Vu la requête, enregistrée le 21 février 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13, dont le siège est 71 rue Sénac de Meilhan à Marseille (13001), LES AMIS DE LA TERRE FRANCE, dont le siège est 2B rue Jules Ferry à Montreuil (93100), M. Antoine A, demeurant rue ..., M. Gilles B, demeurant ..., et Mme Isabelle C, demeurant ... ; le COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2009-263 du 6 mars 2009 autorisant le démantèlement de l'installation nucléaire de base (INB) n° 32 implantée sur le centre d'études nucléaires du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de Cadarache sur le territoire de la commune de Saint-Paul-lez-Durance ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que la requête est recevable dans la mesure où, d'une part, elle n'est pas tardive et où, d'autre part, ils ont intérêt à agir ; que l'urgence est avérée compte tenu des conséquences irréparables sur l'environnement et sur la population d'un éventuel accident lié au risque de criticité sur le site de l'atelier de technologie du plutonium (ATPu) ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté dès lors que l'enquête publique est entachée d'un vice de procédure en raison de l'insuffisance de l'étude de danger, qui comporte une sous-estimation de la quantité de matière fissile en rétention dans les équipements ;
Vu le décret dont la suspension est demandée ;
Vu la copie de la requête en annulation présentée par le COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et autres ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2011, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la requête est irrecevable en raison, d'une part, de sa tardiveté et, d'autre part, de l'absence de présentation par un avocat au Conseil d'Etat, alors que les litiges relatifs aux décisions autorisant le démantèlement d'une INB sont soumis à un contentieux de pleine juridiction ; qu'aucun des requérants ne justifie d'un intérêt à agir ; que les requérants ne démontrent nullement que l'exécution du décret autorisant la mise à l'arrêt définitif et le démantèlement de l'ATPu porterait atteinte de manière grave et immédiate à un intérêt public, à leurs intérêts propres ou à leur situation ; que les événements qui se sont produits sur le site de l'ATPu après le début de la phase de mise à l'arrêt définitif et le démantèlement ne sont pas de nature à justifier l'urgence à suspendre les effets du décret litigieux ; que les requérants ne démontrent pas l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité dudit décret, dans la mesure où l'étude de danger comporte tous les éléments d'information nécessaires à la fois quant à la quantité de matière fissile présente dans les boîtes à gants et quant au risque de criticité ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2011, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui conclut au rejet de la requête, pour les mêmes motifs que ceux exposés par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2011, présenté pour le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'étant bénéficiaire de l'autorisation contestée, le CEA a intérêt à intervenir en défense ; que la requête est irrecevable pour tardiveté, défaut d'intérêt pour agir et défaut d'avocat au Conseil d'Etat ; que les requérants ne justifient pas l'urgence qu'il y aurait à suspendre l'autorisation contestée et ne démontrent pas davantage en quoi la suspension de l'exécution du décret du 6 mars 2009 autorisant la mise à l'arrêt définitif et le démantèlement de l'ATPu aurait pour effet de prévenir ou même de réduire le risque de criticité allégué ; qu'un intérêt public s'attache à l'exécution de cette décision ; qu'aucun doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux n'est établi ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 mars 2011, présenté par le COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et autres qui reprennent les moyens et conclusions de leur requête ; ils soutiennent en outre que leur requête est recevable ; qu'en effet, d'une part, ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ; que, d'autre part, ni les dispositions de la loi relative à la transparence et la sûreté dans le nucléaire, ni celles du code de justice administrative n'exigent le recours à un avocat au Conseil d'Etat pour former un requête contre l'acte attaqué ; que, si tel était le cas, ces dernière dispositions devraient être écartées comme étant contraires à l'article 7 de la Charte de l'environnement ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2011, présenté par le Premier ministre qui déclare s'associer aux conclusions présentées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, et notamment son préambule ;
Vu la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
Vu la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 ;
Vu le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 modifié ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu le décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13, LES AMIS DE LA TERRE FRANCE, M. Antoine A, M. Gilles B ainsi que Mme Isabelle C et, d'autre part, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
Vu le procès-verbal de l'audience du 15 mars 2011 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants du COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et de l'association LES AMIS DE LA TERRE ;
- les représentants du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) :
- Me Caston, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. ;
Sur la fin de non recevoir :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 432-1 du code de justice administrative : La requête et les mémoires des parties doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés par un avocat au Conseil d'Etat ; qu'en vertu des dispositions combinées de l'article 29 et de l'article 45 de la loi du 13 juin 2006 sur la transparence et la sécurité dans le nucléaire, les litiges formés contre les décrets autorisant le démantèlement d'une installation nucléaire de base sont soumis à un contentieux de pleine juridiction ; que ni l'article R. 432-2 ni aucun texte spécial ne dispensent un tel recours du ministère d'un avocat au Conseil d'Etat ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions précitées du code de justice administrative ne sont pas contraires à l'article 7 de la Charte de l'environnement ; que par suite la requête, présentée sans le ministère d'un avocat au Conseil d'Etat, qui n'a pas été régularisée alors que le mémoire en défense, communiqué à l'association requérante, a opposé une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de cette exigence, est irrecevable ;
Considérant, au surplus, que, si les requérants font valoir que l'étude de danger serait insuffisante dès lors qu'elle comprendrait une sous-estimation de la masse de matière fissile en rétention dans les équipements, il est toutefois relevé en défense, d'une part, que l'évaluation de cette quantité, au stade d'une étude préalable, ne peut reposer que sur des estimations, l'évaluation exacte nécessitant le démontage des équipements et, d'autre part, que le risque de criticité lié à la présence de ces matières a été mentionné dans l'étude de danger ; que, compte tenu de ces éléments, l'unique moyen de la requête n'est pas, en l'état de l'instruction, de nature, à créer un doute sérieux sur la légalité du décret attaqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative, que les requérants ne sont pas fondés à demander la suspension du décret attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête du COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13 et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au COLLECTIF ANTINUCLEAIRE 13, à l'association LES AMIS DE LA TERRE FRANCE, à M. Antoine A, à M. Gilles B et à Mme Isabelle C, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives.