Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 mai et 6 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SELARL PHARMACIE DES CHALONGES, dont le siège social est situé 8, rue des Forges à Haute-Goulaine (44115) ; la SELARL PHARMACIE DES CHALONGES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07NT00744 du 20 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions d'appel à concurrence du dégrèvement d'un montant de 126 813,65 euros, a rejeté le surplus de ses conclusions dirigées contre le jugement n° 983482 du 18 juin 2002 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 1995 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Belloir, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE SELARL PHARMACIE DES CHALONGES,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de la SOCIETE SELARL PHARMACIE DES CHALONGES ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme a fait apport de l'officine de pharmacie qu'elle exploitait à titre individuel à Basse-Goulaine (Loire-Atlantique) à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) PHARMACIE DES CHALONGES, créée le 22 décembre 1993 et dont elle était l'unique associée ; que l'acte d'apport annexé aux statuts de la société évaluait à 4 900 000 F les éléments incorporels apportés ; que, par un acte rectificatif à cet acte d'apport, présenté le 12 janvier 1995 à l'enregistrement, cette valeur a été portée à 8 101 000 F ; que la SELARL, après avoir cédé le 31 mars 1995 son fonds pour un prix de 8 440 000 F, a déclaré, sur le fondement de l'article 39 quaterdecies du code général des impôts, une plus-value à court terme d'un montant de 339 000 F ; que l'administration a recalculé cette plus-value sur le fondement de la valeur initiale d'apport et assujetti la société à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1995 ; que, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, ayant annulé par sa décision n° 284457 du 5 mars 2007 son arrêt du 4 mai 2005, la cour administrative d'appel de Nantes a, par l'arrêt attaqué, rejeté le surplus des conclusions de la requête de cette société tendant à la décharge des droits restant seuls en litige ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans son rapport du 17 décembre 1993, le commissaire aux apports a indiqué que l'évaluation faite par Mme de la valeur du fonds de commerce de l'officine de pharmacie qu'elle apportait à cette société n'était pas surestimée, même si cette évaluation, correspondant à 74 % environ de la moyenne du chiffre d'affaire des trois derniers exercices, différait du barème d'évaluation utilisé généralement pour ces fonds de commerce, lequel retient un taux compris entre 85 % et 115 % du chiffre d'affaire moyen ; que, par suite, en relevant dans sa description des données du litige les valeurs résultant de l'utilisation de ce barème et la valeur retenue par Mme , la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ; que si, dans cette description, la cour a rapproché, d'une part, la valeur correspondant aux seules immobilisations incorporelles et, d'autre part, la valeur intégrant en outre les immobilisations corporelles et financières, cette imprécision est, en tout état de cause, restée sans incidence sur les motifs et le dispositif de l'arrêt attaqué ;
Considérant, en deuxième lieu, que, si la société soutient que la valeur d'apport du fonds de commerce avait été déterminée par un commissaire aux apports, la cour n'a pas entaché son arrêt d'inexactitude matérielle des faits en relevant que la valeur initiale de l'apport avait été déterminée par les parties au traité d'apport ; que la cour n'a pas dénaturé les faits en estimant que, par l'acte rectificatif à cet acte d'apport, mentionné ci-dessus, Mme avait décidé de procéder à une réévaluation des éléments incorporels apportés en portant leur valeur à 8 101 000 F ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; que, pour juger que l'augmentation de la valeur de l'actif net de la société résultant de l'acte rectificatif à l'acte d'apport avait majoré le bénéfice net de l'exercice concerné au sens du 2 de l'article 38, la cour a relevé que cette augmentation n'avait correspondu à aucun supplément d'apport effectué au cours de l'exercice en cause ; qu'en retenant ce motif, la cour a suffisamment répondu au moyen tiré de ce que l'acte rectificatif aurait emporté supplément d'apport, au sens des dispositions de cet article ; que la cour n'était pas tenue de répondre à l'argument tiré de ce que cet acte rectificatif s'était accompagné d'une modification des statuts de la société et d'une augmentation de son capital ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / (...) Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que des immobilisations apportées par des tiers à une société soient inscrites au bilan pour une valeur différente de leur valeur vénale ; que, par suite, en jugeant que la valeur d'apport du fonds de commerce de Mme pouvait ne pas correspondre nécessairement à sa valeur vénale, la cour n'a pas méconnu ces dispositions ; qu'en en déduisant que la valeur initiale d'apport figurant au traité ne résultait pas d'une erreur comptable commise par l'intéressée mais trouvait son fondement dans une décision de gestion qui était opposable à la SELARL PHARMACIE DE CHALONGES, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que le moyen tiré par la société requérante de ce que la cour aurait méconnu les dispositions de l'article 40 de la loi du 24 juillet 1966, désormais codifiées à l'article L. 223-9 du code de commerce, et celles de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, qui n'avait pas été soulevé devant la cour, est, dès lors, sans incidence sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué ;
Considérant, enfin, que la cour a jugé que l'augmentation de la valeur de l'actif net de la société résultant de l'acte rectificatif du traité d'apport, passé en 1995, ne correspondait à aucun supplément d'apport effectué au cours de l'exercice clos en 1993 et que, quel que soit l'effet rétroactif que les parties au traité auraient entendu lui conférer, la rectification intervenue ne pouvait, en aucun cas, en vertu du principe de l'annualité de l'impôt et de la spécificité des exercices, conduire à modifier les éléments de détermination des résultats d'un exercice déjà clos ; qu'en en déduisant que cette augmentation n'avait pu que majorer à due concurrence le bénéfice imposable au taux normal de l'exercice en cours, la cour n'a pas méconnu les dispositions du 2 de l'article 38 du code général des impôts ; que, dès lors, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'administration était fondée à recalculer la plus-value à court terme déclarée en prenant en compte seulement la valeur initiale d'apport ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la SELARL PHARMACIE DES CHALONGES doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SELARL PHARMACIE DES CHALONGES est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SELARL PHARMACIE DES CHALONGES et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.