Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 septembre et 3 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrick A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 3 juillet 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 11 mai 2006 rejetant ses demandes tendant, d'une part, à la restitution de l'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1997 et, d'autre part, à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment son article 1844-7 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Salesse, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. A ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL Aluplastic, qui avait pour activité la fabrication, l'achat et la vente de menuiseries et stores à base d'aluminium, était détenue à parts égales par MM. Didier et Patrick A ; qu'après sa transformation en société anonyme le 10 décembre 1997, elle a cédé à une nouvelle société anonyme également dénommée Aluplastic, créée le 23 décembre 1997 par MM. A, son fonds de commerce et son matériel le 27 décembre 1997 puis son stock le 30 décembre 1997, ne conservant plus que des liquidités et un important portefeuille de valeurs mobilières de placement ; que les associés ont cédé le 30 décembre 1997 la totalité des titres de l'ancienne SA Aluplastic à la SA Borde Protection moyennant le prix de 35 000 000 francs réglé en deux versements intervenus respectivement au jour de la cession et le 27 juillet 1998 ; que le 31 décembre 1997, l'ancienne SA Aluplastic a changé son objet social, son siège et sa dénomination pour devenir la SA Finalu ; que M. A a déclaré des plus-values de cession de valeurs mobilières pour un montant de 17 350 000 francs, qui ont été imposées au taux de 16 % au titre de l'année 1997 ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la nouvelle SA Aluplastic et d'un contrôle sur pièces de M. A, l'administration a estimé, sur le fondement de la procédure de répression des abus de droit, que la cession de l'activité industrielle puis des titres de l'ancienne société Aluplastic s'inscrivait dans un montage à but exclusivement fiscal destiné à dissimuler la dissolution de cette société avec création d'un être moral nouveau, la SA Finalu, et que les sommes qui avaient été déclarées comme plus-values de cession de valeurs mobilières pour bénéficier du taux forfaitaire présentaient le caractère de boni de liquidation imposable au taux progressif ; que si l'administration n'a pas taxé la somme perçue en décembre 1997 couverte par la prescription, elle a imposé au taux progressif le versement intervenu le 27 juillet 1998 qu'elle a regardé comme constituant le terme des opérations de liquidation ; qu'en outre, M. A a été imposé au titre de cette même année 1998 à raison de frais d'études pris en charge par la nouvelle SA Aluplastic et qui ont été considérés comme des revenus distribués sur le fondement de l'article 109-1 2° du code général des impôts ; que M. A a contesté les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels il a été ainsi assujetti au titre de 1998 et a réclamé à titre subsidiaire la restitution de l'impôt acquitté au titre de 1997 sur les plus-values déclarées ; qu'il demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai rejetant l'ensemble de ses conclusions ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales alors applicable : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus (...). L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ; que, toutefois, même lorsque le contribuable conclut un contrat dans l'unique but d'atténuer ses charges fiscales, celui-ci ne peut pas constituer un abus de droit, au sens des dispositions précitées, lorsque la charge fiscale de l'intéressé ne se trouve, en réalité, pas modifiée par cet acte ;
Considérant en premier lieu qu'en jugeant que la création de la nouvelle SA Aluplastic pour reprendre les moyens de production industrielle de l'ancienne SA Aluplastic puis la cession des actions de cette dernière société procédaient d'un montage mis en place par MM. Patrick et Didier A en vue de dissimuler la liquidation de l'ancienne SA Aluplastic dans le seul but de limiter leurs charges fiscales et en regardant, par suite, le prix de cession de ces valeurs mobilières comme un boni de liquidation imposable non pas au taux de 16 % prévu par l'article 160 du code général des impôts alors en vigueur mais au taux progressif, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit, dès lors que le transfert du capital de l'ancienne SA Aluplastic à la SA Borde Protection ne peut être regardé, même s'il a été suivi d'une modification de la dénomination, du siège et de l'objet social de la société, comme ayant donné lieu à la création d'un être moral nouveau et que, si le 5° de l'article 221 du code général des impôts prévoit que le changement d'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise , le changement d'activité et d'objet social qu'a connu l'ancienne SA Aluplastic, s'il justifiait l'imposition immédiate des bénéfices, n'entraînait pas la dissolution avec liquidation de la société ;
Considérant en deuxième lieu qu'en jugeant sur le même fondement que la prise en charge par la nouvelle SA Aluplastic de frais d'études qui n'avaient pas été exposés dans l'intérêt de l'entreprise s'inscrivait dans le montage constitutif d'un abus de droit mis en oeuvre par MM. Patrick et Didier A et en justifiant pour ce motif l'imposition entre les mains de M. Patrick A de la moitié des revenus distribués correspondants sur le fondement de l'article 109-1-2° du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le transfert du fonds de commerce, des moyens de production industrielle et du stock de l'ancienne SA Aluplastic à la nouvelle SA Aluplastic et la cession des titres de l'ancienne SA Aluplastic à la SA Borde Protection ne constituent pas les éléments d'un montage ayant un but exclusivement fiscal au sens de l'article L. 64 précité ; que dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de leur demande, M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 11 mai 2006, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par le requérant au cours de l'ensemble de l'instance et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 juillet 2007 de la cour administrative d'appel de Douai et le jugement du 11 mai 2006 du tribunal administratif de Lille sont annulés.
Article 2 : Il est accordé à M. A la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 10 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.