoit que " Sont seules habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques dans le cadre d'une procédure judiciaire les personnes physiques ou morales ayant fait l'objet, dans des conditions fixées par les dispositions ci-après, d'un agrément délivré, pour une période de cinq ans renouvelable, par la commission instituée à l'article 1er. " ; que l'article 4 du décret subordonne la délivrance de l'agrément à l'inscription des personnes physiques ou morales concernées sur une des listes instituées en vertu de l'article 2 de la loi du 29 juin 1971 susvisée relative aux experts judiciaires et de l'article 157 du code de procédure pénale et prévoit que lorsque l'agrément est délivré à une personne morale, les personnes physiques appelées à assurer, en son sein et en son nom, des missions d'identification par empreintes génétiques doivent elles-mêmes être agréées ; que l'article 7 du décret prévoit que le maintien et le renouvellement de l'agrément sont subordonnés à la participation de ceux qui en sont titulaires à des contrôles de la fiabilité des résultats des analyses biologiques d'identification qu'ils effectuent par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé ; que l'article 9 du même décret impose aux laboratoires où sont exécutées les missions d'identification par empreintes génétiques dans le cadre de procédures judiciaires de disposer d'infrastructures et d'équipements adaptés aux techniques de biologie moléculaire et de garantir la sécurité des locaux affectés à la conservation des scellés, des échantillons biologiques et des résultats d'analyses ;
Considérant que, pour retenir que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES avait manqué à ses obligations de mise en concurrence, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a relevé que si le règlement de la consultation du marché litigieux prévoyait que l'accès au marché était exclusivement limité aux seules personnes habilitées ayant bénéficié de l'agrément prévu à l'article 3 du décret du 6 février 1997, il ne résultait pas de l'instruction que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES avait prévu de s'assurer des capacités techniques et financières des candidats en leur demandant de produire des renseignements ou documents attestant des moyens humains, matériels et financiers dont ils disposaient et justifiant de leur expérience dans le domaine des prestations du marché ; que cet agrément, prévu par le décret du 6 février 1997, ayant pour seul objet de garantir que les sociétés qui en sont titulaires disposent des compétences professionnelles requises pour procéder à des identifications par empreintes génétiques dans le cadre d'une procédure judiciaire, le juge des référés du tribunal administratif de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que la détention de l'agrément ne suffisait pas à garantir que les candidats disposaient également des capacités techniques et financières requises pour exécuter le marché et que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES ne pouvait se borner, pour satisfaire à son obligation de contrôle des capacités professionnelles, techniques et financières des candidats, à exiger la production de cet agrément ; que le juge des référés n'a pas davantage dénaturé les pièces du dossier ni commis d'erreur de droit en retenant que les seuls éléments d'information que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES avait communiqués lors de l'instance étaient insuffisants pour attester des capacités financières et techniques de la société Azur Génétique, dès lors, en tout état de cause, que la production de tels éléments par l'un des candidats était sans incidence sur le manquement reproché au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES, tenant à ce que celui-ci n'avait pas indiqué dans le règlement particulier de la consultation les documents ou renseignements au vu desquels il contrôlerait les capacités techniques et financières des candidats ;
Considérant, en second lieu, qu'en retenant que ce manquement était, compte tenu de sa portée et du stade de la procédure auquel il était intervenu, susceptible d'avoir lésé la société Institut Génétique Nantes Atlantique, bien que sa candidature ait été retenue, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas inexactement qualifié les faits dès lors que ce manquement était susceptible de permettre, et a d'ailleurs permis, à la société Azur Génétique, qui n'aurait pas disposé des garanties techniques et financières requises pour exécuter le marché, d'être retenue ;
Considérant qu'il résulte ce qui précède que le pourvoi du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES doit être rejeté ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Institut Génétique Nantes Atlantique de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Institut Génétique Nantes Atlantique une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTES et à la société Institut Génétique Nantes Atlantique.