Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 avril et 22 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Mireille A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 06BX00587 du 21 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel de la commune de Saujon, a, d'une part, annulé le jugement n° 0501371 du 1er février 2006 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 3 mai 2005 du maire de Saujon prononçant sa rétrogradation au grade d'attaché principal de deuxième classe et, d'autre part, rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision pour excès de pouvoir ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la commune de Saujon ;
3) de mettre à la charge de la commune de Saujon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Romain Victor, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Saujon,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de Mme A et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la commune de Saujon ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 30 mars 2004, le maire de la commune de Saujon a prononcé la rétrogradation de Mme A, attachée territoriale principale de première classe détachée sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services, au grade d'attaché territorial de deuxième classe, en fondant cette décision sur la défiance et le manque de respect de l'intéressée à l'égard de l'autorité territoriale, son comportement à l'égard de ses collègues de travail, son refus d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées et la dissimulation de pièces dans son dossier individuel ; que, par un premier jugement du 6 avril 2005, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette sanction disciplinaire au motif qu'elle était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que, pour l'exécution de ce jugement, le maire de la commune, par un arrêté du 3 mai 2005 fondé sur les mêmes griefs que le précédent arrêté du 30 mars 2004, a de nouveau rétrogradé Mme A, en limitant toutefois la portée de cette rétrogradation au grade d'attaché principal de deuxième classe ; que cet arrêté du 3 mai 2005 a également été annulé pour erreur manifeste d'appréciation par un second jugement du tribunal administratif de Poitiers du 1er février 2006 ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 février 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, faisant droit à l'appel de la commune de Saujon, a annulé ce jugement et rejeté la demande qu'elle avait présentée devant le tribunal administratif de Poitiers ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / l'abaissement d'échelon ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / la rétrogradation ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à six mois ; / Quatrième groupe : / la mise à la retraite d'office / la révocation ;
Considérant que l'autorité de la chose jugée s'attache non seulement au dispositif d'un jugement mais également aux motifs qui en sont le support nécessaire ; que pour annuler, par son jugement du 6 avril 2005, la sanction de rétrogradation prononcée à l'encontre de Mme A par l'arrêté du 30 mars 2004, le tribunal administratif de Poitiers a jugé que la matérialité des faits reprochés à l'intéressée n'était pas établie par les pièces du dossier, à l'exception de ceux relatifs au manque de respect à l'égard du maire, et que si Mme A avait tenu des propos irrespectueux à l'égard de l'autorité territoriale en qualifiant le maire de Roi Soleil , ce motif ne saurait justifier à lui seul la rétrogradation de Mme A ; que, par suite, pour l'exécution de ce jugement, le maire de Saujon ne pouvait, sans méconnaître l'autorité de la chose jugée, prendre à nouveau une sanction de rétrogradation de l'intéressée fondée exactement sur les mêmes faits, alors même que la portée de cette sanction aurait été moins sévère ;
Considérant, dès lors, qu'en jugeant que la décision du 3 mai 2005 ne méconnaissait pas l'autorité de la chose jugée qui s'attachait au jugement du 6 avril 2005 du tribunal administratif de Poitiers, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, par suite, Mme A est fondée à en demander l'annulation pour ce motif ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Saujon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé l'arrêté du 3 mai 2005 du maire de la commune portant rétrogradation de Mme A ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Saujon la somme de 3 000 euros à verser à Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Saujon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 06BX00587 du 21 février 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la commune de Saujon devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : La commune de Saujon versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Saujon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A et à la commune de Saujon.