Vu la requête, enregistrée le 5 août 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Léonard A, élisant domicile ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 11 juin 2009, par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 2 octobre 2008, par laquelle le consul général de France à Abidjan (Côte d'Ivoire) lui a refusé un visa d'entrée et de long séjour en France ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à titre principal, de lui délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Henrard, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Delphine Hédary, rapporteur public ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
Considérant que M. A, ressortissant ivoirien, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 11 juin 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 2 octobre 2008, par laquelle le consul général de France à Abidjan (Côte-d'Ivoire) lui a refusé un visa d'entrée et de long séjour en France ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter le recours de M. A, la commission s'est fondée sur deux motifs, tirés de ce que l'intéressé n'avait fait l'objet que d'une adoption simple par un ressortissant français et qu'il pouvait organiser sa vie personnelle en Côte-d'Ivoire ;
Considérant, en premier lieu, que, selon l'article 370-5 du code civil : L'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. A défaut, elle produit les effets de l'adoption simple. Elle peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause ; que, par un jugement du 3 juillet 1998 dont la régularité internationale n'est pas contestée, le tribunal de première instance d'Abidjan a prononcé, sur la requête de M. Christian , ressortissant français demeurant à Lyon (Rhône), l'adoption simple de M. A de nationalité ivoirienne ;
Considérant que l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : / (...) 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant (...) est à la charge de ses parents (...), sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ; / (...) L'enfant visé aux 2° (...) du présent article s'entend de l'enfant ayant une filiation légalement établie, y compris l'enfant adopté, en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger ; que, parmi les enfants visés par ces dispositions, figurent les enfants ayant fait l'objet d'une adoption, qu'il s'agisse d'une adoption plénière ou d'une adoption simple ;
Considérant que si les dispositions de l'article L. 314-11 n'ont ni pour objet, ni pour effet, de conférer à l'étranger susceptible de bénéficier de plein droit d'une carte de résident, et notamment à l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française ayant une filiation, y compris adoptive, légalement établie si cet enfant est à la charge de ses parents, le droit d'obtenir un visa de long séjour, la commission ne pouvait toutefois, sans erreur de droit, fonder le refus opposé à l'intéressé de lui délivrer un visa de long séjour sur la seule circonstance que son adoption par un ressortissant français, à la charge duquel il se trouvait, avait le caractère d'une adoption simple ;
Considérant, en second lieu, qu'en se fondant sur la circonstance que le requérant pouvait organiser sa vie personnelle en Côte d'Ivoire, sans rechercher si la décision de refus contestée était de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé et de son père adoptif, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise, la commission a entaché sa décision d'une nouvelle erreur de droit ;
Considérant que la circonstance, invoquée par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire dans son mémoire en défense, tirée de ce que l'intéressé ne pouvait être regardé comme étant à la charge de son père adoptif, est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant que, eu égard à ses motifs, la présente décision n'implique par nécessairement la délivrance d'un visa d'entrée en France à M. A ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de prendre une nouvelle décision sur sa demande de visa d'entrée et de long séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 2 500 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 11 juin 2009 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer la demande de visa de M. A, au regard des motifs de la présente décision, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de celle-ci.
Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Léonard A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.