Vu, 1°) sous le n° 334911, la requête, enregistrée le 22 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE, dont le siège est situé 24 rue du Faubourg Poissonnière à Paris (75010) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2009-1271 du 21 octobre 2009 relatif à la contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique ;
Vu, 2°) sous le n° 334912, la requête enregistrée le 22 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS, dont le siège est situé 1 bis rue du Havre à Paris (75008) ; le syndicat demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2009-1271 du 21 octobre 2009 ;
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Vu, 3°) sous le n° 334914, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2009 et 1er mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6), dont le siège est situé 89, avenue Charles de Gaulle à Neuilly-sur-Seine (92575 Cedex) ; la société M6 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret n° 2009-1271 du 21 octobre 2009 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle ;
Vu la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, modifiée notamment par les lois n° 2007-309 du 5 mars 2007 et n° 2009-258 du 5 mars 2009 ;
Vu le décret n° 2001-609 du 9 juillet 2001 ;
Vu la décision du 29 octobre 2010 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anissia Morel, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6),
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE, du SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS et de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) sont dirigées contre le même décret n° 2009-1271 du 21 octobre 2009 ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 mars 2009 : Compte tenu des missions d'intérêt général des organismes du secteur public et des différentes catégories de services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre, des décrets en Conseil d'Etat fixent les principes généraux définissant les obligations concernant : / (...) 3° La contribution des éditeurs de services au développement de la production, en tout ou partie indépendante à leur égard, d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, ainsi que la part de cette contribution ou le montant affectés à l'acquisition des droits de diffusion de ces oeuvres sur les services qu'ils éditent, en fixant, le cas échéant, des règles différentes pour les oeuvres cinématographiques et pour les oeuvres audiovisuelles et en fonction de la nature des oeuvres diffusées et des conditions d'exclusivité de leur diffusion (...) / En matière audiovisuelle cette contribution porte, entièrement ou de manière significative, sur la production d'oeuvres de fiction, d'animation, de documentaires de création, y compris de ceux qui sont insérés au sein d'une émission autre qu'un journal télévisé ou une émission de divertissement, de vidéo-musiques et de captation ou de recréation de spectacles vivants ; elle peut inclure des dépenses de formation des auteurs et de promotion des oeuvres (...) ; que l'article 28 de la même loi dispose que la délivrance des autorisations d'usage de la ressource radioélectrique pour chaque nouveau service diffusé par voie hertzienne terrestre, autre que ceux exploités par les sociétés nationales de programme, est subordonnée à la conclusion d'une convention passée entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel au nom de l'Etat et la personne qui demande l'autorisation et indique que cette convention, qui doit respecter les règles générales fixées notamment en application de l'article 27, peut notamment porter sur les modalités permettant d'assurer la contribution au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles ; que l'article 71-1 dispose que les décrets prévus à l'article 27 précisent les conditions dans lesquelles une oeuvre audiovisuelle peut être prise en compte au titre de la contribution d'un éditeur de services à la production indépendante en fonction de la part détenue, directement ou indirectement par l'éditeur de service, ou par le ou les actionnaires le contrôlant, au sens du 2° de l'article 41-3, au capital de l'entreprise qui produit l'oeuvre et interdisent la détention directe ou indirecte par l'éditeur de parts de producteur ;
Considérant que le décret attaqué, relatif à la contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services de télévision diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique, a été pris notamment pour l'application des dispositions des articles 27, 28 et 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu'il impose aux éditeurs de services de consacrer chaque année une part annuelle de leur chiffre d'affaires annuel net de l'exercice précédent à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française et fixe cette part, soit au moins à 15% du chiffre d'affaires, dont au moins 10,5% consacrés à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres patrimoniales, soit au moins à 12,5% lorsque ces dépenses sont entièrement consacrées à des oeuvres patrimoniales ; qu'il définit comme patrimoniales les oeuvres énumérées à la première phrase du deuxième alinéa du 3° de l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu'il dispose, par ailleurs, qu'une part des dépenses obligatoires est consacrée au développement de la production indépendante et précise les critères selon lesquels ces dépenses sont prises en compte au titre du développement de la production indépendante ;
Sur la légalité externe :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l'édiction du décret attaqué, le ministère de la culture et de la communication a organisé sur son site internet une consultation publique ouverte à tous les éditeurs de service de télévision et les organisations professionnelles du secteur de l'audiovisuel en invitant ceux-ci à prendre connaissance du projet de texte et à répondre à un questionnaire mis en ligne ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait été irrégulière au motif que des organisations représentatives du secteur n'auraient pas été mises à même de faire connaître leur avis manque, en tout état de cause, en fait ;
Considérant, qu'en prenant les dispositions attaquées, l'auteur du décret n'a pas excédé la compétence découlant des articles 27 et 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 qui prévoient que seront fixés, par décret en Conseil d'Etat, les principes généraux relatifs à la contribution des éditeurs de services au développement de la production audiovisuelle et les conditions dans lesquelles une oeuvre peut être prise en compte au titre de cette contribution ; que ces dispositions n'empiètent pas sur le pouvoir du Conseil supérieur de l'audiovisuel de fixer, pour chaque service, cette contribution par voie conventionnelle, lequel s'exerce, comme le rappelle l'article 28 de la loi, dans le respect des règles générales prises en application de l'article 27 ;
Sur la légalité interne :
En ce qui concerne les modalités de détermination de la contribution ;
Considérant que le décret, en fixant aux éditeurs de service un niveau de contribution exprimé en pourcentage du chiffres d'affaires, différent selon que celle-ci porte en tout ou partie sur des oeuvres qualifiées de patrimoniales, et en leur imposant de réserver une part de cette contribution à des oeuvres émanant de producteurs indépendants, s'est conformé aux prescriptions du législateur ; que, par suite, le moyen tiré de ce que, en opérant des distinctions selon la nature des oeuvres et l'origine de leur production, le pouvoir réglementaire aurait méconnu le principe d'égalité ne peut qu'être écarté ;
Considérant que le décret a fait une exacte application de l'article 71-1 de la loi en définissant la production indépendante selon deux critères, l'un s'attachant à la part de producteur détenue par l'éditeur dans l'oeuvre, l'autre au contrôle direct ou indirect par ce dernier de l'entreprise ayant produit l'oeuvre ;
Considérant que le décret n'était pas tenu de transposer le contenu des accords professionnels signés entre les syndicats représentatifs du secteur et les éditeurs de services à l'automne 2008 relatifs à la contribution de ces derniers à la production audiovisuelle ; qu'en ne reprenant pas la clause de sauvegarde figurant dans l'accord qu'avait signé la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) et en renvoyant aux conventions particulières le soin de déterminer les modalités de report de l'obligation de contribution lorsque le chiffre d'affaires de l'exercice en cours de l'éditeur de services diminue d'au moins 10% par rapport au chiffre d'affaires de l'exercice précédent, le décret n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne les modalités d'entrée en vigueur du nouveau régime de contribution fixé par le décret attaqué ;
Considérant que selon l'article 91 de la loi du 5 mars 2009 : Les décrets fixant le régime de contribution à la production audiovisuelle des éditeurs de services de télévision pris en application des articles 27, 33, 71 et 71-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée peuvent déterminer le montant de cette contribution en 2009 sur la base du chiffre d'affaires ou des ressources réalisés en 2008 par les services en cause ; que le décret en décidant, en son article 17, que ses dispositions seraient applicables pour le calcul de la contribution des éditeurs des services de télévision à la production audiovisuelle en 2009 sur la base du chiffres d'affaires ou des ressources réalisés en 2008, a mis en oeuvre la faculté ouverte à l'article 91 de la loi ; que par suite le moyen tiré de ce que le décret aurait comporté des dispositions rétroactives illégales ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant que la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) fait toutefois valoir que l'entrée en vigueur du décret à une date tardive dans l'année 2009, alors que la quasi-totalité de ses investissements en matière de production avait déjà été réalisée depuis le début d'année sur la base du régime de contribution en vigueur antérieurement, l'aurait privée de l'option ouverte par le décret entre deux modes de contribution et aurait porté une atteinte excessive à ses intérêts ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que le principe d'une obligation de contribution significative à des oeuvres de création dites patrimoniales avait été introduit à l'article 27 de la loi du 30 septembre 1986 dès la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion télévisuelle et la télévision du futur ; que, dans l'accord signé en novembre 2008 avec les syndicats représentatifs du secteur, la requérante s'était engagée à une contribution de 15% dont au moins 10,5% d'oeuvres patrimoniales qui est en définitive une des deux options retenues par le décret ; que ces options ont été portées à la connaissance des opérateurs début 2009 ; que l'évolution du régime économique de la contribution était ainsi prévisible pour un opérateur averti comme la requérante et que les éditeurs ont disposé d'un temps raisonnablement suffisant pour adapter leur comportement à cette évolution ; que, par suite, la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) n'est pas fondée à soutenir que, faute d'avoir reporté son entrée en vigueur au début de l'année 2010 ou envisagé des mesures transitoires, le décret attaqué serait contraire au principe de sécurité juridique ni, en tout état de cause, au principe de confiance légitime ; que pour les mêmes raisons, le décret attaqué ne méconnaît en tout état de cause pas l'article 1 du Protocole n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE, du SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS et de la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6) sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES AGENCES DE PRESSE TELEVISEE, au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS, à la SOCIETE METROPOLE TELEVISION (M6), au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.
Copie en sera adressée au Conseil supérieur de l'audiovisuel.