Vu la requête, enregistrée le 27 février 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. et Mme Driss A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours dirigé contre la décision du consul général de France à Tanger refusant un visa d'entrée en France à l'enfant mineur B C ;
2) d'enjoindre à l'autorité administrative de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3) d'enjoindre au consul général de France à Tanger de restituer les documents officiels leur appartenant, dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4) d'accorder aux intéressés la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
5) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale sur les droits de l'enfant ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Pellissier, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme A contestent la décision implicite de rejet du recours qu'ils ont formé devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France à l'encontre de la décision en date du 24 juillet 2008 des autorités consulaires françaises refusant la délivrance d'un visa de long séjour au jeune B , né en 2003 et qui leur a été confié par un acte de kafala , homologué par une ordonnance du juge chargé du notariat et des affaires de mineurs du tribunal de première instance de Ksar el Kebir (Maroc) du 28 mars 2005 ;
Considérant que l'intérêt d'un enfant est, en principe, de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où un visa d'entrée et de long séjour en France est sollicité en vue de permettre à un enfant de rejoindre un ressortissant français ou étranger qui a reçu délégation de l'autorité parentale dans les conditions rappelées ci-dessus, ce visa ne peut en règle générale, eu égard notamment aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, être refusé pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, l'autorité chargée de la délivrance des visas peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur l'atteinte à l'ordre public qui pourrait résulter de l'accès de l'enfant au territoire national, ainsi que sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de celui-ci en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;
Considérant en premier lieu qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le refus de visa opposé aux requérants serait fondé sur ce que l'acte de kafala leur conférant l'autorité parentale sur le jeune B serait dépourvu d'exequatur ;
Considérant, en second lieu, que, s'il résulte des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant et si l'article 8 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantit à chacun le droit de mener une vie familiale normale, il ressort des pièces du dossier que le jeune B vit depuis sa naissance au Maroc, où il n'est pas isolé ; que les requérants n'apportent aucune précision sur les relations qu'ils entretiendraient avec lui ; que les ressources très modestes de M. et Mme A, retraités, ne sont pas suffisantes pour accueillir cet enfant dans de bonnes conditions ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a ni méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant et les stipulations citées de la convention relative aux droits de l'enfant, ni porté au droit de M. et Mme A et du jeune B de mener une vie privée et familiale normale une atteinte excessive au regard des buts qu'elle poursuit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ; qu'en l'absence de toute illégalité, cette décision n'est en tout état de cause pas susceptible d'engager la responsabilité pour faute de l'Etat ;
Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. et Mme A, n'appelle aucune mesure d'exécution ; qu'il leur appartient, s'ils s'y croient fondés, de demander aux autorités consulaires la restitution des documents leur appartenant et, le cas échéant, de contester le refus qui leur serait opposé ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Driss A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.