Vu, 1°) sous le n° 341051, la requête, enregistrée le 29 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE, dont le siège est situé 24 rue du Faubourg Poissonnière à Paris (75010) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de services de télévision et aux éditeurs de services de radio distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
Vu, 2°) sous le n° 341052, la requête, enregistrée le 29 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS, dont le siège est situé 1 bis rue du Havre à Paris (75008) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle ;
Vu la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée notamment par la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anissia Morel, Auditeur,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE et du SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS sont dirigées contre le même décret n° 2010-416 du 27 avril 2010 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 mars 2009 : Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis du Conseil supérieur de l'audiovisuel, fixe, pour chaque catégorie de services de radio ou de télévision distribués par les réseaux n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel : / (...) 6° (...) la contribution des éditeurs de services au développement de la production, en tout ou partie indépendante à leur égard, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi que la part de cette contribution ou le montant affectés à l'acquisition des droits de diffusion de ces oeuvres sur les services qu'ils éditent, en fixant, le cas échéant, des règles différentes pour les oeuvres cinématographiques et pour les oeuvres audiovisuelles et en fonction de la nature des oeuvres diffusées et des conditions d'exclusivité de leur diffusion. ; que l'article 33-1 de la même loi dispose que, pour les services contribuant au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles, la convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'éditeur de services précise les modalités permettant d'assurer cette contribution en tenant compte des accords conclus entre l'éditeur de services et une ou plusieurs organisations professionnelles de l'industrie audiovisuelle ; que l'article 71-1 de cette loi dispose que le décret prévu à l'article 33 précise les conditions dans lesquelles une oeuvre audiovisuelle peut être prise en compte au titre de la contribution d'un éditeur de services à la production indépendante en fonction de la part détenue, directement ou indirectement, par l'éditeur de services ou par le ou les actionnaires le contrôlant au sens du 2° de l'article 41-3, au capital de l'entreprise qui produit l'oeuvre. L'éditeur de services ne peut détenir, directement ou indirectement, de parts de producteur. ;
Considérant que le décret attaqué, relatif à la contribution cinématographique et audiovisuelle des éditeurs de service de télévision et aux éditeurs des services de radio n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, a été pris pour l'application notamment des articles 33 et 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 ;
Sur la légalité externe :
Considérant que le gouvernement n'était pas tenu de joindre au projet de décret transmis pour avis au Conseil supérieur de l'audiovisuel les résultats de la consultation publique qu'il avait antérieurement organisée sur le site Internet du ministère de la culture et de la communication ; qu'il ressort des pièces du dossier que le gouvernement a transmis au conseil supérieur, avant qu'il ne se prononce, les modifications apportées au projet de décret ; que les membres de ce conseil ont été régulièrement convoqués à la séance du 29 janvier 2010 ; qu'au cours de cette séance, il s'est prononcé sur le projet de décret en présence de huit de ses membres ; que par suite, le moyen tiré de ce que le Conseil supérieur de l'audiovisuel n'aurait pas été régulièrement consulté manque en fait ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 dite Télévision sans frontières :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de cette directive, ultérieurement repris à l'article 17 de la directive 2010/13/UE dite Services de médias audiovisuels : Les Etats membres veillent, chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent au moins 10 % de leur temps d'antenne, à l'exclusion du temps consacré aux informations, à des manifestations sportives, à des jeux, à la publicité, aux services de télétexte et au téléachat, ou alternativement, au choix de l'Etat membre, 10 % au moins de leur budget de programmation, à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants d'organismes de radiodiffusion télévisuelle. Cette proportion, compte tenu des responsabilités de l'organisme de radiodiffusion télévisuelle à l'égard de son public en matière d'information, d'éducation, de culture et de divertissement, devra être obtenue progressivement sur la base de critères appropriés. ; que, selon l'article 4 de la même directive : 1. Les Etats membres ont la faculté, en ce qui concerne les fournisseurs de services de médias qui relèvent de leur compétence, de prévoir des règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la présente directive, sous réserve que ces règles soient conformes au droit de l'Union (...) ;
Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué a, en contrepartie de l'instauration d'une obligation nouvelle de contribution à la production d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française patrimoniales, abaissé le niveau de la contribution à la production indépendante exprimé en pourcentage des ressources nettes du service, ce qu'il lui était loisible de faire, dès lors que les règles ainsi fixées demeuraient compatibles avec les objectifs de la directive ; que tel est le cas, dès lors que le I de l'article 11 du décret impose aux éditeurs de consacrer les trois quarts de 14% de leurs ressources totales nettes au développement de la production indépendante, soit une contribution supérieure à l'objectif de 10% du budget de programmation fixé par la directive ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'article 17 de la directive que l'objectif de soutien à la production indépendante peut être atteint de manière progressive ; qu'en autorisant le Conseil supérieur de l'audiovisuel, au 5° de l'article 14 du décret, à fixer dans les conventions passées avec les éditeurs l'obligation de 14% à un niveau inférieur, sans pouvoir descendre au dessous de 12%, et en prévoyant à l'article 17 que ces conventions fixent les modalités selon lesquelles l'éditeur se conforme dans un délai de cinq ans à l'obligation édictée au I de l'article 11, le pouvoir réglementaire n'a pas davantage édicté de règles incompatibles avec la directive ;
Considérant, enfin, qu'en définissant la production indépendante par des critères relatifs aux liens capitalistiques entre le producteur et l'éditeur de services et aux parts de production détenue par ce dernier sur l'oeuvre, le décret attaqué n'a pas davantage méconnu les objectifs de la directive ;
En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de représentativité des signataires de l'accord conclu préalablement à l'édiction du décret attaqué ;
Considérant que la circonstance que l'accord du 22 juillet 2009 entre certains éditeurs de services de télévision n'utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et des organisations professionnelles du secteur de la production audiovisuelle sur la contribution de ces services à la production, et dont le décret attaqué a repris certaines des dispositions, n'aurait pas été signé par toutes les organisations professionnelles représentatives du secteur de la production est sans influence sur la légalité de ce décret ;
En ce qui concerne le moyen tiré de l'atteinte à la liberté contractuelle :
Considérant que l'article 15 du décret, qui définit les critères selon lesquels les dépenses de l'éditeur de service peuvent être décomptées au titre de sa contribution à la production indépendante, précise que ces dépenses concernent notamment des oeuvres sur lesquelles l'éditeur ne détient pas directement ou indirectement de parts de producteur et ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l'initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l'oeuvre et n'en garantit pas la bonne fin et précise que l'éditeur lorsqu'il a financé une part substantielle du coût total de l'oeuvre, (il) peut détenir un droit sur les recettes d'exploitation dans des conditions précisées par les conventions (...) passées avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel ;
Considérant que ces dispositions ont pour seul objet de renvoyer à la convention passée entre l'autorité de régulation et l'éditeur de service le soin de déterminer les modalités selon lesquelles, lorsqu'un droit à recettes sur l'exploitation d'une oeuvre a été contractuellement consenti par le producteur à l'éditeur, cette oeuvre peut néanmoins être décomptée dans la contribution à la production indépendante de l'éditeur ; que ces dispositions, qui sont prises pour l'application de l'article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986, précisent les modalités définies à cet article ; que par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de donner au Conseil supérieur de l'audiovisuel compétence pour fixer le droit à recettes de l'éditeur sur les oeuvres qu'il a financées ni de porter atteinte à la liberté contractuelle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE et du SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE et au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.
Copie en sera adressée au Conseil supérieur de l'audiovisuel.