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19/01/2011 | FRANCE | N°340773

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 19 janvier 2011, 340773


Vu, 1° sous le numéro 340773, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juin et 6 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE, dont le siège est au 2 rue du Nouveau Bercy Immeuble Le Levant à Charenton-le-Pont (94220) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1008939 du 7 juin 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrativ

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Vu, 1° sous le numéro 340773, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juin et 6 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE, dont le siège est au 2 rue du Nouveau Bercy Immeuble Le Levant à Charenton-le-Pont (94220) ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1008939 du 7 juin 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Korrigan, d'une part, annulé la procédure d'appel d'offres lancée par la Ville de Paris, en vue du renouvellement du marché ayant pour objet l'enlèvement des graffitis à Paris, comprenant un lot n° 1 portant sur les arrondissements de la rive droite et les aires de jeux des Bois de Boulogne et de Vincennes et un lot n° 2 portant sur les arrondissements de la rive gauche et l'ensemble des ponts enjambant la Seine et, d'autre part, enjoint à la Ville de Paris, si elle entend poursuivre son projet de marché, de reprendre l'intégralité de la procédure de passation de celui-ci ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Korrigan ;

3°) de mettre à la charge de la société Korrigan le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu, 2° sous le numéro 340780, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juin 2010 et 6 juillet 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE PARIS, représentée par son maire ; la ville demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la même ordonnance du 7 juin 2010 du juge des référés du tribunal administratif de Paris ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Korrigan et l'intervention de la société HTP- Anti-Graffitis ;

3°) de mettre à la charge de la société Korrigan et de la société HTP- Anti- Graffitis le versement de la somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 janvier 2011, présentée pour la société Korrigan ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIÉTÉ T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE, de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la société HTP- Anti-Graffitis et de la société Korrigan et de Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIÉTÉ T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE, à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la société HTP- Anti-Graffitis et de la société Korrigan et à Me Foussard, avocat de la VILLE DE PARIS,

Considérant que les pourvois de la SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE et de la VILLE DE PARIS tendent à l'annulation de la même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à la procédure objet du litige : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics (...)/ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local (...) ; qu'en application de ces dispositions, il appartient au juge des référés précontractuels de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels que, par un avis d'appel public à concurrence publié à compter du 3 novembre 2009, la VILLE DE PARIS a lancé une procédure d'appel d'offres pour le renouvellement du marché de nettoyage des graffitis sur les immeubles, dans les aires de jeux et sur les ponts ; que ce marché se composait de deux lots ; qu'au terme de la procédure, la SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE a été déclarée attributaire de ces deux lots ; que la société Korrigan, filiale de la société COVED, titulaire du lot n° 2 dans l'ancien marché, a introduit un référé précontractuel sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative ; que la société HTP- Anti-Graffitis est intervenue au soutien de sa demande ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris a admis cette intervention et annulé la procédure ;

Sur la recevabilité de l'intervention de la société HTP- Anti-Graffitis devant le juge des référés :

Considérant que le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant que cette société se prévalait d'un droit distinct auquel la décision à rendre était susceptible de préjudicier et que le caractère opérant ou non des moyens soulevés par la société intervenante était sans incidence sur la recevabilité de son intervention ;

Sur la régularité de la procédure de passation du marché :

Considérant, en premier lieu, que le juge des référés a, sans dénaturer les pièces du dossier, estimé que, l'entreprise attributaire étant susceptible de devoir reprendre les salariés du titulaire du précédent marché sur le fondement d'obligations résultant d'une convention collective étendue, le coût de la masse salariale correspondante était en conséquence un élément essentiel du marché, eu égard au poids des charges de personnel dans l'activité considérée ; que c'est, de même, par une appréciation souveraine qu'il a estimé que la VILLE DE PARIS détenait ces informations ou était en mesure de les obtenir ; qu'il n'a ainsi pas commis d'erreur de droit en jugeant nécessaire la communication de cette information à tous les candidats, quand bien même certains ne seraient pas soumis à cette obligation conventionnelle de reprise, afin qu'ils puissent présenter une offre dans des conditions d'une égale concurrence ;

Considérant en deuxième lieu, que le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit, d'une part, en regardant comme inopérantes les circonstances que le marché serait un marché de résultats et que l'origine de l'obligation serait conventionnelle, dès lors que cette obligation s'imposait à une partie au moins des candidats, d'autre part, en relevant que la méconnaissance de cette obligation de communiquer à tous les candidats un élément essentiel du marché était constitutive d'un manquement aux règles de publicité et de mise en concurrence ;

Considérant en troisième lieu que si les collectivités publiques sont, dans leur activité contractuelle, tenues au respect du secret des affaires, ce secret doit se concilier avec l'obligation d'assurer l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public ; que le juge des référés n'a donc pas commis d'erreur de droit en jugeant que, compte tenu de la nature des informations en cause, leur communication était nécessaire pour assurer l'égalité entre les candidats, sans que leur divulgation puisse être regardée comme constitutive d'une violation du secret des affaires ;

Considérant, enfin, que le juge des référés a souverainement estimé, sans dénaturer les pièces du dossier, que la SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE, attributaire des deux lots du marché, était soumise, comme la société Korrigan, à l'obligation conventionnelle de reprise du personnel ; qu'il n'a en conséquence pas inexactement qualifié de manquement ayant été susceptible de léser la société requérante, l'absence de communication de l'information sur la masse salariale du personnel à reprendre à la société COVED, quand bien même la société requérante disposait de l'information pour le lot n° 2, en sa qualité de filiale de cette dernière, après avoir relevé que le défaut de communication de cette information était susceptible de léser indirectement la requérante et que le défaut d'information de la société attributaire avait pu expliquer, par une sous-estimation des coûts de main d'oeuvre, la présentation par elle d'une meilleure offre, l'écart reposant essentiellement sur le critère du prix ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE et la VILLE DE PARIS ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, laquelle est suffisamment motivée ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'elles présentent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros chacune, à verser tant à la société Korrigan qu'à la société HTP- Anti-Graffitis, au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois de la SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE et de la VILLE DE PARIS sont rejetés.

Article 2 : La SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE et la VILLE DE PARIS verseront la somme de 3 000 euros chacune, à la société Korrigan d'une part, à la société HTP- Anti-Graffitis d'autre part.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE T.E.P - TECHNIQUE D'ENVIRONNEMENT ET PROPRETE, à la VILLE DE PARIS, à la société HTP- Anti-Graffitis et à la société Korrigan.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 19 jan. 2011, n° 340773
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Agnès Fontana
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE ; FOUSSARD

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 19/01/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 340773
Numéro NOR : CETATEXT000023494632 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2011-01-19;340773 ?
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