Vu l'ordonnance du 17 août 2010, enregistrée le 19 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le vice-président de la 2ème section du tribunal administratif de Paris, avant qu'il soit statué sur la demande de Mme A tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 168 du code général des impôts ;
Vu le mémoire, enregistré le 30 juin 2010 au greffe du tribunal administratif de Paris, présenté par Mme A, demeurant ...), en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code général des impôts, notamment son article 168 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat lui a transmis, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soulevée soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant qu'aux termes de l'article 168 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : 1. En cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, compte tenu, le cas échéant, de la majoration prévue au 2, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 40 000 euros ; cette limite est relevée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu : (...). / 2. La somme forfaitaire déterminée en application du barème est majorée de 50 % lorsqu'elle est supérieure ou égale à deux fois la limite mentionnée au 1 et lorsque le contribuable a disposé de plus de six éléments du train de vie figurant au barème. / 2 bis. La disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème et de la majoration prévus aux 1 et 2 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement. / 3. Le contribuable peut apporter la preuve que ses revenus ou l'utilisation de son capital ou les emprunts qu'il a contractés lui ont permis d'assurer son train de vie ;
Considérant que ces dispositions, qui ont servi de fondement aux impositions contestées par la requérante devant le tribunal administratif de Paris, sont applicables au litige ; qu'elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que, en permettant l'imposition du contribuable sur la base d'une assiette qui pourrait être sans lien avec ses facultés contributives, ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au principe d'égalité devant les charges publiques découlant de l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 168 du code général des impôts est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Danièle A, au Premier ministre et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.
Copie en sera adressée au tribunal administratif de Paris.